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Actualités - ANALYSE

Le dialogue est-Damas de nouveau sur le tapis

C’est une antienne, une scie qui revient aussi régulièrement que les vieux succès d’Adamo ou d’Enrico Macias: les relations de l’Est avec la Syrie et l’éventualité d’un dialogue avec Damas, que ce soit au niveau de Bkerké ou des leaderships politiques. De temps en temps, des «amis communs» locaux ou occidentaux s’agitent, multiplient les navettes et les pronostics positifs mais rien n’en sort. Sauf qu’au bout de ces allusions à un rapprochement imminent, les illusions se perdent encore plus et le camp chrétien se retrouve floué, encore plus marginalisé qu’avant, comme on l’a vu à l’occasion des législatives de 96. Là, sous les «pressions amicales» des Américains, des Français et de la Curie romaine, une bonne partie de ce camp résidant au pays avait décidé de renoncer au boycott adopté en 92,au risque d’une désunion affaiblissante du moment que les leaderships en exil, ainsi qu’une autre frange résidente, restaient contre la participation. Résultat des courses: un flop lamentable pour la plupart des figures emblématiques de l’Est dont le principal parti taëfiste n’a réussi à décrocher aucun siège parlementaire… Et les quelques candidats qui ont réussi alors des percées remarquées offrent tous la double particularité d’être des modérés et d’appartenir à une communauté leur permettant de postuler éventuellement pour la première présidence; on a dès lors sans doute souhaité les garder à tout hasard pour cette dernière course afin de pimenter les paris… Et c’est peut-être à cause des prochaines présidentielles, justement, que l’on reparle encore une fois d’améliorer les relations bilatérales, du moment que la Syrie est le grand électeur par excellence et que l’élu devra sortir des rangs de la communauté maronite… C’est une histoire ancienne. Fin 76, les Américains, relancés pour la mise sur pied d’une force internationale devant mettre fin aux combats du Liban, répondent que seuls les Syriens leur semblent en mesure d’agir efficacement dans ce sens. Certains soutiennent que les Syriens sont venus à la demande du «Front libanais» et des Kataëb. D’autres répondent qu’ils n’attendaient la requête d’aucune partie, en se basant sur un discours dans lequel le président Hafez el-Assad a affirmé que l’armée syrienne n’a demandé l’autorisation de personne, le but étant d’aider les alliés de la Syrie, nommément, a-t-il ajouté, le «Mouvement national». Soulagement Il n’en reste pas moins que le camp chrétien avait accueilli avec soulagement l’entrée des Syriens car sa situation militaire était presque désespérée. Ainsi, dans le haut Metn et le «jurd» du Kesrouan, les Syriens ont neutralisé la forte pression qu’exerçaient sur les «Forces libanaises» les «Forces communes» regroupant les Palestiniens, les progressistes, les communistes, le PSNS et d’autres. A ceux qui s’étonnaient qu’il eût accepté l’entrée des Syriens, Pierre Gemayel répondait : «Demanderiez-vous son identité à la main qui vient ôter le poignard prêt à vous égorger?». Ce fut pour quelques mois une lune de miel puis Sadate s’étant engagé dans un processus de paix avec Israël a tout bouleversé dans la région. Et la Syrie, évidemment opposée à une telle «trahison» de la cause arabe, s’est de nouveau retrouvée du même côté des Palestiniens. Les alliances ont donc changé, la guerre domestique a repris de plus belle et les «F.L.» se sont tournées vers Israël qui les a utilisées sans les servir. Ce choix malencontreux, cette lourde faute d’estimation, les chrétiens de l’Est en ont par la suite payé un prix très lourd. Et depuis lors, leurs relations avec Damas n’ont plus jamais été au beau fixe. Tout comme, depuis lors, le clivage entre Libanais s’articule en partie autour de la présence syrienne, les uns l’approuvant et les autres la dénonçant. Quand les maronites tenaient encore les commandes de l’Etat, sous Elias Sarkis comme sous Amine Gemayel ou sous Michel Aoun, le pouvoir n’avait pas manqué de demander le retrait syrien. Et après Taëf c’est devenu le contraire: le pouvoir libanais ne veut plus entendre d’un départ de ces forces ou même de leur redéploiement sur la Békaa, pourtant formellement prévu dans ces accords, très largement tronqués faut-il dire, aux dépens du camp chrétien soumis à d’incessantes discriminations politiques et autres… Espérances Y a-t-il aujourd’hui une chance sérieuse de corriger la trajectoire et de rétablir les ponts entre l’Est et Damas? A cette question, une source religieuse chrétienne répond qu’au Liban «il n’y a absolument personne qui soit hostile à la Syrie. Nul n’accepterait que ce pays serve de plate-forme pour des menées contre son voisin du nord. Nous ne voulons pas non plus nous allier avec la Syrie pour dominer une autre partie libanaise et nous attendons en réalité de cette puissance une neutralité bienveillante qui permette à tous les Libanais de se retrouver égaux en droits comme en obligations». Et de souligner que «la question de la présence syrienne pose problème à l’intérieur du pays encore plus qu’au niveau des relations bilatérales. Les Libanais se retrouvent divisés à cet égard comme du temps où, sous le régime du mandat, les Français se trouvaient militairement chez nous. Ce n’est que par leur évacuation que nous avons accédé à l’indépendance, état normal pour toute nation digne de ce nom. Il faut donc que, comme en 43, les Libanais s’entendent entre eux…». Cette autorité religieuse estime qu’«un tel accord ne devrait pas être difficile au niveau du principe, d’autant que le patriarche Sfeir a bien précisé que le retrait de l’occupant israélien devra précéder le départ des forces syriennes. C’est là à notre avis une concession de taille car les accords de Taëf eux-mêmes ne font pas de lien entre les deux éléments et fixent une date précise au redéploiement syrien, à savoir septembre 92, date à laquelle les deux ans qui devaient suivre les réformes constitutionnelles s’étaient écoulés. Une fois que les Libanais se seront entendus entre eux, il deviendra facile de se mettre d’accord avec les Syriens pour qu’ils partent quelque temps après le retrait israélien», conclut, sur un vœu naturellement pieux, cette personnalité spirituelle. E.K.
C’est une antienne, une scie qui revient aussi régulièrement que les vieux succès d’Adamo ou d’Enrico Macias: les relations de l’Est avec la Syrie et l’éventualité d’un dialogue avec Damas, que ce soit au niveau de Bkerké ou des leaderships politiques. De temps en temps, des «amis communs» locaux ou occidentaux s’agitent, multiplient les navettes et les pronostics...