Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Rabih Abou Khalil, un World musicien bien de chez nous (photo)

Dans le grand fourre-tout qu’est la «World music», Rabih Abou Khalil occupe une place de choix. Sa musique orientalise le jazz et le blues, y versant un zeste de rythmes bien de chez nous, y introduisant les sons d’un oud ou d’un nay. La sensualité qui se dégage de certains accords est rapidement contrebalancée par des rythmes plus saccadés, créant une série de contrastes éclatants. Rabih Abou Khalil, qui réside à Munich, était de passage à Beyrouth pour signer son dixième disque, «Odd Times».
Quarante ans, les cheveux bouclés, les yeux charbon, Rabih Abou Khalil parle avec passion de sa musique. Elle est le résultat d’un «besoin impératif de m’exprimer, de mettre en notes les compositions musicales qui me trottent dans la tête. Et ce qui est formidable, c’est que la musique n’a pas besoin d’être expliquée, c’est un langage qui dépasse toute langue. Elle éveille en chacun des sentiments qu’il a déjà en lui... Le message dépasse souvent ce que j’ai cherché à dire et que je n’arrive pas bien à définir moi-même». Sa musique par essence universaliste est un dialogue entre l’Orient et l’Occident. «Oriental dans ma sensibilité, dans mes goûts, dans mon affection, dans mon swing, je suis occidental dans ma technique, dans l’objectivité avec laquelle je réussis à composer», souligne-t-il.

Formation

Rabih Abou Khalil quitte le Liban en 1978, «j’avais en poche une formation musicale basique du Conservatoire national». Direction l’Allemagne, où il étudie de manière approfondie la musique classique et la flûte. «Cette formation très poussée m’a énormément servi ensuite dans mes compositions», remarque-t-il. Alors qu’il joue dans un orchestre classique, il enregistre son premier disque, musique pour flûte et piano. «Je l’ai enregistré à mon compte, j’ai fait les couvertures. J’ai vendu les 500 exemplaires au porte-à-porte», se souvient-il. «Ce disque datant de 1980 et aujourd’hui épuisé, a été sélectionné par le premier quotidien allemand comme la meilleure nouveauté de l’année». Fort de ce succès, et rêvant d’enregistrer avec d’importants noms du jazz international, il envoie cassettes et demandes de collaboration à une dizaine d’interprètes, aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord. «Neuf ont accepté de m’accompagner. Tous plus âgés que moi, plus professionnels... Je me disais c’est eux qui doivent avoir peur, ils ont une réputation à défendre. Moi, je n’ai rien à perdre». Les enregistrements se suivent et ne se ressemblent pas: dans «Tarab» on remarque le nom du bassiste Glen Moore; dans «Blue Camel», l’alto saxo Charlie Mariano et le trompettiste Kenny Wheeler; défilent ensuite «Al-Jadida», «Roots and Sprouts», «Bukra»... «Between Dusk and Dark» connaît une très belle carrière, puisqu’il caracole en tête des ventes... «The Sultan’s picnic» est un melting-pot de neuf musiciens et «Arabian Waltz» en réunit huit, dont le quartette Balanescu.

Marketing

Terminées les ventes en porte-à-porte. C’est dorénavant une boîte de distribution qui se charge du travail de commercialisation. Mais même à ce stade, Rabih Abou Khalil, perfectionniste, veut avoir son mot à dire sur tout. Composition et orchestration sont de son ressort, bien évidemment; la production est signée Abou Khalil aussi; il en va de même pour l’emballage et la couverture. «Tout est lié: le contenu et le contenant ne font qu’un en définitive. La couverture donne envie de voir ce qu’il y a dedans», dit-il.
La musique de Rabih Abou Khalil ne se reconnaît aucune nationalité. «Elle ne se définit pas par rapport à des frontières ou à un pays. Elle est certainement en relation avec ma culture, mais la notion de culture est large. Celle à laquelle je me réfère comprend aussi bien le makam irakien, qu’Oum Kalsoum...»
Quand on lui parle de «trahison», il s’insurge: «Toute création est une trahison. Je ne suis pas interprète, je suis compositeur. Donc je crée quelque chose à partir de ma culture, mais je ne peux pas me fermer aux différentes influences qui m’entourent en Allemagne ou ailleurs».
Pour chaque enregistrement, le musicien a choisi une nouvelle brochette d’interprètes. «J’aime travailler avec de nombreux musiciens, un «band»», dit-il. «Il y a une interaction, un échange très enrichissant. Le jeu de chaque instrumentaliste est important car de lui dépend tout le morceau. La gageure c’est d’associer les personnes qui, mises ensemble, vont donner le meilleur résultat».

Inspiration

«L’inspiration est quelque chose de continu. La musique est tout le temps dans ma tête. J’ai une idée que je jette sur du papier. Cette idée fait son chemin, elle est retravaillée de nombreuses fois avant de connaître une dernière mouture». Pendant les répétitions, elle peut encore subir des modifications... «Je suis attentif aux critiques et je n’hésite pas à discuter et à changer des notes».
Quel serait le top du top de Rabih Abou Khalil? «Je me rends compte qu’au fur et à mesure que je compose, l’imagination s’élargit. On fait de nouvelles expériences et on se rend compte de l’infinité des possibilités qu’offrent les phrases musicales et les associations entre elles. Cela me désespère et me rassure à la fois, car je me dis que je n’aurais jamais le temps d’en faire le tour».
Du Jazz Festival de Strasbourg à celui de Lausanne, en passant par le Montréal Festival ou les nombreuses manifestations de ce genre en Allemagne, en Belgique, en Suisse, en France... son nom s’inscrit à tous les programmes depuis 1988. Le Liban est une lacune que Rabih Abou Khalil promet de combler dès cet été, puisqu’il est, normalement, prévu pour Beiteddine... Rendez-vous donc l’été prochain.

Aline GEMAYEL
Dans le grand fourre-tout qu’est la «World music», Rabih Abou Khalil occupe une place de choix. Sa musique orientalise le jazz et le blues, y versant un zeste de rythmes bien de chez nous, y introduisant les sons d’un oud ou d’un nay. La sensualité qui se dégage de certains accords est rapidement contrebalancée par des rythmes plus saccadés, créant une série de contrastes...