Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

A la veille du conseil des ministres consacré à la Békaa Cheikh Toufayli à l'Orient Le Jour : je ne cèderai pas à la force, mais au dialogue Si Murr s'était rendu dans la région, il aurait été tué, affirme l'Uléma chiite (photos)

«SI MURR S’ÉTAIT RENDU DANS LA RÉGION, IL AURAIT ÉTÉ TUÉ», AFFIRME L’ULÉMA CHIITE

A quelques heures de la tenue du Conseil des ministres censé mettre un terme «à la situation dans la région de Baalbeck-Hermel», cheikh Sobhi Toufayli affiche une grande sérénité. Dans son domicile de Haret Hreik — où il réside, dit-il, chaque semaine de mardi à vendredi, parce qu’il enseigne l’islam à des étudiants à Beyrouth —, il se veut résolument optimiste, affirmant à qui veut l’entendre que son «mouvement des affamés» a déjà enregistré une victoire.

Car, selon lui, le Conseil des ministres de ce matin promettra officiellement de réaliser une partie des revendications des habitants de la région de Baalbeck-Hermel par le biais du crédit de 150 milliards de L.L.
Et les mesures de sécurité prévues pour mettre un terme à ce que le vice-président du Conseil a appelé «la rébellion du cheikh»? Entouré de deux de ses partisans, l’uléma éclate de rire. «Si cela leur fait plaisir de prendre de telles mesures, grand bien leur fasse. Nous ne sommes pas intimidés». Il ajoute toutefois: «Si le Conseil des ministres prend demain (ce matin) des mesures positives, le Conseil des notables se réunira et pourra , à son tour, alléger les mesures prises à l’encontre des ministres désireux de se rendre dans la région de Baalbeck-Hermel». Est-ce à dire qu’il accueillera désormais à bras ouverts le ministre de l’Intérieur? «Il ne sera plus empêché de se rendre dans la région, mais cela ne signifie pas qu’il y sera reçu avec des fleurs...».
Cheikh Toufayli explique, à cet égard, que si le ministre de l’Intérieur s’était rendu dans la Békaa, la semaine dernière, comme la rumeur l’avait annoncé, il aurait certainement été tué. «En dépit de toute votre bonne volonté, vous ne pouvez assurer la sécurité de certaines personnes. Et dès qu’ils ont entendu la rumeur, les habitants de la région sont descendus dans la rue, après avoir, bien sûr, obtenu mon approbation...».
Ne se sent-il pas un peu abandonné, maintenant que l’Iran a visiblement accordé son soutien au président du Conseil, M. Rafic Hariri, au cours de sa visite à Téhéran? Cheikh Toufayli tente de dissimuler une certaine amertume, en déclarant: «De toute façon, je n’ai jamais compté sur l’appui de quiconque. Je n’ai pas besoin de protecteurs iraniens ». Il se reprend aussitôt et déclare: «Je crois que c’est une insulte pour l’Iran que de dire qu’il appuie M. Hariri. A mon avis, il est impossible qu’il le fasse. Tout le monde doit être avec les opprimés, particulièrement lorsqu’ils sont au Liban. Ceux qui ne le sont pas se renient eux-mêmes».

Pas d’appui «iranien»

Cheikh Toufayli précise toutefois que lorsqu’il a voulu déclencher la «révolte des affamés», il a commencé par consulter le commandement du Hezbollah. Mais face au refus de ce dernier de coopérer, il a maintenu sa décision, «tout en sachant que je ne bénéficierai pas de l’appui des Iraniens».
Celui des Syriens alors? «Même pas. Les Syriens ont appris ce que j’entreprenais par la rue. Je ne les ai pas consultés avant d’agir».
Est-ce possible , alors que Baalbeck est à deux pas de Damas? «Eh bien, croyez-le ou non, c’est possible. Tout le monde ne fonctionne pas par télécommande. Et si, aujourd’hui, la Syrie a donné un feu vert au gouvernement pour prendre des mesures contre mon mouvement, je poursuivrai quand même mon action. Je suis porteur de revendications et je ne m’arrêterai que lorsqu’elles seront satisfaites».
On croirait presque entendre le général Aoun, lorsqu’il affirmait ne compter que sur le peuple...
«Je ne crois pas que l’on puisse comparer les deux situations. Je n’affirme pas, comme le général le faisait, que je vaincrai. Je dis moi, que quelle que puisse être l’issue de mon combat, je le poursuivrai».
Il croit donc qu’il pourrait perdre la bataille? «Bien sûr. Je crois à la cause que je défends et je suis prêt à mourir pour elle. Je pense aussi que les gens que je défends méritent que l’on meure pour eux».
Mais eux, méritent-ils de mourir pour lui? «Je n’ai pas de projet personnel. Ce n’est donc pas pour moi qu’ils mourront».
En tout cas, de nombreux Libanais souhaitent que l’Etat prenne des mesures contre lui, ne serait-ce que pour établir une certaine égalité dans les traitements...
«C’est un discours confessionnel qui est aux antipodes de la Justice».
Mais pourquoi n’a-t-il pas essayé d’élargir son mouvement pour lui permettre d’englober d’autres régions? «J’ai essayé, mais j’ai échoué. On ne peut donc me reprocher de ne pas avoir tenté d’étendre mon action. Et si j’ai échoué, ce n’est pas non plus ma faute, mais celle des circonstances».
Cheikh Toufayli se lance ensuite dans une explication sur la résistance. «Lorsque nous avons commencé la résistance, en 1982, il y avait de fortes chances que nous ne puissions pas continuer. Mais nous l’avons fait».
Mais depuis, n’aurait-il pas changé d’ennemi, concentrant désormais ses efforts sur l’Etat au lieu de combattre Israël? «C’est faux. Je suis la résistance». N’est-ce pas plutôt le Hezbollah? «Je suis membre du Hezbollah...».
Ce qui ne l’empêche pas de faire cavalier seul et, pour beaucoup, son action est dirigée contre le Hezbollah. «Non, mon action vise à obtenir une vie décente pour les milliers de personnes qui ont faim dans ce pays. Il y a eu un dialogue entre le commandement du Hezbollah et moi-même, mais depuis la mort du fils de sayed Nasrallah, il a été stoppé, sans que j’en connaisse la raison».

«Nous ne cèderons pas
devant la force»

Que fera-t-il si demain (aujourd’hui), la région est déclarée zone militaire? «Nous ne cèderons pas devant la force. Nous ne sommes prêts que pour le dialogue. Toutes les mesures répressives ne nous feront pas céder. Seule la satisfaction de nos revendications nous fera renoncer à notre révolte».
Mais il peut faire l’objet de poursuites judiciaires et l’on dit même que les mandats d’amener sont déjà prêts... «Tout cela ne m’intéresse pas. Et d’ailleurs, pourquoi m’arrêterait-on? Je n’ai pas commis de haute trahison. Je n’ai fait que réclamer les droits de ceux qui ont faim. Nous avons utilisé des méthodes pacifiques. Les routiers en France ont coupé les routes pendant plusieurs jours et nul n’a crié à la trahison...».
Mais il a eu des termes insultants à l’égard des responsables. «Je n’ai fait que reprendre leurs propres termes. Le président du Conseil n’a-t-il pas déclaré lui-même qu’il vivait avec le gaspillage? Or le gaspillage n’est qu’un terme poli pour évoquer le vol...».
Et sa radio? «Ce n’est plus la mienne. Lorsque le Conseil des ministres a décidé de fermer les médias audiovisuels non légalisés, quelques jeunes de mes partisans ont décidé, par défi, d’ouvrir une radio appelée «La Voix de la résistance». Mais à la suite de ce qui s’est passé au Nord avec la radio de cheikh Chaabane, je leur ai demandé de ne pas l’installer chez moi, car je ne veux pas que l’on fasse pression sur moi, à travers cette radio. J’ignore aujourd’hui le lieu à partir duquel elle émet». Si demain, les forces de l’ordre viennent la fermer, ne se sentirait-il pas concerné? «Non. Mais je ne me sentirai pas non plus concerné s’il y avait des victimes parmi les forces de l’ordre...». Est-ce une menace? Cheikh Toufayli se contente de sourire d’un air innocent.
Ne craint-il pas la détermination de l’Etat à rétablir son autorité sur la région, puisqu’il y va de son prestige? «Le prestige de l’Etat est assuré par la justice, l’équité et le respect avec lequel il traite les citoyens. Voyez donc ce qui s’est passé hier: un jeune homme de la famille Ataya a été tué par les FSI, alors qu’il réparait sa voiture dans un garage et qu’il avait montré beaucoup de bonne volonté lorsque les agents de la sécurité lui avaient demandé ses papiers». Cheikh Toufayli refuse de dire si Sobhi Ataya faisait partie de ses hommes, mais il précise avoir parlé avec le frère de la victime qui lui a donné sa version des faits.
«Voyez avec quel respect de la vie humaine les FSI règlent les problèmes. Si l’Etat poursuit dans cette voie, il sera en train de détruire le pays... Nous autres, nous ne voulons pas des postes de responsabilités, ni des fauteuils. Tout ce que nous voulons, c’est faire pression pour que nos enfants n’aient plus faim et puissent aller à l’école. Ce ne sont pas des revendications impossibles à satisfaire et nous ne demandons pas qu’elles soient toutes réalisées d’un coup. Nous voulons simplement un calendrier fixe et des promesses fermes. Je crois d’ailleurs que le Conseil des ministres montrera que nous avons obtenu une victoire...»
Est-il en mesure de contrôler ses hommes et d’empêcher les dérapages? «Absolument».

Scarlett HADDAD
«SI MURR S’ÉTAIT RENDU DANS LA RÉGION, IL AURAIT ÉTÉ TUÉ», AFFIRME L’ULÉMA CHIITEA quelques heures de la tenue du Conseil des ministres censé mettre un terme «à la situation dans la région de Baalbeck-Hermel», cheikh Sobhi Toufayli affiche une grande sérénité. Dans son domicile de Haret Hreik — où il réside, dit-il, chaque semaine de mardi à vendredi, parce...