Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Cri du coeur du bâtonnier Cortbaoui "Nous sommes inquiets pour la démocratie au Liban"


Rarement au cours d’une occasion officielle aura-t-on abordé des questions cruciales comme ce fut le cas hier lors de la cérémonie de pose de la première pierre du nouveau siège de l’Ordre des avocats au palais de justice. Devant le chef du gouvernement, le ministre de la Justice et la moitié de la République, le bâtonnier Chakib Cortbaoui a dit tout haut ce que de nombreux Libanais pensent tout bas: la crainte pour la souveraineté du pays et sa liberté de décision, pour l’indépendance de la magistrature et pour l’avenir du Liban confronté à une situation régionale délicate et à un ennemi israélien omniprésent.
Pour répondre à toutes ces appréhensions, M. Rafic Hariri a dû improviser une bonne partie de son discours: la démocratie et la séparation des pouvoirs sont et resteront des piliers fondamentaux du système libanais. Le seul danger pour la souveraineté et l’indépendance du pays vient de l’ennemi israélien.
La cérémonie d’hier est donc sortie de l’ordinaire. Elle s’est déroulée en présence du vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, des ministres Chahé Barsoumian et Elias Hanna et d’une douzaine de députés, du président et des membres du Conseil supérieur de la magistrature et d’un grand nombre de magistrats et d’avocats.
Dans son allocution, M. Cortbaoui a remercié les responsables pour les efforts qu’ils ont déployés afin de permettre la réalisation du projet de construction d’un nouveau siège du Barreau qui aurait dû être entamé en 1970. Il a précisé que le complexe qui sera bâti comprendra une grande salle de cérémonie, une bibliothèque et une salle de conférences pouvant accueillir 1100 personnes. Il a aussi adressé ses remerciements au ministre de la Justice qui a fait preuve d’une très grande coopération avec l’Ordre des avocats.
M. Cortbaoui a ensuite énuméré les craintes qui taraudent les avocats: la baisse du niveau, le nombre élevé de personnes qui choisissent les professions libérales... Il a ensuite évoqué les questions politiques. «Les avocats ont aussi beaucoup de craintes sur le plan national, a-t-il dit. Ils sont inquiets des agissements de l’ennemi israélien au Liban-Sud et dans la Békaa-Ouest où notre peuple vit dans des conditions difficiles. Ils sont inquiets des projets préparés pour le pays. Ils craignent pour sa souveraineté nationale, sa liberté de décision, pour son régime démocratique sans lequel l’existence du Liban n’a pas de sens. Ils sont inquiets également en raison du fait qu’une grande partie des Libanais est écartée (des institutions) de l’Etat, ainsi que du manque de transparence dans la vie publique. De même, ils craignent que le pays ne se transforme en société à deux classes, les riches et les pauvres, sans soupape de sécurité entre les deux. Ils sont inquiets pour l’indépendance de la magistrature, pour les libertés publiques et pour le rôle du Liban au Proche-Orient après la conclusion d’une paix globale».
«Les avocats ont besoin de réponses susceptibles de dissiper leurs craintes, a jouté M. Cortbaoui. Le tableau que nous avons brossé n’est pas sans espoir. Les solutions existent et elles commencent par la nécessité de reconnaître l’existence d’un problème. Ma sincérité aujourd’hui s’inscrit dans ce cadre. Et sachez que nous ne rendons pas l’Etat responsable de tous les maux. Nous n’oublions pas la guerre, la situation régionale et la responsabilité des citoyens dont je fais partie».

Le Liban, un pays libre

Ce flot de questions a semble-t-il pris de court M. Hariri qui a été obligé d’improviser les réponses qui ne faisaient pas partie de son discours initial. Des réponses qui se voulaient rassurantes, encourageantes. «Il ne fait pas de doute que l’occupation israélienne a un impact sur la vie des Libanais, a-t-il dit. Nous avons essayé ces cinq dernières années de cerner les répercussions de cette occupation et de les limiter à la zone occupée. Nous avons lancé un programme de reconstruction de l’infrastructure et de ce qui a été détruit pendant la guerre, de réactivation du cycle économique et d’amélioration du niveau de vie des citoyens en augmentant les prestations sociales et en majorant les salaires. Mais l’occupation persiste de même que la résistance et la situation demeurera inchangée tant que le gouvernement israélien ne sera pas convaincu que la solution réside dans l’application des résolutions de l’ONU. Il ne peut y avoir de solution dans la région sans retrait israélien du Liban-Sud, du Golan et sans l’octroi aux Palestiniens de leur droit qui consiste à édifier leur Etat indépendant».
Selon M. Hariri, ce serait une «grave erreur de penser que l’indépendance et la liberté de décision du Liban n’existent pas». «Nous agissons en partant du principe que le Liban est un pays libre et souverain et que son indépendance et sa souveraineté font face à quelques problèmes en raison de l’occupation israélienne, a-t-il dit. Nous avons foi dans notre souveraineté et dans notre liberté de décision, ainsi que dans la concomitance des volets libanais et syrien. Nous pensons que le seul problème réside dans l’occupation israélienne qui influe sur une grande partie de nos décisions. La démocratie au Liban est garantie par la constitution, de même que la liberté. Nous n’avons pas besoin de nouveaux textes, mais d’une meilleure application de ceux qui existent déjà par les personnes actives dans le domaine public, aussi bien les présidents, le Conseil des ministres, le Parlement, que les associations civiles et les médias».
Sur le Liban de l’après-paix, M. Hariri a dit que «ce sont les Libanais qui détermineront le rôle de leur pays». Reconnaissant que la classe moyenne a été la première victime de la guerre, le président du Conseil a déclaré que depuis son arrivée au pouvoir, son gouvernement tentait de reconstruire cette classe «en l’aidant à se tenir debout. Je pense que nous avons réussi à lui redonner vie, même lentement. Cela demande du temps. Mais nous refusons que la société libanaise soit faite de pauvres et de riches, alors que la classe moyenne qui assure la stabilité est inexistante. De la tribune de la justice et de la défense des citoyens, je réaffirme que ma confiance dans les Libanais est grande. Grâce à la solidarité et la volonté libre, nous aurons la force de faire face aux difficultés et de rectifier les erreurs que nous rencontrerons».
Plaidant pour plus de transparence, M. Hariri a déclaré que «la cérémonie d’aujourd’hui (hier) vise à renforcer l’Etat de droit». «Les Libanais, a-t-il dit, ont payé un lourd tribut pour avoir violé les lois. Mais malgré la guerre, ils n’ont pas abandonné leur régime parlementaire et leur système démocratique».
Pour sa part, le ministre Tabbarah a déclaré que «chaque fois qu’un bâtiment lié à la justice est édifié nous sommes heureux car nous aurons placé, ne serait-ce qu’une pierre, dans l’édifice de l’Etat de droit».
M. Tabbarah a rendu hommage au Conseil de l’Ordre des avocats qui a exprimé à plusieurs occasions son respect pour le pouvoir judiciaire «et en le soutenant face aux campagnes qui l’ont visé de temps à autre».

Rarement au cours d’une occasion officielle aura-t-on abordé des questions cruciales comme ce fut le cas hier lors de la cérémonie de pose de la première pierre du nouveau siège de l’Ordre des avocats au palais de justice. Devant le chef du gouvernement, le ministre de la Justice et la moitié de la République, le bâtonnier Chakib Cortbaoui a dit tout haut ce que de nombreux...