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Actualités - REPORTAGE

Etat-CGTL : cinq années de confrontation (II) Divisier et noyauter pour mieux régner (photo)

Dans l’article publié dans notre édition du 24 septembre, nous avons couvert les événements allant des émeutes du 6 mai 1992 aux élections syndicales du 8 juillet 1993 au cours desquels la liste soutenue par le ministère du Travail a été battue par un outsider, Elias Abou Rizk, appuyé par une coalition hétéroclite composée du bloc des fédérations syndicales de gauche et des fédérations proches des anciennes Forces libanaises qui ont retiré leur soutien à M. Antoine Béchara à la dernière minute. L’article publié aujourd’hui est consacré de la période allant du début de l’année 1994 aux événements d’avril dernier qui ont consacré la division du mouvement syndical libanais en deux branches rivales.

Après une trêve de quelques semaines consécutive aux élections du 8 juillet 1993, la confrontation reprend de plus belle entre le gouvernement et la centrale syndicale. Le ministère du Travail qui n’a pas réussi à imposer une direction plus «malléable», choisi d’affronter la CGTL sur son propre terrain. Son ambition est de restructurer la confédération et de lui donner une image qui lui convienne. Le ministre Abdallah el-Amine prépare un projet de réorganisation susceptible de modifier radicalement la composition et le fonctionnement de toutes les fédérations affiliées à la centrale. Mais le conseil exécutif de la centrale syndicale est déterminé à ne pas laisser faire le ministre.
Le 7 février 1994 le conseil fait paraître un communiqué accusant le ministre du Travail de vouloir «dominer» le mouvement syndical et annonçant qu’il ne veut plus «traiter» avec M. el-Amine.
La question de la restructuration syndicale empoisonne les relations entre la CGTL et le ministre. La centrale prête au gouvernement de mauvaises intentions et l’accuse de vouloir contrôler le mouvement syndical sous prétexte de sa réorganisation. M. el-Amine assure pour sa part que la nouvelle structure syndicale qu’il a préparée vise au contraire à moderniser les syndicats et à accroître leur indépendance à l’égard des différents pôles du pouvoir.
M. el-Amine explique que son projet vise à combler les lacunes de la loi au niveau de l’organisation de l’action syndicale dans le pays.
«Notre projet de restructuration stipule que l’Etat ne doit pas intervenir dans le processus de création des syndicats et que les licences ne doivent pas être délivrées par le ministre du Travail. Cela est en contradiction avec toutes les conventions internationales, ajoute M. el-Amine. Selon moi, les syndicats ne doivent pas être contrôlés par des partis politiques ou par des personnalités influentes. Et chaque profession ne peut pas avoir plus qu’un seul syndicat. Une liste des métiers pratiqués au Liban doit être préparée et le nombre de syndicats doit être conforme à celui des professions mentionnées dans ce bordereau. Si de nouvelles professions apparaissent, c’est au Parlement de les inclure à la liste à travers une loi votée conformément à la procédure. La Confédération générale sera ensuite créée sur des bases sectorielles».

L’échec de la
restructuration

Avec amertume, M. el-Amine se souvient que la CGTL n’a même pas voulu discuter de ce projet qui lui tenait tant à cœur. Il fait assumer aux forces politiques et en premier lieu au Parti communiste, suivi ensuite par les Kataëb «et ceux qui ont des intérêts dans le mouvement syndical» l’échec de ce plan de restructuration, qui est toujours enfermé dans les tiroirs du ministère.

La direction de la CGTL rejette donc le plan proposé par le ministre. Le secrétaire général de la centrale, M. Yasser Nehmé, déclare que le véritable objectif du pouvoir, est de contrôler la centrale et non pas de la réorganiser. Car le projet de restructuration du ministre, implique une refonte totale du mouvement syndical. Certaines fédérations et syndicats devront même se dissoudre et accepter des adhérents sur des bases nouvelles. Cela permettrait à des forces politiques aujourd’hui influentes - bien que sous représentées dans le mouvement syndical («Amal», le Parti Baas, le Parti syrien national social, le Parti Waad)- non seulement de faire leur entrée à la CGTL, mais d’y occuper les postes clés. Cela est d’autant plus vrai que le mouvement “ Amal ”, qui a développé depuis le début des années 80 une section ouvrière très dynamique, peut faire inscrire dans les syndicats des milliers de personnes, qui feront pencher la balance en sa faveur le jour des élections. Or, les quatre formations mentionnées ci-dessus, ont fait partie de tous les gouvernements mis en place depuis 1991. Si elles prennent le contrôle de la CGTL, cela voudrait dire que le mouvement syndical est désormais dominé par le pouvoir Exécutif.
Pendant tout le mois de février 1994, la tension ne cesse de monter entre la CGTL et le ministère du Travail. Pour accentuer les pressions sur la direction de la centrale, six Fédérations alliées de M. Antoine Béchara annoncent le 16 février leur retrait du comité exécutif. Le jour même, la Confédération publie un communiqué appelant «les forces vives et démocratiques de la société à préserver la liberté, l’indépendance et l’unité du mouvement syndical et de toutes les institutions de la société civile».
La CGTL demande en outre à la Fédération syrienne des syndicats d’ouvriers d’intervenir auprès des responsables syriens pour entreprendre une médiation entre M. el-Amine (membre du parti Baas au Liban) et la centrale libanaise. Le 20 février, une réunion groupe au bureau du vice-président syrien, M. Abdel Halim Khaddam, à Damas, le ministre du Travail et les principaux dirigeants de la Confédération. Le communiqué publié le lendemain à Beyrouth par le comité exécutif de la centrale est assez optimiste : «La réunion, tenue en présence de M. Khaddam, a débouché sur des résultats positifs, en ce sens qu’elle a réinstallé la confiance et la coopération entre le ministère du Travail et la Confédération. Des décisions ont été prises pour consolider leurs rapports, pour appuyer la CGTL, son autonomie et son unité et pour qu’il n y ait pas ingérence dans ses affaires internes».
Nehmé qualifie cette réunion de «très positive». Selon lui, l’accord parrainé par le vice-président syrien stipule que la préparation d’un nouveau projet de restructuration syndicale sera confiée à la CGTL qui le soumettra ensuite au ministère du Travail. Il ajoute cependant que M. el-Amine n’a pas tenu ses engagements et a continué à délivrer des licences à des syndicats «fictifs» liés d’une manière ou d’une autre à diverses forces politiques. «Pour nous, déclare M. Nehmé, il n’était pas question d’accorder des licences à des syndicats de métiers déjà représentés au sein du mouvement syndical, comme les chauffeurs de taxis, les cultivateurs de tabacs, les agriculteurs.... Des licences pourront éventuellement être délivrées pour la formation de syndicats de métiers apparus récemment. Mais le ministre n’a pas respecté ce principe et a délivré des permis d’une manière anarchique à des professions déjà organisées en syndicats. Son objectif était d’affaiblir et de diviser la CGTL».

Les nouveaux
syndicats

M. el-Amine précise pour sa part que les demandes de licences avaient été déposées au ministère bien avant son entrée au gouvernement. «Il y avait dans nos registres 36 demandes pour la création de syndicats, dit-il. J’ai été plusieurs fois relancé pour accepter ces dossiers. Ces groupes sont soutenus par des forces politiques comme le mouvement «Amal», le parti Baas, les formations nassériennes et le PSNS. Pendant plus de deux ans, j’ai résisté aux pressions et j’ai refusé de leur accorder des licences en leur disant que leur problème sera réglé avec la réorganisation du mouvement syndical ». En fait, le ministre avait déjà commencé à accorder des licences à de nouveaux syndicats dès le mois d’octobre 1993, lorsque la situation de 7 organisations syndicales proches du mouvement «Amal» est légalisée au Liban-Sud. En décembre de la même année, des licences sont octroyées à 5 syndicats au Liban-Nord.
Les semaines qui suivent consacrent le divorce entre le ministère du Travail et la centrale syndicale. Avec la bénédiction des autorités, M. Antoine Béchara annonce le 2 mars 1994 la mise en place d’une nouvelle organisation syndicale, la Confédération générale des syndicats sectoriels (CGSS). Il s’agit en fait de la réactivation d’une structure créée en 1970 et qui regroupe dans un premier temps les six fédérations ayant quitté le comité exécutif de la CGTL le 16 février. «Nous avons protesté auprès du ministère contre la réactivation de la CGSS qui n’existait pratiquement plus depuis un quart de siècle, mais personne n’a donné suite à nos plaintes», déclare M. Nehmé.
Parallèlement, M. el-Amine continue à délivrer des licences à des syndicats proches du mouvement «Amal» et du parti Baas. Le 3 février, il légalise la situation du syndicat des cultivateurs de tabacs et de tombacs dans la Békaa et du syndicat des propriétaires des salons de coiffure pour homme dans le même mohafazat. Vers la fin de l’année, ces syndicats nouvellement créés se regroupent au sein de huit fédérations. La plus importante, celle des transports terrestres est dirigée par M. Bassam Tleiss, responsable du bureau ouvrier d’ «Amal». La Fédération des ouvriers du carton est présidée par un baasiste, Abdallah el-Nisr et celle des ouvriers électriciens et mécaniciens à Beyrouth et au Mont-Liban est conduite par Georges Harb qui a des liens étroits avec le parti Waad de M. Elie Hobeika. Deux autres fédérations, Jabal Amel et el-Rissala sont également dominées par «Amal».

M. el-Amine reconnaît le caractère confessionnel de la plupart des syndicats à qui il a délivré des licences. «Je le sais bien, c’est une erreur. Mais je l’ai fait pour riposter à l’attitude négative de la CGTL», dit-il. Pour la Confédération, il s’agit d’une intervention directe du pouvoir dans les affaires syndicales.

Le point de non-retour est atteint et la nomination en mai 1995 de M. Assaad Hardane au ministère du Travail ne fait que reporter de quelque temps la confrontation entre les syndicats et le gouvernement. Le 19 juillet de la même année, les deux parties croisent le fer dans les rues de Beyrouth. La grève générale décrétée par la CGTL paralyse le pays et une manifestation est violemment dispersée sur la place Béchara el-Khoury. Des dizaines de manifestants sont arrêtés et déférés devant le parquet pour avoir «résisté aux forces de l’ordre». Ils seront acquittés quelque temps plus tard.

La politique du
noyautage

Le blocage du dialogue entre la centrale syndicale et le gouvernement se traduit en 1996 par deux épreuves de force. Pour interdire la manifestation à laquelle la CGTL a appelé le 29 février, les autorités chargent l’armée du maintien de l’ordre. Celle-ci décide de décréter le couvre-feu pour la première fois depuis des années. Le 28 novembre, la brigade anti-émeute des Forces de sécurité intérieure réprime violemment les manifestations organisées par la centrale en plusieurs points de Beyrouth.
Pendant ce temps, le mouvement syndical reste divisé de facto entre la CGTL et la CGSS qui a intégré dans ses rangs les fédérations légalisées par M. el-Amine. Mais si durant les trois dernières années le gouvernement a continué à considérer la CGTL comme porte-parole des travailleurs, un changement important intervient au début de 1997. Le ministère du Travail invite en février dernier un représentant de la CGSS-M. Bassam Tleiss- à participer aux négociations concernant la réorganisation de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) qui sont boycottées par la centrale présidée par M. Abou Rizk. L’objectif du pouvoir est clair : contester à la CGTL son titre de représentant unique des intérêts des travailleurs.
Soumises à de fortes pressions et constatant que le gouvernement mettait en doute son caractère représentatif, la CGTL décide d’organiser des élections au sein de ses instances dirigeantes.
La direction de la centrale demande donc aux fédérations de tenir des élections de la base au sommet et fixe au 24 avril l’élection d’un nouveau comité exécutif. Le ministère du Travail saisit cette occasion inespérée d’évincer M. Abou Rizk et ses alliés. Il commence à mettre en place une stratégie de noyautage en évitant les faux calculs de Abdallah el-Amine du 8 juillet 1993.

Le collège électoral de la CGTL est composé de 44 délégués, deux pour chaque fédération affiliée. Lorsqu’il fixe la date des élections, le comité exécutif présidé par M. Abou Rizk est certain de remporter la victoire. Mais M. Assaad Hardane ne l’entend pas ainsi. La situation de chaque fédération est minutieusement examinée, les opposants à la direction de la centrale syndicale sont encouragés et soutenus. Tous les moyens sont bons pour évincer M. Abou Riek et ses alliés.

Si les élections se déroulent normalement dans quelques fédérations, on ne peut pas en dire autant pour d’autres. Pour garantir par exemple la reconduction de M. Saadeddine Hamidi Sacre (hostile à M. Abou Rizk) à la tête du comité exécutif de la Fédération des syndicats du secteur sanitaire et pédagogique, le scrutin est organisé avant la fin des élections au sein de tous les syndicats affiliés. Ainsi, les employés de l’Hôtel Dieu et de l’Hôpital américain de Beyrouth n’ont pu déléguer leurs représentants aux élections de l’instance dirigeante de la fédération. M. Hamidi Sacre est donc réélu sans problème.
Mais le développement le plus décisif se produit à Saïda le 13 avril. 26 des 30 membres du comité exécutif de la Fédération des ouvriers et salariés du Liban-Sud (une des plus puissantes du pays) réclament le 11 avril le report du scrutin jusqu’au 11 mai pour terminer les élections au sein de 6 de ses 15 syndicats. Le ministère du Travail refuse, appuyé en cela par un petit groupe de syndicalistes hostiles à la direction de la CGTL, conduit par M. Walid Joueidy, «qui était à l’époque proche du chef du gouvernement», selon M. Nehmé. La tenue des élections dans tous les syndicats aurait certainement modifié le rapport de force en faveur des alliés de M. Abou Rizk regroupés autour du président et du vice-président de la Fédération, MM. Hassan Chouman et Khaled el-Atab.
Le matin du 13 avril, les syndicalistes se rendent au siège de la Fédération à Saïda. M. Joueidy et ses partisans veulent à tout prix organiser les élections et MM. Chouman et el-Atab tentent de les en empêcher. Les deux parties en viennent aux mains, provoquant l’intervention des FSI. Ces dernières auraient dû en toute logique suspendre le processus électoral controversé. Au lieu de cela, une douzaine de syndicalistes membres du collège électoral (dont MM. Chouman et el-Atab) et les journalistes présents sont molestés et interpellés. Ils sont conduits au commissariat et y sont séquestrés pendant des heures, le temps de permettre la tenue des élections qui se terminent par la victoire d’office de M. Joueidy et de ses partisans. M. Nehmé indique que certaines des personnes qui ont participé à l’opération électorale ne sont même pas affiliées aux syndicats et d’autres n’ont pas payé leurs cotisations depuis des années.

Le collège
électoral remodelé

Les interventions du ministère du Travail ne s’arrêtent pas là. Les élections pour la distribution des postes au sein du comité exécutif de la Fédération des ouvriers et salariés du secteur pétrolier sont organisées trois fois consécutives dans le but d’écarter son président, M. Abdallah Ghazal, un allié de M. Abou Rizk. Le même scénario se produit au sein de la Fédération des salariés du secteur alimentaire pour évincer M. Kamel Faqih. M. Adib Abou Habib, président de la Fédération nationale des syndicats ouvriers (proche du Parti communiste) accuse ouvertement le 22 avril le conseiller de M. Hardane, M. Samir Aoun, d’intervenir directement dans le but de changer les délégués de la Fédération du secteur alimentaire..

Ces manœuvres sont entreprises avec la bénédiction du ministère du Travail qui n’hésite pas une seconde avant d’avaliser les résultats des opérations électorales ayant abouti à l’éviction de syndicalistes favorables à la direction de la CGTL. L’ultime objectif étant de modifier la composition du collège électoral de manière à assurer la défaite de M. Abou Rizk et de ses partisans.
Le comité exécutif de la Confédération refuse évidemment de reconnaître les résultats des élections de Saïda et de celles qui ont eu lieu au sein des fédérations du pétrole et des aliments. Pour la CGTL, MM. Chouman, el-Atab, Ghazal et Faqih demeurent membres à part entière du collège électoral et la date des élections fixée au 24 avril est maintenue.
A ce stade, et malgré toutes les manœuvres du ministère du Travail, M. Abou Rizk est assuré du soutien de 26 des 44 membres du collège électoral ce qui lui donne une avance confortable sur ses rivaux. Conscient de ce fait, M. Hardane prend une décision qui va modifier définitivement les règles du jeu. Le mercredi 16 avril, à la veille de la fête de l’Adha et à quelques minutes de la fin de l’horaire officiel, il signe un arrêté ministériel intégrant à la CGTL, et en dépit du refus de celle-ci, cinq nouvelles fédérations, portant à 55 le nombre des membres du collège électoral. Cette décision ne sera rendue publique que le lundi d’après, soit trois jours avant la date du scrutin. Il s’agit de la Fédération libanaise des syndicats des chauffeurs de taxis et des offices des transports, de la Fédération el-Rissala des salariés et ouvriers au Liban-Sud, de la Fédération nationale des salariés au Liban-Sud, de la Fédération Jabal-Amel pour les ouvriers du secteur agricole et de la Fédération libanaise des ouvriers de la métallurgie de la mécanique et de l’électricité. Les quatre premières sont liées au mouvement «Amal».
Le prochain comité exécutif de la CGTL sera donc élu par un collège électoral choisi par le ministère du Travail. S’il y a un mot pour qualifier ce fait, c’est bien celui d’ingérence directe dans les affaires syndicales. Une fois de plus, la direction de la centrale rejette la décision de M. Hardane et estime qu’elle est la seule habilitée à définir la composition du corps électoral.
Le scrutin du 24 avril est une répétition -mais en plus grand- de celui du 13 avril. Interpellations, syndicalistes et journalistes brutalisés, portes forcées, matériels endommagés...

Les élections sont prévues à 9h. M. Abou Rizk arrive sur les lieux trois heures avant. La CGTL a pris ses précautions et certains membres du collège électoral, notamment les délégués dont le caractère représentatif est contesté par les candidats soutenus par le pouvoir, ont passé la nuit au siège de la centrale à Badaro.
Vers 8h30 un grand nombre d’agents des FSI investissent les locaux ou commencent à affluer aussi les partisans de la liste de M. Ghanim Zoghbi, le rival de M. Abou Rizk, qui s’installent dans la salle de conférence. Craignant d’être arrêtés, M. Abou Rizk et ses alliés organisent à la hâte les élections en présence de 26 délégués. La séance est présidée par le doyen du corps électoral, M. Elias Habr, qui s’avère être plus âgé que M. Hussein Ali Hussein qui s’apprête à superviser la séance électorale de l’autre liste. M. Abou Rizk, et un comité exécutif sensiblement similaire à celui qu’il dirige depuis 1992, est élu par 24 voix. Les élections se déroulent en l’absence des délégués des organisations internationales et des journalistes retenus manu militari à l’extérieur des locaux par les FSI. Lorsque les agents de la sécurité apprennent que M. Abou Rizk a tenu ses élections, ils pénètrent de force dans les locaux. Empoignades et insultes...le bureau du président de la CGTL est minutieusement fouillé, la photocopieuse et l’ordinateur sont brisés et la porte des toilettes, ou certains syndicalistes se sont réfugiés est enfoncée. Les policiers qui interpellent MM. Habr, Chouman, el-Atab et Faqih, sont visiblement à la recherche du procès verbal de la séance d’élection. Mais M. Abou Rizk réussit à le faire passer à l’extérieur grâce à un député et à un journaliste qui se sont faufilés entre les mailles de l’impressionnant dispositif de sécurité. Le but des FSI était donc d’empêcher le groupe de M. Abou Rizk d’organiser des élections et, le cas échéant, de confisquer le procès verbal qui constitue la seule preuve de la tenue du scrutin.
Après la fin de ces incidents, le groupe hostile à Abou Rizk organise calmement des élections sous les objectifs des caméras et en présence d’un délégué du ministère du Travail. M. Zoghbi est élu par 33 voix sur les 35 électeurs présents.
S’il n’avait pas obtenu l’apport des dix voix des cinq fédérations intégrées à la CGTL à la veille du scrutin, M. Zoghbi aurait certainement été battu par son rival. Les mots ne cachent pas la réalité : c’est à M. Hardane qu’il doit son élection.
Après ces événements dramatiques qui ont consacré la plus importante scission dans l’histoire du mouvement syndical au Liban, M. Abou Rizk a été mis aux arrêts pendant neuf jours le 31 mai dernier à la suite d’une plainte pour «usurpation de titre» déposée par M. Zoghbi. C’est en fin de compte à la justice de trancher le litige opposant les deux branches rivales de la CGTL. Mais tout observateur neutre ne peut que constater avec quelle rapidité le parquet a réagi rapidement à la plainte déposée contre M. Abou Rizk, alors qu’il est resté inactif pendant trois ans, en dépit d’une plainte présentée par la CGTL contre M. Antoine Béchara pour abus de pouvoir

Paul KHALIFEH
Dans l’article publié dans notre édition du 24 septembre, nous avons couvert les événements allant des émeutes du 6 mai 1992 aux élections syndicales du 8 juillet 1993 au cours desquels la liste soutenue par le ministère du Travail a été battue par un outsider, Elias Abou Rizk, appuyé par une coalition hétéroclite composée du bloc des fédérations syndicales de gauche...