Turquie : Yilmaz à la recherche d'une majorité

TURQUIE: YILMAZ À LA RECHERCHE D’UNE MAJORITÉ

Le premier ministre désigné turc Mesut Yilmaz a progressé hier dans ses efforts pour former un gouvernement sans les islamistes, grâce au soutien de trois partis prolaïcs, mais il lui manquait encore neuf voix après la fin de non-recevoir que lui a opposée sa rivale Tansu Ciller, alliée des islamistes.
Comme c’était attendu, Bulent Ecevit et Deniz Baykal, chefs du Parti de la gauche démocratique (DSP, tendance nationaliste) et du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), lui ont promis le soutien de leurs formations, de même que le leader d’un petit parti de droite, le Parti pour une Turquie démocrate (DTP), Husamettin Cindoruk.
Aucun n’a précisé en détail quelles formes prendrait ce soutien (participation directe au gouvernement ou simple soutien au Parlement) mais chacun a déclaré, après s’être entretenu avec M. Yilmaz, qu’il voterait la confiance à son gouvernement.
Avec ces trois partis et l’appui quasi-assuré de 14 non-inscrits, M. Yilmaz, chef du Parti de la mère patrie (ANAP, droite), deuxième en sièges au Parlement avec 129 élus sur 550, dispose sur le papier d’un total de 265 voix.
La confiance pour un gouvernement s’obtient à la majorité absolue des participants. Deux sièges étant vacants et le président de séance ne pouvant voter, la majorité absolue, si tout le monde vote, est de 274 voix.
Pour être sûr de passer, M. Yilmaz doit donc s’assurer du soutien de neuf autres députés, qu’il ne peut espérer trouver que parmi les dissidents du Parti de la juste voie (DYP, droite) de Mme Ciller, mécontents de la poursuite de l’alliance de celle-ci avec les islamistes du premier ministre sortant Necmettin Erbakan.
Mais la «Dame de fer» de Turquie, qu’une solide inimitié personnelle oppose à M. Yilmaz et qui lutte pour sa propre survie politique, a fermé la porte à toute coopération avec lui, arguant que sa désignation était «une erreur du point de vue de la démocratie».
Afin d’éviter toute défection, elle a entrepris de faire signer à chacun de ses députés une déclaration affirmant qu’ils ne voteront pas la confiance au gouvernement de M. Yilmaz, selon des sources proches du DYP. Toutefois, selon ces sources, quatre des 115 députés du DYP n’ont pas signé cette déclaration.
Le Parti de la prospérité (Refah) de M. Erbakan a préparé une déclaration similaire, de même que celui de la grande union (BBP, extrême-droite religieuse) de Muhsin Yazicioglu, qui soutient la coalition sortante.
«M. Yilmaz doit renoncer à former un gouvernement, faute de quoi le président Suleyman Demirel ne doit pas approuver la liste du gouvernement qu’il lui présentera, car la majorité au Parlement s’oppose à un tel gouvernement», a déclaré Salih Kapusuz, un responsable du Refah.
M. Erbakan, en présentant sa démission mercredi dernier à M. Demirel, lui avait remis une lettre de ces trois partis affirmant que 282 députés au Parlement, soit la majorité, soutenaient la poursuite de la coalition DYP-Refah avec Mme Ciller comme premier ministre. Il réclamait ainsi que M. Demirel charge Mme Ciller de former un gouvernement.
Mais M. Demirel a préféré M. Yilmaz, indiquant qu’il respectait la procédure constitutionnelle en le nommant, en tant que chef du deuxième parti en sièges au Parlement avec 129 députés, devant le DYP qui n’en a que 115.
«C’est une attitude contraire aux règles démocratiques», avait réagi M. Erbakan. «M. Demirel n’a pas pris en considération la majorité au Parlement».
«Nous sommes face à un coup d’Etat de Cankaya» (le palais présidentiel), avait dit de son côté Mme Ciller. «La nomination (de M. Yilmaz) est honteuse au nom de la démocratie».