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Actualités - REPORTAGE

L'antagonisme arabo-israélien faisant craindre un fiasco Malte 97 : forcing européen pour sauver la conférence(photo)

La Valette, de notre envoyé spécial Roger GEHCHAN.
L’antagonisme arabo-israélien qui plane sur la conférence euro-méditerranéenne de Malte a forcé les Européens à déployer des trésors de diplomatie pour éviter un échec du volet politique de cette rencontre. Les représentants de l’Union européenne font valoir qu’il faut éviter à tout prix que la conférence se termine sur un fiasco, car cela se répercuterait négativement sur le processus de paix au Proche-Orient, qui déjà se trouve en piteux état.
Un désaccord affiché d’une manière flagrante au terme des débats ne servirait les intérêts d’aucune partie, plaident les représentants des Quinze.
Dans les rencontres bilatérales avec les représentants des Etats arabes, les Européens ne cachent pas qu’ils estiment que la responsabilité du blocage du processus de paix retombe sur les Israéliens. Mais ils s’empressent, alors, de faire remarquer que, si le communiqué final devait comporter une mention dans ce sens, les Israéliens refuseraient de le signer, ce qui signifierait l’échec de la conférence et compliquerait encore plus la situation au Proche-Orient. «Il vaut mieux, expliquent-ils à leurs interlocuteurs, publier un communiqué modéré accepté par les 27 participants aux réunions de Malte, plutôt que de se retrouver avec un texte que les Israéliens refuseraient de signer et qui dès lors n’aurait plus grande signification puisqu’il équivaudrait à une prise de position unilatérale des Arabes. Il vaut mieux, poursuivent-ils, que la conférence débouche sur une plate-forme commune qui, à défaut de satisfaire tout le monde, permettrait au moins de maintenir le fil tendu, de préserver quelques chances de reprise un jour ou l’autre du dialogue».
En d’autres termes, les Européens entendent éviter à tout prix un heurt. C’est qu’un homme averti en vaut deux et le ministre israélien des Affaires étrangères, David Lévy, avait négocié sa venue à Malte. Il avait exigé, pour accepter de participer à la conférence, qu’il n’y ait dans le communiqué final ou les résolutions le moindre reproche à l’égard d’Israël. Du reste, M. Lévy s’est retiré hier de la séance d’ouverture juste au moment où M. Boueiz a été appelé à prendre la parole (page 3, le texte de l’intervention du chef de la diplomatie libanaise).Finalement, les Arabes se sont retrouvés devant l’alternative suivante: soit maintenir une attitude de grande fermeté et provoquer ainsi l’échec de la conférence, soit modérer leur ton tout en faisant passer un message sur la responsabilité de l’Etat hébreu dans le torpillage du processus de paix.
Les ministres des Affaires étrangères des huit Etats de la Ligue présents à Malte (à l’exception du marocain qui s’est fait représenter par son adjoint) ont tenu mardi matin une réunion commune de près de deux heures au cours de laquelle ils ont arrêté une attitude unifiée correspondant à ce qu’ils estiment être un compromis. Les hauts fonctionnaires membres des délégations arabes (Liban, Syrie, Jordanie, Egypte, Tunisie, Algérie, Maroc, territoires palestiniens) ont été chargés ensuite de communiquer cette position à leurs collègue européens afin qu’elle figure, sous une forme qui reste à mettre au point, dans le communiqué final. Tard dans la soirée, les négociations à ce sujet devaient reprendre entre délégations arabes et européennes au niveau des hauts fonctionnaires. En réponse aux questions de la presse, les délégations arabes ont évité de préciser si elles accepteraient de faire de nouvelles concessions si cette position «moyenne» devait être rejetée par leurs interlocuteurs, ou si elles tiendraient bon et, ainsi, courraient le risque de faire échouer le volet politique de la conférence.

L’ombre dissuasive
des Etats-Unis

Les hésitations, la prudence européenne ne s’expliquent pas seulement par le souci d’éviter un heurt avec Israël. Comme dans toute conférence internationale importante, l’ombre massive et dissuasive des Etats-Unis domine la rencontre de Malte. Les délégations des Quinze ne manquent pas une occasion de souligner que le partenariat euroméditerranéen (L’Union européenne, plus les huit pays arabes cités plus haut, plus Israël, Malte, la Turquie et Chypre) fondé à Barcelone en 1995 ne vise en aucun cas à remplacer le processus de paix initié à Madrid et parrainé par Washington. Le rôle de l’Europe ne peut être que simplement complémentaire de celui des Etats-Unis, d’autant que le partenariat, s’il comporte un volet politique, prévoit aussi deux autres volets, l’un économique, l’autre culturel et social, ajoutent-ils.
En privé, un haut fonctionnaire de la délégation française explique: «Bien sûr, tout le monde se rend compte que le climat a changé depuis Barcelone. Mais il ne faut surtout pas mêler Barcelone et Malte au processus de paix lancé à Madrid parce que les Américains diraient qu’on piétine leurs plates-bandes. Nous nous en tenons au partenariat et à un rôle complémentaire de celui de Washington. La situation au Proche-Orient nous inquiète, mais nous préférons ne pas exprimer cette inquiétude dans le cadre du partenariat précisément pour ne pas mêler les processus de Madrid et de Barcelone. Ce sont deux choses différentes, sinon indépendantes. D’ailleurs, tout le monde veut éviter un échec à Malte comme le prouve le fait qu’aucun des 27 pays membres du partenariat n’a fait défection. Maintenant, rien n’empêche les Etats arabes d’exprimer leur opinion sur le processus de paix au Proche-Orient dans des documents annexes à la déclaration finale de Malte, mais ce point de vue ne sera pas celui de la conférence puisqu’il ne figurera pas dans le communiqué officiel».
C’est effectivement vers ce genre de solution que l’on semblait se diriger mardi soir: un communiqué final qui doit être publié mercredi après-midi et qui traiterait exclusivement des questions du partenariat et des annexes dans lesquelles le blocage du processus de paix serait évoqué.
A la réunion tenue par les ministres arabes des Affaires étrangères, les observateurs ont noté que l’Autorité palestinienne était représentée par deux délégués de tendances opposées: Nabil Chaath, proche d’Arafat, et Farouk Kaddoumi, nettement plus radical et connu pour être en bons termes avec Damas. Abou-Ammar a peut-être voulu ainsi souligner qu’il tient deux fers au feu.
Outre la détermination d’une attitude commune, la réunion des ministres arabes des A.E. a servi à une répartition des tâches au sein des trois comités de travail de la conférence. C’est un délégué syrien qui siègera au sein du comité chargé du volet politique (et dans le cadre duquel le processus de paix pourrait donc être évoqué dans une annexe). Le Liban, lui, a eu droit au volet social et culturel et la Tunisie à l’économique.
Au cours de cette rencontre, l’attitude arabe était unanime sur la nécessité de préserver le «rôle européen». Plusieurs ministres ont souligné que les Arabes n’étaient pas venus à Malte pour provoquer une rupture, ni irriter les Etats-Unis. Il est naturel cependant, ont-ils ajouté, que nous demandions aux Européens de ne pas marquer un recul dans le cadre du partenariat par rapport aux positions qu’ils avaient prises concernant le processus de paix lors de leurs réunions à Dublin, Luxembourg et Bruxelles et où ils avaient fait preuve d’une certaine compréhension vis-à-vis du point de vue arabe.
L’après-midi, la séance d’ouverture officielle de la conférence de Malte au niveau des ministres des Affaires étrangères a permis de mesurer à quel point le dossier du Proche-Orient domine la rencontre malgré les efforts faits pour dissocier les processus de Barcelone et de Madrid. Les ministres européens qui ont pris la parole ont tous souligné que les deux dossiers étaient indépendants l’un de l’autre, mais ont reconnu qu’on ne pouvait pas ignorer le politique et le climat prévalant au Proche-Orient lorsque l’on traitait du partenariat euroméditerranéen. Dès lors, ont-ils fait valoir, reprenant leur thèse habituelle, il faut bannir la violence et surtout le terrorisme, et privilégier le dialogue. Les ministres arabes ont eux aussi développé leurs arguments habituels, dénonçant les violations par Israël des principes énoncés à Madrid et Barcelone, et la reprise de la colonisation juive dans les territoires occupés, notamment à Jérusalem-Est.
Les deux moments forts de cette séance ont été ceux de l’intervention de Yasser Arafat et de David Lévy. Le président de l’Autorité palestinienne a dénoncé le fait qu’Israël n’ait tenu depuis l’arrivée du Likoud au pouvoir chacun des engagements qu’il avait pris et qu’il ait relancé la construction des colonies juives de peuplement. Quant à Lévy, il a exposé une fois de plus la position d’Israël: reprise des négociations sans conditions préalables, déclaration écrite d’Arafat condamnant le terrorisme, volonté d’Israël de conclure une «paix véritable, exhaustive et durable», dénonciation des prises de position arabes anti-israéliennes. Le ministre des Affaires étrangères de l’Etat hébreu a poussé l’impudence, faisant allusion à la colonisation juive, jusqu’à dire qu’il fallait féliciter Israël parce qu’il «construit» alors que d’autres «détruisent».
Avec la clôture aujourd’hui de la conférence de Malte, on pourra tirer la conclusion de la deuxième rencontre euroméditerranéenne au niveau des ministres des Affaires étrangères. Mais d’ores et déjà on peut dire que le volet politique du partenariat est pratiquement bloqué du fait du blocage du processus de paix. Et cela représente au moins un demi-échec.
La Valette, de notre envoyé spécial Roger GEHCHAN.L’antagonisme arabo-israélien qui plane sur la conférence euro-méditerranéenne de Malte a forcé les Européens à déployer des trésors de diplomatie pour éviter un échec du volet politique de cette rencontre. Les représentants de l’Union européenne font valoir qu’il faut éviter à tout prix que la conférence se...