La première chose qui saute aux yeux c’est… son regard: pétillant, droit et rieur. Des cheveux noirs, coupés court et déjà quelques fils d’argent çà et là. Mireille a 29 ans, un visage de bébé et une personnalité débordante. Tout en suivant une belle carrière de cancre à l’école, elle faisait rire ses camarades de classe. Aux Beaux-Arts de l’UL, par contre, elle prend ses études au sérieux, avec un sentiment de responsabilité décuplé vis-à-vis du théâtre qu’elle considère comme un art majeur.
Elle fait ses débuts sur scène en 1990 avec Joseph Bou Nassar. Diplôme en poche, elle s’associe à Mounir Kesrouani dans «Wizara lel houwara» puis dans «Felet el mlak». Elle a tenu des rôles dans une quinzaine de pièces dont sept pour enfants. Elle a également figuré dans quelques émissions télévisées sous la direction de Bassem Nasr, Georges Ghayyad et actuellement, Charbel Khalil pour «Aard nachret el akhbar».
«Le personnage d’Imm Taan est né il y a cinq ans. Je participais au script. Nous avions besoin d’une partenaire de scène pour «Smaïn le sudiste». Mounir m’a encouragée à assumer ce rôle. J’ai accepté avec une certaine appréhension. J’avais peur de ne pouvoir maîtriser l’accent».
Pour ce faire, elle a écouté, une semaine durant, les répliques de son rôle enregistrées par Kesrouani. Au bout de six mois de représentations, elle a commencé à se lancer dans les improvisations sur scène.
Puis la troupe s’en est allée faire sa tournée au sud. «J’observais les gens, leurs comportements, leur façon de marcher, leurs gestes et surtout les expressions bien particulières de leur dialecte».
Aujourd’hui, lorsque Imm Taan apparaît sur le petit écran, elle parle couramment le sudiste. Chose d’autant plus étonnante que Mireille est d’origine arménienne, père de Jbeil et mère de Hrajel.
A la télé elle lit le marc de café à Hariri, sème la zizanie entre le président du Conseil et Joumblatt, fait la navette diplomatique entre les différents responsables.
Elle épingle avec malice les travers des hommes politiques mais cultive un faible pour le «Istiz»…
C’est lors de la présentation de son projet de diplôme — une adaptation libanaise d’une pièce de Renée Dubry qu’elle a rencontré Kesrouani, qui avait apprécié son travail. Deux mois plus tard, elle débarque chez lui, le texte sous le bras. L’acteur lui propose alors de participer à un «chansonnier».
«Imm Taan a eu du succès parce que j’y suis sincère. Les gens ne sont pas dupes. Avant cela, je ne connaissais rien, absolument rien au sud. C’est à peine si je me rendais compte que c’est une partie du Liban. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. Je comprends mieux comment les sudistes vivent, leur résistance au quotidien. Je vibre avec leurs joies ou leurs peines».
Elle a été reçue par le président Hraoui à Baabda et par le chef du Législatif à Ayn el-Tiné. La maman du Istiz a assisté six fois à la pièce.
«Le président de la République a exprimé son étonnement de voir une arménienne parler aussi bien le sudiste. Au cours de notre conversation, je me suis rendu compte qu’il imitait parfaitement bien, lui aussi, l’accent du sud...» M. Hraoui, indique-t-elle, a remis une médaille en mémoire des martyrs de Cana.
Le Istiz l’a félicitée également. Il lui a proposé le théâtre de Msayleh pour d’éventuelles tournées au sud.
Revenons sur Imm Taan, Mireille avoue qu’elle s’est inspirée pour la bonté et la simplicité du personnage de sa grand-mère maternelle, Amara.
«J’aimerais faire d’autres personnages. Je ne veux pas me cantonner dans une catégorie. L’idéal serait de pouvoir jouer des rôles variés qui me propulsent à chaque fois vers des profondeurs stimulantes», dit-elle.
Elle préfère le genre comique. Car pour elle, «ce que l’on fait sur les planches influe énormément sur notre manière d’être et de vivre en général». Elle a constaté que ses amis qui font du tragique sont la plupart du temps d’humeur dépressive...
Maya GHANDOUR
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