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Actualités - OPINION

Plaidoyer pour une politique de la santé

Les pays riches ou pauvres sont confrontés, depuis une cinquantaine d’années, d’une part à l’augmentation progressive de leurs dépenses de santé et au rationnement de leurs ressources, et d’autre part à leur volonté de réduire les inégalités à l’accès aux soins de leur population. Maîtriser les dépenses et généraliser les soins (tendances apparemment contradictoires), sont au cœur des préoccupations gouvernementales.
De surcroît, le progrès et la multiplication des techniques, l’irruption de nouvelles maladies, le vieillissement de la population, la multiplication des institutions de soins, la pléthore et la surconsommation médicales etc., sont autant de facteurs qui, dans la maîtrise des dépenses, ne peuvent amener qu’échecs et déceptions.
Schématiquement, de par le monde, deux modèles d’organisation de la santé prédominent: d’une part, les services nationaux financés par l’impôt, contrôlés et gérés par l’Etat (les médecins sont rémunérés par traitement ou capitation); d’autre part, les systèmes financés en grande partie par des assurances et mutuelles, elles-mêmes alimentées par des cotisations professionnelles (les médecins y sont généralement payés à l’acte). Le Liban pratique les deux systèmes à la fois.
Quel que soit le système adopté, les dépenses de santé ont partout progressé depuis une trentaine d’années. Dans les meilleurs des cas elles ont doublé par rapport au produit national brut. Au Liban, elles ont pratiquement quadruplé (1000 millions de dollars/an). Sans parler de certains pays de l’Est où la libéralisation du régime a provoqué une augmentation des dépenses doublée d’une dégradation dramatique tant de la qualité que de l’accès aux soins.
Les réformes en cours d’application visent à compenser les effets pervers spécifiques à chaque système. Les pays offrant à leur population une couverture généralisée et équitable tentent d’introduire plus de concurrence et d’efficacité en privatisant certains secteurs et en favorisant le travail d’équipe des professionnels. Les pays à système libéral cherchent à introduire un plus grand contrôle de l’Etat dans un système favorable à l’initiative individuelle. Le but toujours recherché est un meilleur rapport qualité/prix. En somme, les uns essaient de copier partiellement les autres et réciproquement.
Toutes ces réformes sont fondées sur l’hypothèse que le seul remède à la crise serait d’ordre économique. Cette vision mondialiste présente de réels dangers pour la situation sanitaire des populations, en particulier des plus défavorisées. Elle omet de prendre en compte les évolutions des mentalités et des connaissances dans le domaine de la santé publique intervenues au cours des dernières décennies et que la déclaration d’ALMA-ATA (OMS et UNICEF, 1978) a tenté d’universaliser par le slogan: «Santé pour tous».
L’idée fondatrice de ces nouvelles évolutions est que l’amélioration de la santé ne saurait se limiter aux seuls diagnostics et traitements des maladies. Des gains importants peuvent aussi être obtenus en agissant en AMONT, sur les comportements des citoyens, l’environnement, l’information, les programmes cohérents de prévention et de promotion de la santé. Mais la réussite de tels programmes demande volonté et courage politique qui souvent font défaut. A preuve les tergiversations qui ponctuent à travers le monde la lutte contre la drogue, le tabagisme et l’alcoolisme. La publicité de ces produits déferle sur les citoyens alors que les gouvernements lancent de campagnes d’information sans les soutenir par des mesures d’accompagnement législatives qui leur donneraient plus de poids, donc de succès. Que dire aussi chez nous, de la timidité gouvernementale pour la promotion de la médecine rurale, la médecine scolaire, la médecine industrielle, la protection de l’environnement, l’assainissement des eaux, la protection des consommateurs, la salubrité des villes et banlieues, la lutte contre les accidents de la route etc. Ces promotions auxquelles aspirent les jeunes médecins diversifient et élargissent les activités de la médecine générale et la médecine de famille. Au lieu d’être seulement reconnus comme ceux qui soignent les malades, les généralistes auront aussi pour mission de participer largement à l’éducation, la protection et la promotion de la santé des individus et des collectivités. Notre médecine, malade de la pléthore et de la surconsommation, y trouverait de nombreux bénéfices économiques et sanitaires et nos médecins de nouvelles débouchées.
Mon plaidoyer pour la prévention et la promotion de la santé ne doit pas faire oublier l’importance des soins à donner aux malades. Loin de là! Toutefois, pour maîtriser les dépenses on fait appel aux professionnels pour les inciter, par des mesures restrictives, à rationaliser et maîtriser leurs prescriptions et leurs prestations. Ce qui est légitime. Mais là encore on est étonné par la limitation de ces exigences au seul champ économique et l’on est révolté par le fait que dans nos dépenses de santé en progression, le 20° seulement concerne la prévention.
Notre politique actuelle, centrée sur les diagnostics et les soins risque à long terme et vu le rationnement de nos ressources, de favoriser la dégradation de l’état de santé, déjà précaire, de la population et ne peut d’aucune façon décélérer nos dépenses. Bâtir des hôpitaux et les équiper c’est bien! Prévenir les maladies c’est aussi bien. Si nos difficultés budgétaires présentes ont quelques excuses, elles ont aussi des allures de paresse. Notre véritable péché originel c’est l’inertie dans le folklore et la «photocratie». Plutôt que de craindre l’avenir nous devons nous mettre en demeure de lui donner un contenu conforme à nos désirs présents. Le Libanais aime le progrès et la technique et en conséquence, il bâtit et équipe pour mieux soigner. C’est au gouvernement de faire mieux avec le progrès, en empêchant les citoyens de devenir malades. Sinon tous nos efforts ne mèneront qu’à un échec économique doublé d’une aggravation de notre situation sanitaire. Et nos budgets seront de plus en plus déficitaires...
Les pays riches ou pauvres sont confrontés, depuis une cinquantaine d’années, d’une part à l’augmentation progressive de leurs dépenses de santé et au rationnement de leurs ressources, et d’autre part à leur volonté de réduire les inégalités à l’accès aux soins de leur population. Maîtriser les dépenses et généraliser les soins (tendances apparemment...