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Actualités - REPORTAGE

Au CCF Geara met en scène les contes d'Ionesco (photos)

Salle Montaigne, les «Contes» d’Eugène Ionesco. Une pièce étonnante de vitalité, mise en scène par Bruno Geara et interprétée par la troupe des «Sans-sous»… heureusement soutenue pour cette aventure par le ministère de la Culture qui a mis la main à la poche.
Les «Contes pour enfants de moins de trois ans» d’Ionesco ont été composés à partir de notes jetées sur le papier dans les années 45-50, bien avant la création des premières pièces de l’auteur: «La cantatrice chauve» (1950), «Jacques ou la soumission» (1955). Ces contes dialogués représentent donc les vrais débuts de cet auteur dramatique, à qui Bruno Geara rend hommage pour la troisième fois.
En effet, «Contes» d’Ionesco, neuvième pièce de Bruno Geara, est la troisième consacrée à Ionesco. «Depuis mes débuts en 1990, j’ai réalisé quatre pièces pour enfants et deux comédies pour adultes en arabe (dont «Nader mech ader», toujours à l’affiche) ainsi que deux pièces académiques, toutes deux d’Ionesco: «La cantatrice chauve» (en arabe), «Exercices de conversation et de diction française pour étudiants américains», en français», indique-t-il.
Ionesco a ses préférences parce qu’il reste un prince de l’absurde et que Geara se déclare «enfant de la guerre, cette cime d’absurdité». «Dans son œuvre, dit-il, on retrouve l’ambiance de chaos, l’inhumanité et la «mise à plat» de toutes les valeurs. Ionesco est un être tourmenté, obsédé par la mort, le néant. Il se pose des questions existentielles, il remet tout en question. Cependant, ce qui le distingue des auteurs, c’est son style allégé, anisé, comique. Contrairement à Beckett ou Adamov, il enveloppe les dures vérités qu’il dénonce dans du coton. Ionesco, c’est comme le vaccin sur le sucre. C’est plus facile à avaler, et cela donne pourtant le même effet. On rit, on s’amuse, mais ensuite, on réfléchit quand même».
Bruno Geara dit n’être «pas encore rassasié d’Ionesco». Quant au choix des «Contes», il explique qu’il a eu «envie de mettre en scène cette pièce car elle est très peu connue du public, mais surtout, parce qu’on y retrouve les germes de toutes les idées d’Ionesco».

Spectacle

Première partie. Un acteur et cinq actrices, vêtus de noir et blanc, le visage badigeonné de blanc, des dessins sur les joues, sont debout devant le rideau blanc fermé. Ils se tiennent droit comme un i, figés, les yeux fixes. Soudain, ces «marionnettes» s’animent. Dans des conversations aux répliques rapides et drôles, dénuées de sens logique, les personnages s’«exercent»: passé simple, imparfait, prononciation du «u»… Le langage est disséqué, le mot perd sa signification pour ne garder que la mélodie.
Rideau. Le spectateur entre dans un monde blanc et noir. Le décor — signé Nagi Sfeir Yazigi —, est basique. Un lit, une porte, un coffre, un paravent, des étagères. C’est l’univers de la petite Josette, quatre ans (Pascale Harfouche), de son papa (Haitham Herzallah), de sa maman (Abir Aoun) et de la femme de ménage (Rouba Zeidan). A travers différents «chapitres» où Josette reste la vedette, nous retrouvons le monde de l’enfance, l’innocence, le rêve. Le texte est caustique, la gestuelle comique. Sur une musique rythmée, les personnages évoluent dans une chorégraphie très sautillante. On court, on bondit, c’est le spectacle total. Les rapports humains sont caricaturés, le monde est repensé. Josette pose des questions embarrassantes qui donnent à réfléchir. La poupée Jacqueline, la concierge (Rita Cherou) et la petite fille (Aline Bajk) sont les autres éléments de cet univers vivant, complexe, où tout paraît déformé, dénaturé.
Une pièce pleine de fraîcheur interprétée par de jeunes talents prometteurs.
Fondée en 1994, la troupe des «Sans-sous» est un groupe de jeunes de 20 à 25 ans, étudiants ou diplômés de l’Institut national des Beaux-Arts (INBA). «Pour notre première pièce, les «Exercices» de Ionesco, nous disposions en tout et pour tout d’un rideau, de quatre chaises, et d’une formidable envie d’arriver», explique Bruno Geara. «D’où notre nom, «les Sans-sous». «Notre aventure était donc au départ un défi, un acte de foi. Aujourd’hui encore, nous cherchons à affirmer notre potentiel face à un système commercial qui transforme les jeunes diplômés en« mercenaires artistiques». D’autre part, notre souhait est de voir se multiplier les troupes de jeunes acteurs, ainsi que les pièces en langue française, car le Liban est un pays francophone».
«Contes» d’Ionesco se jouera jusqu’au 17 février au C.C.F., tous les jours à 20h30, sauf les mardis et mercredis

Natacha SIKIAS
Salle Montaigne, les «Contes» d’Eugène Ionesco. Une pièce étonnante de vitalité, mise en scène par Bruno Geara et interprétée par la troupe des «Sans-sous»… heureusement soutenue pour cette aventure par le ministère de la Culture qui a mis la main à la poche.Les «Contes pour enfants de moins de trois ans» d’Ionesco ont été composés à partir de notes jetées sur le papier...