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Actualités - REPORTAGE

"Le virus de la violence" d'Adnan Houballah La guerre libanaise passée au scanner de la psychanalyse (photo)

Guerre et violence: sœurs jumelles parfois siamoises, parfois séparées, cauchemar sempiternel de l’humanité. Pourquoi et comment l’homme est-il amené à transgresser les interdits de ses propres lois? Comment de fraternel peut-il devenir «fratricide»? Y a-t-il des peuples frappés de malédiction au point de s’entretuer périodiquement, pour un oui, pour un non? Autant de questions qu’aborde à travers des cas cliniques, le docteur Adnan Houbballah, neuropsychiatre et psychanalyste, dans «Le virus de la violence» édité chez Albin Michel.
Adnan Houbballah a étendu son activité depuis quelques années à Paris où il travaille avec des patients en hôpital de jour. Co-fondateur de l’Association européenne de psychanalyse en 1991, Houbballah prépare en ce moment un ouvrage sur le séjour qu’il a fait avec le grand Lacan à Beyrouth en 1973.
«Le virus de la violence» qui a été publié à la fin 1996 s’appuie sur des cas cliniques pris au Liban où Houbballah n’a jamais cessé d’exercer. Son étude qui aborde un vécu libanais a eu du retentissement en Europe. «En Occident, les gens n’ont pas été touchés par la guerre civile tant qu’elle se résumait à un nombre de morts ou de blessés» dit le docteur qui nous reçoit à son cabinet beyrouthin.
«Ce sont les cas particuliers qui ont éveillé l’intérêt car je suis parti de ces vécus vers des questions plus universelles».
La violence qui se propage comme un virus, l’enfant et l’adolescent qui se retrouvent happés par cet engrenage, la femme étrangère au conflit et gardienne du foyer... autant de thèmes qui font dire à Houbballah que «la guerre civile est en chacun de nous».
Le psychanalyste s’est appuyé sur différents cas cliniques qui se sont présentés à lui. Un peu à la Dolto, il pousse ses patients à nommer le traumatisme afin de l’évacuer. Il recherche dans l’inconscient la solution a des problèmes qui semblent n’être que le résultat de la guerre. «J’ai constaté que les problèmes soulevés pouvaient se poser dans n’importe quel pays dont les hommes se retrouveraient confrontés aux même conditions de transgression des lois et des valeurs. Par exemple la guerre en Bosnie».
Pourquoi l’emploi du terme virus? «Le virus est pris là non pas au sens médical ou chromosomique, mais plutôt au sens métaphorique. La violence est, au même titre qu’un virus, contagieuse. On ne peut assister indifférent à une scène de violence. C’est un sentiment qui est latent en chacun de nous. Heureusement, on l’évacue par le langage. Mais quand la loi est transgressée, que l’Etat ne joue plus son rôle d’arbitre, la violence reprend son droit à la parole... L’humain n’est plus un sujet, il devient un objet à détruire».
A travers ses travaux et ses observations, Houbballah note qu’il y a quatre lois qui sont à la base de toute vie sociale: l’interdit de meurtre, l’interdit d’inceste, l’interdit de mensonge et la circulation de l’objet. «L’homme dès sa naissance et de par son appartenance à la société, est tenu de respecter ces lois. Il est porté à la violence dans la mesure où ces quatre lois ne le concernent plus dans son rapport à l’autre».
Quant à la paternité de la violence, le Dr Houbballah remarque que «personne ne peut assumer cette paternité. Les hommes se placent dans la réaction à la violence et non pas à son origine. C’est pourquoi elle devient contagieuse». Alors que les combats faisaient rage, tous les protagonistes se plaçaient dans cette logique de réaction. «Et comme on a toujours besoin d’une justification, en l’occurrence c’était celle de la faillite des idéologies prometteuses. Et cette faillite a réveillé une violence primaire, celle que l’on dirige contre le frère».
Même dans le pire des conflits, il y a toujours une barrière, sorte de rempart au-delà duquel c’est la folie assurée. «On a pu, cependant, observer une transformation de cette barrière» remarque encore Adnan Houbballah. «La loi est une nécessité vitale. Quand la loi étatique a été bafouée, les hommes se sont retournés vers celles de la communauté. Le conflit idéologique est devenu communautaire, ensuite intra-communautaire et enfin au sein des familles».
En conclusion, Adnan Houbballah souligne que toute cette violence qui a envahi le quotidien, est à l’origine de graves troubles. «Relégués dans l’inconscient, ils resurgissent sous diverses formes et en différentes occasions. C’est bien de reconstruire la pierre, mais il faut se soucier de l’homme».

Propos recueillis par A.G.
Guerre et violence: sœurs jumelles parfois siamoises, parfois séparées, cauchemar sempiternel de l’humanité. Pourquoi et comment l’homme est-il amené à transgresser les interdits de ses propres lois? Comment de fraternel peut-il devenir «fratricide»? Y a-t-il des peuples frappés de malédiction au point de s’entretuer périodiquement, pour un oui, pour un non? Autant de questions...