Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Le modèle suédois comme stratégie de défense

Par Michel FAYAD
Le 4 novembre dernier, le Front de la liberté, qui considère le document d'entente entre le Courant patriotique libre et le Hezbollah comme positif, a présenté sa proposition de stratégie de défense : la création d'une garde nationale. D'autre part, le mouvement a considéré qu'il ne s'agissait pas uniquement de bâtir une stratégie de défense intégrant la Résistance islamique, mais qu'il fallait également restructurer les forces armées (armée et Forces de sécurité intérieure, FSI), élaborer une politique de sécurité intérieure pour lutter contre le terrorisme, et éviter tout retour à l'autoprotection.
Le président Bachir Gemayel et les chefs des Forces libanaises Fady Frem et Fouad Abou Nader avaient jadis envisagé cette solution pour intégrer la Résistance chrétienne et les milices libanaises en tant que corps constitués dans les forces armées dans le cadre d'une future loi sur la sécurité nationale, car il était difficile, sinon impossible, d'intégrer purement et simplement les unités de la Résistance et des milices dans l'armée puisqu'il y aurait eu une opposition au sein même de la grande muette.
Fouad Abou Nader, coordinateur général du Front de la liberté, a récemment précisé que cette proposition se rapproche du modèle suédois (Hemvärnet, Swedish National Home Guard). En quoi donc consiste-t-elle ?
Constatant que les propositions actuelles mettaient la charrue devant les bœufs, le Front de la liberté a cherché à élaborer une stratégie de défense dans le cadre d'une réponse à la question : quel Liban voulons-nous ? En somme, pour le Front de la liberté, le Liban et ses forces armées ont surtout besoin d'une politique. Bachir Gemayel disait : « Le principal problème de l'armée n'est pas son incapacité à défendre le Liban, mais l'absence de leadership et de décision ferme et forte de la part du gouvernement civil. »
Le Front de la liberté appuie l'État fort basé sur le régionalisme et la neutralité :
1-L'État régional implique une double autonomie qui garantirait à la fois une liberté d'action à l'État et une autonomie des communautés en tant que familles spirituelles et intellectuelles, afin qu'elles ne soient pas étouffées dans leur personnalité. L'État régional laisserait subsister l'unité et l'indivisibilité de l'État tout en accordant aux régions et ainsi aux communautés, familles spirituelles et intellectuelles partenaires fondateurs de l'État une autonomie administrative, politique, culturelle et intellectuelle. L'organisation régionale de l'État permettrait aussi de tenir compte de la pluralité qui existe dans la majorité des régions, mais également des demandes des citoyens. Le régionalisme répond d'autre part à une double volonté : celle d'une démocratie de proximité avec une citoyenneté engagée, responsable et comptable (c'est-à-dire qui, en retour, a le droit d'exiger qu'on lui rende des comptes sur la gestion de l'État et de la vie publique), et celle d'un État prolongeant l'action des personnes. La Suède est un État unitaire fortement décentralisé. Toutefois, ce sont l'Espagne et l'Italie (et autrefois la Belgique avant qu'elle ne passe au fédéralisme qui l'a conduit aux bords de la partition) qui sont des États autonomiques et régionaux.
2 - L'affirmation de la neutralité du Liban placerait celui-ci aux côtés des Arabes lorsqu'ils s'entendent et sur la touche quand ils se disputent. Sa neutralité serait positive (c'est-à-dire que tout en gardant un esprit civilisateur d'ouverture au monde, le Liban s'assurerait une protection contre les vents et les tempêtes soufflant du dehors) et permanente avec une garantie internationale (comme cela était le cas pour l'Autriche) et en accord avec le Protocole d'Alexandrie du 7 octobre 1944, le document fondateur de la Ligue des États arabes qui reconnaît l'indépendance de la politique étrangère de l'État libanais telle qu'établie par le pacte national, autrement dit, admet la neutralité du Liban. La Suède est un État neutre. Toutefois, c'est le Turkménistan qui a adopté une neutralité positive et permanente assortie d'une garantie internationale. Nazar Najarian, cadre du Front de la liberté, dans son article publié dans an-Nahar le 25 décembre dernier, a expliqué les raisons pour lesquelles la neutralité de la Suisse ne peut être appliquée au Liban car elle signifie l'isolationnisme, concept rejeté par une importante partie de la population libanaise et par les Arabes ; voire même un retour à la neutralité « négative » (« ni Orient ni Occident ») de la formule de 1943 qui a échoué...  
De cette réflexion globale, le Front de la liberté a dégagé sa proposition officielle.
Tout d'abord, il existe trois principes indiscutables :
a) Le principe de l'unité de la défense et de la conception stratégique qui doit être coiffée par l'autorité politique (le président de la République commande aux armées d'après la Constitution) et militaire (commandement de l'armée et des FSI). Ce principe inclut les déclarations de guerre et de paix.
b)  La défense est une affaire de stratégie. Elle doit être faite par les militaires et acceptée politiquement par le président de la République, le gouvernement et le Parlement, à commencer par la commission parlementaire en charge de la Défense. Ensuite, elle doit être mise en pratique.
c) La défense de l'unité du territoire (conformément à la Constitution). Il ne doit pas y avoir de défense sectorielle. Principes de la fonctionnalité, de la responsabilité et de la répartition.
Ensuite, le Liban se doit de respecter trois critères :
a) Le respect des engagements du Liban : l'armistice de 1949 et la résolution 1701.
b) En raison de l'occupation par Israël des hameaux de Chebaa, des collines de Kfarchouba et d'une partie du village de Ghajar, et des violations par Tsahal de l'espace aérien libanais, de la présence palestinienne armée à l'extérieur et à l'intérieur des camps, de la question des frontières avec la Syrie et des incursions de cette dernière dans certains villages et de l'existence d'îlots et de poches d'insécurité échappant au contrôle de l'État et de ses forces armées, le Front de la liberté propose la création d'une garde nationale, institution organisée au niveau des régions, c'est-à-dire par les conseils régionaux élus, dans le cadre du régionalisme. Cette garde nationale, qui couvrirait le territoire national, serait subordonnée dans sa conception et sa stratégie au ministère de la Défense pour les missions militaires avec l'armée : en cas d'agression étrangère, la garde nationale servirait de corps réserviste ; au ministère de l'Intérieur pour les missions de sécurité intérieure avec les Forces de sécurité intérieure (FSI) : dans des opérations de maintien de l'ordre, la garde nationale servirait de police de proximité ; et, plus largement, au président de la République et au gouvernement. Les dépôts d'armes de cette garde nationale seraient sous le contrôle exclusif de l'armée et des FSI, par exemple dans les casernes de celles-ci ou ailleurs s'ils doivent demeurer secrets.
c) Le 7 juin 1950 fut conclu un Traité de défense commune et de coopération économique entre les États de la Ligue arabe dans le cas d'un nouveau conflit israélo-arabe. Toutefois, l'Égypte et la Jordanie ayant signé un traité de paix avec Israël, la partie du traité relative à la défense commune est obsolète. En effet, le Conseil de défense commune créé est sous le contrôle du Conseil de la Ligue qui prend ses décisions à l'unanimité. C'est pourquoi ce traité devrait être abrogé et être remplacé par un pacte définissant un partenariat et une coopération militaire et sécuritaire entre les  États arabes dans le respect de la neutralité libanaise, comme c'est le cas entre les États neutres européens et l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord (OTAN).
L'idée d'une garde nationale proche du modèle suédois bénéficie d'un appui important. En effet, le général Michel Aoun avait déclaré le 4 septembre 2006, dans le quotidien suisse 24 Heures : « Le Hezbollah devra être intégré à l'appareil de défense. Il sera alors appelé Garde nationale, Peuple résistant... Que sais-je encore. Quoi qu'il en soit, un gouvernement devra couvrir la responsabilité de tout acte militaire. Et la force qui sera positionnée à la frontière sud ne sera pas endoctrinée pour attaquer Israël. Nous parlerons alors de défense nationale. » Quant à Samir Geagea, il a proposé de renforcer les unités d'élite de l'armée et de placer sous leur commandement des « brigades de garde nationale dont l'infrastructure serait secrète, selon le mode de fonctionnement actuel du Hezbollah » (L'Orient-Le Jour du 23 décembre 2008). Walid Joumblatt s'était prononcé en faveur de la création d'une garde nationale (Le Nouvel Observateur du 6 juillet 2006). Enfin, le député français Gérard Bapt, vice-président du Groupe d'amitié France-Liban à l'Assemblée nationale française, déclara dans un entretien accordé à La Revue du Liban le 18 mars 2006 que, concernant les armes de la Résistance islamique, « le Hezbollah a laissé à ce niveau-là le champ ouvert à toutes les hypothèses, y compris à des solutions qui pourraient être son intégration dans une garde nationale et donc sous commandement unifié de l'armée libanaise ».
Le 4 novembre dernier, le Front de la liberté, qui considère le document d'entente entre le Courant patriotique libre et le Hezbollah comme positif, a présenté sa proposition de stratégie de défense : la création d'une garde nationale. D'autre part, le mouvement a considéré qu'il ne s'agissait pas uniquement de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut