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Moyen Orient et Monde - Le point

Incompatibilité d’humeur

Ces deux pays-là sont faits pour ne pas s'entendre tant semble inaccessible la chaîne de montagnes qui les sépare. Une vieille haine les lie, qui remonte à bien plus loin que le retour triomphal à Téhéran de Ruhollah Khomeiny, il y a de cela trente ans. Il faut reconnaître cependant que depuis cette date, les rapports sont allés en se dégradant entre la République islamique et les États-Unis, au point qu'il est difficile aujourd'hui d'imaginer un meeting se terminant sans l'inévitable « Mort à l'Amérique », scandé par des centaines de milliers de gosiers, poing tendu en un geste qui traduit la soif de vengeance pour des décennies d'humiliations et de rancœurs autant peut-être que le désir inavoué d'être reconnu.
Dernière en date de ces manifestations sous le slogan presque affiché de « Je te hais, moi non plus » : l'étrange non-dialogue qui vient d'être entamé à distance entre la nouvelle administration yankee et le régime qui, plus que d'autres peut-être, incarne le bastion de l'antiaméricanisme dans le monde et à qui les iranologues du département d'État doivent leurs nuits blanches passées, grille de lecture à la main, à tenter de décrypter les messages contenus dans les prises de position du guide de la révolution, de son représentant à la tête du pays, ou plus simplement du scribe de service à l'agence officielle IRNA.
Bref résumé de l'étrange échange :
- « Je pense qu'il est important pour nous d'être prêts à parler (avec l'Iran) pour dire très clairement où se situent nos divergences mais aussi où se trouvent les possibilités de progrès, pourvu que ce pays desserre le poing », a dit lundi Barack Obama à la chaîne de télévision al-Arabiya.
- « Ceux qui parlent de changement doivent présenter des excuses et essayer de réparer leurs mauvais actes ainsi que les crimes commis contre nous », a répondu hier Mahmoud Ahmadinejad, dans une longue plaidoirie incluant une liste de griefs dont certains remontent à 1953, année du coup d'État fomenté par la Central Intelligence Agency contre Mohammad Mossadegh pour rétablir sur son trône le chah, qui avait courageusement choisi la fuite.
Alors, main contre poing ? Pas si simple de répondre à la question ainsi posée. Le président iranien se complaît, dès lors qu'il s'agit du « Grand Satan », dans le rôle du méchant loup déguisé en brebis. Il lui est arrivé, dans un passé récent, d'adresser à George W. Bush une lettre de dix-huit pages pour lui proposer d'engager un dialogue annoncé comme pouvant être constructif. Présent à New York pour les débats à l'Assemblée générale des Nations unies, il avait demandé (en vain) à visiter le site de Ground Zero, avant de se proposer au poste bénévole d'observateur lors de l'élection présidentielle US. Dans le genre inutilement agressif, son meilleur ennemi, le 43e président, n'aura pas été en reste, avec des phrases à l'emporte-pièce, comme celle-ci, qui reste son chef-d'œuvre : « Si nous voulons éviter une troisième guerre mondiale, nous ne devons épargner aucun effort pour empêcher l'Iran d'acquérir la technologie nucléaire. » Il faut reconnaître aussi qu'à l'époque, l'un des conseillers de la Maison-Blanche, Norman Podhoretz, s'amusait à comparer l'homme qui niait l'existence de l'Holocauste à Adolf Hitler, « un révolutionnaire qui cherche à renverser le système mondial pour le remplacer par un nouvel ordre dominé par son pays ». Candidate à l'investiture démocrate - et à la palme de la gaffeuse en titre de son parti -, Hillary Rodham Clinton menaçait quant à elle d'« annihiler » purement et simplement l'Iran s'il venait à attaquer Israël, s'attirant une sévère réplique de l'actuel président, qui l'avait accusée alors de répercuter, ce faisant, les menaces des républicains.
Pareils excès verbaux, on en conviendra, sont bien peu propices au rapprochement entre les peuples, encore moins entre leurs dirigeants, quand on se trouve en pleine précampagne électorale en Iran, alors que les USA, eux, se sont déjà dotés d'un nouveau maître et que, tant en Irak, en Afghanistan et dans l'ensemble du Proche-Orient, rien n'est encore réglé. Et comme pour compliquer davantage une conjoncture déjà fort embrouillée, l'amiral Mike Mullen, chef d'état-major de l'armée, avait jugé il n'y a pas longtemps qu'un dialogue avec le régime islamique pourrait se répercuter favorablement sur la situation à Kaboul - une opinion qui est loin de jouir de l'aval des politiques.
Dans une interview accordée en 2006 au quotidien USA Today, le chef de l'État iranien faisait l'apologie du dialogue et de la logique, « qui dictent, soutenait-il, notre attitude ». Il importe aujourd'hui de le voir passer des paroles aux actes s'il veut se montrer conséquent avec lui-même. L'Occident, pour sa part, devra éviter les gestes qui aggravent la brouille, comme la toute récente levée par l'Union européenne de l'interdit qui frappait le mouvement des Moudjahidine du peuple.
Obama a raison : il est grand temps pour chacun d'eux de réapprendre à connaître l'autre.
Ces deux pays-là sont faits pour ne pas s'entendre tant semble inaccessible la chaîne de montagnes qui les sépare. Une vieille haine les lie, qui remonte à bien plus loin que le retour triomphal à Téhéran de Ruhollah Khomeiny, il y a de cela trente ans. Il faut reconnaître cependant que depuis cette date, les rapports sont allés en se...
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