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Délires de guerre


L’Iran n’est pas le Liban et il ripostera à toute violation du cessez-le-feu, c’est ce message tout en muscles que le ministre iranien des AE se targuait jeudi d’avoir fait parvenir à Israël.

D’une suprême inélégance est bien sûr la formule, mais là n’est pas le plus important. Car si Abbas Araghchi n’en est pas à son premier impair par rapport au Liban, sa dernière sortie n’égale tout de même pas en muflerie les tartarinades des gardiens de la révolution citant Beyrouth au nombre des provinces que s’est taillées la République islamique dans le monde arabe. En tout état de cause, l’occasion est trop belle de faire remarquer au ministre que si l’Iran n’est pas le Liban, le Liban peut remercier le ciel de n’être un Iran modèle réduit. Car en aucun cas le pays du Cèdre, de par sa conformation et ses traditions, ne risque d’être gouverné et ramené au Moyen Âge par de fanatiques hommes de religion recourant, chez eux et hors de chez eux, à des moyens que toutes les religions réprouvent.

Pour ce qui est du laxisme clairement reproché à l’État libanais face aux agressions continuelles d’Israël, c’est à des mises au point et rappels encore plus cuisants que s’expose fort témérairement le chef de la diplomatie iranienne. C’est un fait que l’accord de cessez-le-feu proclamé en novembre dernier est un criant, un humiliant chef-d’œuvre en matière de contrat léonin, puisque l’une de ses clauses donne liberté à l’État hébreu de poursuivre ses opérations ponctuelles à chaque fois qu’il le juge nécessaire, licence dont use et abuse évidemment l’ennemi en éliminant des responsables du Hezbollah sans évidemment épargner les vies et les biens de la population civile. Mais cette révoltante clause, qui équivaut à une licence de tuer à volonté, ce sont les propres protégés de l’Iran qui s’y étaient résignés, qui l’avaient avalisée, qui y avaient souscrit. Et pourquoi donc tant de fatalisme, cher monsieur Araghchi ? Parce que soumis, eux et leurs périmètres réservés, à un incessant ouragan d’acier et de feu, orphelins de leurs chefs et cadres supérieurs impitoyablement supprimés, ils avaient désespéré de voir arriver les secours fallacieusement promis par leur protecteur qui les envoyait froidement à l’abattoir, en soutien à la cité martyre de Gaza…

Tenu, par élémentaire prudence, à la même passivité que l’État sur le terrain, c’est paradoxalement face à ce dernier que le Hezbollah fait preuve d’irrédentisme en se refusant à céder son arsenal. On ne sait trop quels délais d’exécution prévoit le calendrier-programme pour le désarmement qu’aurait proposé l’émissaire présidentiel américain Tom Barrack, attendu dans les prochains jours à Beyrouth. Et on n’en sait pas davantage sur les initiatives concrètes, les solutions alternatives que préconisent les forces politiques locales qui, elles aussi, mettent la pression sur le pouvoir. Oui, qu’on nous le dise à la fin : dans un pays cuit et recuit par les guerres, civiles et autres, que feraient-ils d’autre, tous ces impatients, que de marcher sur des œufs si la décision leur revenait ?

On attend avec la même circonspection d’être fixé sur les implications exactes du tout récent conflit qui a mis aux prises l’Iran et le couple américano-israélien. Alors, oblitérées ou seulement gravement endommagées par les superbombes US, les installations nucléaires des mollahs ? Rescapés ou non, les stocks d’uranium enrichi ? L’administration US a beau défendre le plein succès de ses frappes aériennes, le doute n’est guère levé à Washington même, où les services de renseignements se montrent nettement plus réservés en attendant la fin de leurs évaluations. Alors que l’Iran affecte de se faire prier pour négocier avec les États-Unis, c’est cependant la perspective d’une heureuse retombée sur la crise de Gaza qui se fait jour. Dans la griserie du triomphe qu’il a remporté à la conférence de l’OTAN, tout à sa mégalomanie sans bornes, Donald Trump se voit déjà en maître de l’univers. Traînant lui-même un substantiel chapelet de casseroles judiciaires (gelées en attendant la fin de son mandat ), le voici maintenant qui appelle à l’annulation du procès pour corruption de Benjamin Netanyahu, à la grande horreur de la justice et de l’opposition israéliennes.

Au point de confusion où se trouve le monde, on se prendrait pour un peu à imaginer les plus délirantes des situations : celle, par exemple, où l’on verrait un Bibi rassuré quant à sa liberté et sa survie politique et donc moins porté sur la permanente fuite en avant. Moins enclin à enfiler guerre sur guerre : plus de barreaux, plus de bourreau ?


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com 

L’Iran n’est pas le Liban et il ripostera à toute violation du cessez-le-feu, c’est ce message tout en muscles que le ministre iranien des AE se targuait jeudi d’avoir fait parvenir à Israël. D’une suprême inélégance est bien sûr la formule, mais là n’est pas le plus important. Car si Abbas Araghchi n’en est pas à son premier impair par rapport au Liban, sa dernière sortie n’égale tout de même pas en muflerie les tartarinades des gardiens de la révolution citant Beyrouth au nombre des provinces que s’est taillées la République islamique dans le monde arabe. En tout état de cause, l’occasion est trop belle de faire remarquer au ministre que si l’Iran n’est pas le Liban, le Liban peut remercier le ciel de n’être un Iran modèle réduit. Car en aucun cas le pays du Cèdre, de par sa conformation et...