
Des soldats américains patrouillant à al-Qahtaniyah, en Syrie, en mars 2022. Photo DELIL SOULEIMAN / AFP
Les États-Unis se sont retirés de deux nouvelles bases dans le nord-est de la Syrie, ont constaté des journalistes de Reuters, accélérant un retrait militaire que le commandant des forces kurdes syriennes soutenues par Washington estime favoriser la résurgence de l’État islamique (EI). Des sources ont confirmé ce retrait au média al-Monitor, soulignant que Washington gardera uniquement une présence sur la base de Rmeilan, où se trouvent certains des principaux champs pétroliers du pays.
Les journalistes de Reuters qui se sont rendus sur les deux bases la semaine dernière les ont trouvées en grande partie désertes, gardées uniquement par de petits contingents des Forces démocratiques syriennes (FDS), le groupe militaire dirigé par les Kurdes que les États-Unis soutiennent depuis dix ans dans leur lutte contre l’État islamique. Les caméras utilisées sur les bases occupées par la coalition militaire dirigée par les États-Unis avaient été retirées, et les barbelés en périphérie commençaient à s’affaisser.
Un homme politique kurde vivant sur l’une des bases a indiqué qu’il n’y avait plus de troupes américaines sur place. Des gardes des FDS sur la seconde base ont confirmé le départ récent des troupes, sans préciser leur date. Le Pentagone a refusé de commenter. Il s’agit de la première confirmation sur le terrain par des journalistes que les États-Unis se sont retirés des bases d’al-Wazir et de Tel Baydar, dans la province de Hassaké. Cela porte à au moins quatre le nombre de bases quittées par les troupes américaines en Syrie depuis l’arrivée à la Maison-Blanche du président Donald Trump.
De 2 000 à 500 militaires américains en Syrie
L’administration Trump a annoncé ce mois-ci qu’elle réduirait sa présence militaire en Syrie à une seule base, celle de Rmeilan donc, contre huit auparavant dans les zones du nord-est contrôlées par les FDS. Le New York Times avait rapporté en avril que le nombre de troupes pourrait passer de 2 000 à 500 dans le cadre de ce retrait.
Les FDS n’ont pas répondu aux questions concernant le nombre actuel de troupes et de bases américaines toujours actives dans le nord-est syrien. Mais le commandant des FDS, Mazloum Abdi, s’est exprimé auprès de Reuters depuis une autre base américaine, al-Shaddadi, et a déclaré que la présence de quelques centaines de soldats sur une seule base ne suffirait pas à contenir la menace de l’EI. « La menace de l’État islamique s’est nettement accrue récemment. Mais c’est le plan militaire des États-Unis. Nous en étions informés depuis longtemps… et nous travaillons avec eux pour éviter toute faille et maintenir la pression sur l’EI », a-t-il déclaré.
M. Abdi s’est exprimé vendredi, quelques heures après qu’Israël a lancé sa guerre aérienne contre l’Iran. Il a refusé de commenter les répercussions potentielles de ce conflit sur la Syrie, disant simplement qu’il espérait qu’il ne s’étendrait pas au pays et qu’il se sentait en sécurité sur la base américaine. Quelques heures après l’entretien, trois missiles de fabrication iranienne ont visé la base d’al-Shaddadi mais ont été interceptés par les systèmes de défense américains, selon deux sources sécuritaires des FDS.
Cellules de l'EI actives en Syrie
L’État islamique, également connu sous les noms de Daech (l'acronyme en arabe), a contrôlé de vastes territoires en Irak et en Syrie entre 2014 et 2017, durant la guerre civile syrienne, imposant une vision radicale de l’islam marquée par des décapitations publiques, le trafic sexuel de femmes yézidies et l’exécution de journalistes et d’humanitaires étrangers. Depuis ses bastions à Raqqa (Syrie) et Mossoul (Irak), le groupe a également lancé des attaques meurtrières en Europe et au Moyen-Orient. Une coalition militaire dirigée par les États-Unis et composée de plus de 80 pays a mené une longue campagne pour vaincre le groupe et mettre fin à son emprise territoriale, en soutenant à la fois les forces irakiennes et les FDS. Mais l’État islamique s’est restructuré depuis la chute du dictateur syrien Bachar el-Assad en décembre, renversé par d'autres rebelles islamistes.
Mazloum Abdi a affirmé que des cellules de l’EI étaient désormais actives dans plusieurs villes syriennes, notamment à Damas, et que des jihadistes étrangers ayant combattu autrefois contre le régime syrien avaient rejoint ses rangs. Il n’a pas donné de détails supplémentaires. Il a également indiqué que l’État islamique s’était emparé d’armes et de munitions dans des dépôts de l’armée syrienne, dans le chaos qui a suivi la chute d’Assad.
Plusieurs responsables kurdes ont déclaré à Reuters que des membres de l’EI circulaient plus librement autour des bases américaines récemment évacuées, notamment près des villes de Deir ez-Zor et de Raqqa, deux anciens bastions du groupe extrémiste. Dans les zones contrôlées par les FDS à l’est de l’Euphrate, l’État islamique a mené une série d’attaques qui ont tué au moins dix combattants et agents de sécurité des FDS, selon M. Abdi. Parmi ces attaques figure un attentat à la bombe en bord de route visant un convoi de camions-citernes sur une route proche de la base américaine où l’interview a eu lieu.
Cet article est basé sur une traduction, réalisée par L'Orient-Le Jour d'un papier publié en anglais par l'agence Reuters.