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Les bras, et puis la tête



Mille fois annoncé, mille fois différé, l’assaut israélien contre la République islamique d’Iran n’a pas seulement changé fondamentalement la donne au Proche et au Moyen-Orient. Il a certes mis en relief, une fois de plus, l’inertie de la communauté internationale face aux faits accomplis de nature militaire, abondamment illustrée ces dernières années déjà en Ukraine et à Gaza. Rarement cependant véhémentes protestations ou encore appels angoissés à la retenue, émanant d’un peu partout, n’auront eu plus de mal à sonner vrai.


État paria agressé par un État non moins sujet à vive contestation, l’Iran est en fait, depuis des mois, l’homme malade de la région. Croulant déjà sous les sanctions occidentales, il a perdu ses bras armés au Liban et au Yémen. Et comme ce fut le cas pour ses protégés du Hezbollah, c’est littéralement à la tête que vient de s’attaquer Israël. Non seulement en effet l’appareil militaire de Téhéran a été décapité à la faveur d’assassinats ciblés, mais c’est la fine fleur de la matière grise persane, à savoir les physiciens œuvrant au programme nucléaire, qui a connu le même sort. Comme pour le Hezbollah une fois de plus, un tel tableau de chasse ne pouvait raisonnablement se matérialiser sans l’apport de complicités locales, infiltrées jusque dans les plus hauts centres de décision. Ce n’est plus désormais son influence régionale, ce ne sont plus ses arsenaux et ses ambitions nucléaires que joue désormais le régime théocratique, c’est sa propre survie.


Décisif aura été par ailleurs le timing choisi par Israël. Celui-ci a ainsi exploité à fond l’émoi suscité en Occident par le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique faisant état de progrès considérables dans les travaux d’enrichissement d’uranium clandestinement menés par les Iraniens. D’avoir été pris en flagrant délit de fraude ne risquait évidemment pas de valoir à ces derniers trop de sympathies réellement sincères et agissantes. Particulièrement intéressantes sont à cet égard les réactions des royaumes arabes du Golfe. Si en effet ces monarchies ont unanimement dénoncé les frappes israéliennes contre un État frère, si elles exaltent les vertus de la négociation, elles restent visiblement ballottées entre méfiance viscérale envers le régime iranien et crainte de débordements militaires dont leurs territoires et leurs installations pétrolières feraient les frais. Lui-même objet d’agressions israéliennes, le Liban n’a pas manqué de se joindre aux condamnations, mais non sans mettre en garde discrètement le Hezbollah contre toute velléité de prêter main forte à ses parrains : message apparemment bien reçu et assimilé, si l’on en juge par les propos du chef de la milice Naïm Kassem laissant à la République islamique la responsabilité – et la paternité – de la riposte…


Last but not least, c’est surtout l’ahurissante valse-hésitation de Donald Trump qui mérite étude. Jeudi encore, le président américain pressait Israël de s’abstenir d’attaquer l’Iran et de laisser la diplomatie prendre son cours, et cela d’autant qu’un accord semblait proche. Il ne le savait apparemment pas, mais au moment même où il s’exprimait, les premières bombes commençaient déjà à pleuvoir sur le territoire iranien. Nullement désarçonné, Trump assurait peu après à la télévision qu’il avait été dûment prévenu à l’avance du début de l’opération. Et pour finir, c’est sur son réseau social que le président reprochait à l’Iran d’avoir ignoré l’ultimatum de soixante jours qu’il lui avait imparti pour conclure un accord ; bon prince, il lui laissait une deuxième chance avant qu’il ne reste plus rien.

L’homme le plus puissant de la planète se serait-il donc laissé forcer la main par Netanyahu ? N’a-t-on pas plutôt là une grossière distribution des rôles ? Plus d’une zone d’ombre attend d’être éclairée dans le rougeoyant crépuscule des mollahs.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com 

Mille fois annoncé, mille fois différé, l’assaut israélien contre la République islamique d’Iran n’a pas seulement changé fondamentalement la donne au Proche et au Moyen-Orient. Il a certes mis en relief, une fois de plus, l’inertie de la communauté internationale face aux faits accomplis de nature militaire, abondamment illustrée ces dernières années déjà en Ukraine et à Gaza. Rarement cependant véhémentes protestations ou encore appels angoissés à la retenue, émanant d’un peu partout, n’auront eu plus de mal à sonner vrai.État paria agressé par un État non moins sujet à vive contestation, l’Iran est en fait, depuis des mois, l’homme malade de la région. Croulant déjà sous les sanctions occidentales, il a perdu ses bras armés au Liban et au Yémen. Et comme ce fut le cas pour ses protégés du...