
Des déchets qui s'amoncellent à Zouk, dans le Kesrouan, le 11 octobre 2024. Suzanne Baaklini / L'Orient-Le Jour
Alors que des entassements d'ordures ménagères sont apparus ces dernières semaines dans certaines régions du Mont-Liban et de Beyrouth, de vagues informations sur une crise des déchets à venir circulent dans les médias locaux. L’Orient-Le Jour a interrogé les deux compagnies de ramassage, Ramco pour le Mont-Liban nord et City Blu pour l’essentiel de Beyrouth et du Mont-Liban sud, sur la réalité sur le terrain.
Les PDG des deux compagnies, Walid Bou Saad pour Ramco et Milad Moawad pour City Blu, confirment tous deux n’avoir pas été payés depuis novembre 2024. « Nous sommes couverts de dettes. Nous devons non seulement payer les salaires de nos employés et de nos ouvriers, mais également le fuel que nous utilisons dans nos véhicules », se plaint Walid Bou Saad.
Il ajoute que la compagnie a même du mal à réparer ses véhicules en cas de besoin. « L’État pense toujours que nous pouvons débrouiller de l’argent pour tenir, mais ce n’est pas vrai. Il n’y a même plus de banques pour nous épauler, et les compagnies pétrolières ne sont pas disposées à nous fournir du carburant à crédit, nous devons tout régler argent comptant », explique-t-il.
Pour toutes ces raisons, les deux compagnies affirment « ralentir » la collecte, en d’autres termes opérer moins de tournées dans les régions, afin que le budget disponible leur dure plus longtemps. D’où l’empilement des déchets observé quelquefois dans les régions.
« La décharge de Costa Brava pourrait être fermée »
Au Liban, le système de ramassage et de traitement des déchets à Beyrouth et au Mont-Liban repose sur des contrats signés par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) avec des sociétés privées. Pour le ramassage, les deux sociétés sont Ramco et City Blu, dont les contrats s’étendent jusqu’à fin 2026. Deux autres sociétés privées gèrent les deux décharges principales, Costa Brava (Choueifate) au sud de la capitale, et Jdeidé au nord. Les deux décharges sont sursaturées mais l’absence de solution a requis leur agrandissement par étapes. Costa Brava vient de rouvrir ses portes début mai après des travaux d’agrandissement qui duraient depuis le début de l’année.
Or, mercredi, la municipalité de Choueifate a publié un communiqué pour dénoncer « la négligence de l’État et des parties concernées, ainsi que leurs tergiversations » dans la gestion des déchets, estimant que « le dossier refait surface chaque été ». Elle reproche à l’État de ne pas avoir respecté les engagements pris dans le cadre du plan intérimaire de gestion des déchets pour Beyrouth et le Mont-Liban, adopté en 2016.
« La municipalité n’a bénéficié d’aucune des promesses contenues dans cette décision, notamment en ce qui concerne les incitations financières et les services destinés à la ville, la création d’une usine de compostage, l’activation de l’usine de tri et de recyclage, alors que de grandes quantités de déchets continuent d’entrer chaque jour dans la décharge », a-t-elle affirmé. Elle a prévenu que, si ses revendications ne sont pas satisfaites, elle « se verra contrainte d’intensifier la pression et de fermer la décharge de Costa Brava, une grave erreur et une catastrophe écologique touchant l’ensemble du bassin méditerranéen, et non pas uniquement la ville de Choueifate ou le Liban ».
Des millions de dollars
Le système de remboursement pour le ramassage comme pour l’enfouissement (parce qu’on peut difficilement parler de tri ou de traitement) est calculé à la tonne. Ramco indique à L’OLJ que l’État lui doit environ 16 millions de dollars depuis novembre, et City Blu de 16 à 17 millions.
« Nous appelons les responsables politiques à accélérer le processus de facturation parce qu’il prend du temps et que nous avons du mal à tenir », lance Milad Moawad. En effet, explique-t-il, les paiements doivent faire l’objet d’un décret qui doit passer par le ministère de l’Intérieur et des Municipalités, puis être signé par le ministère des Finances, avant de parvenir à la présidence de la République.
Les deux compagnies n’évoquent pas un arrêt de travail ni une grève pour autant, assurant que cela n’est pas dans leur intérêt et qu’ils ne voudraient pas que ce travail d’intérêt commun soit interrompu. « Mais dans le cas où notre budget se termine, ou que nous ne serons plus en mesure de payer nos ouvriers et que ceux-ci refuseront de descendre sur le terrain, la collecte s’arrêtera d’elle-même, et non parce que nous l’aurons décidé », souligne Walid Bou Saad.
Dix ans après la grande crise des déchets de 2015-2016, le Liban continue de se débattre avec une gestion catastrophique des déchets, qui ne privilégie ni la réduction du volume des ordures ni des solutions écologiques qui passeraient par le tri, le recyclage et le traitement. Et le problème est aggravé par la dernière guerre du Hezbollah avec Israël en 2023-2024, qui a produit des dizaines de tonnes de déchets de démolition. Une stratégie de traitement des déchets avait été adoptée par le précédent gouvernement, mais il semble qu’elle soit en cours de révision par l’actuel ministère de l’Environnement.
La saison estivale d'été s'annonce avec un degré olfactif assez poussé....Sans oublier les rats et insectes qui vont s'inviter dans la danse estivale ??
20 h 24, le 04 juin 2025