
Dans la maison des chats, tous dorment. Tous, sauf Mo. Ses yeux restent ouverts. Le voilà qui regarde par la fenêtre, et là, au loin, il aperçoit une lumière. Mais pas n’importe laquelle. Celle-ci a une particularité : elle semble… sourire !
Alors Mo sort, comme on le ferait tous face à une telle découverte. Il s’élance à travers les bois, à la recherche de cette lumière souriante. Sur son chemin, il croise les habitants de la forêt : Grand-père Hibou, un couple de mésanges, un écureuil, un raton-laveur, des souris, des rennes et j’en passe… Aucun ne connaît cette lumière étrange, mais chacun tente de l’aider à sa façon. Un conseil, un objet, des vivres : tout est bon à prendre. Et tous le préviennent, inlassablement : il doit se méfier de l’ours.
La structure répétitive de ce petit livre intitulé L’Étoile de Mo, propre à de nombreux contes, est ici revisitée avec malice. Car aucune rencontre que fait Mo ne ressemble à la précédente, ni dans sa forme, ni dans son fond. Le lecteur va d’étonnement en étonnement, et découvre les rythmes de vie et les modes de pensée des uns et des autres. Le voilà emporté dans une flânerie plutôt que dans une intrigue.
Pour raconter cette balade, l’autrice coréenne Yeonju Choi propose des pages visuellement atypiques, entre album illustré, roman et bande dessinée. Chaque double page alterne imagettes, séquences, textes narratifs et dialogues, dans une composition organique, presque musicale.
C’est un livre réalisé avec une démarche artisanale. Entre plume et pinceau, le dessin joue avec les masses noires (celle du chat Mo sert de fil conducteur), des hachures fines et des textures griffonnées à coup de petits traits délicats, qui donnent presque l’impression d’entendre les outils de l’artiste crisser sur le papier. C’est du dessin, mais c’est presque de l’écriture. Les couleurs, discrètes, douces, accompagnent plus qu’elles ne décrivent.
L’ouvrage est assez épais pour que la flânerie de Mo paraisse infinie, mais son format, lui, est assez petit pour tenir dans les mains ou se glisser dans une poche, comme un objet précieux, qu’on pourrait cacher. Car il est plus petit qu’on ne pourrait l’imaginer, et d’une grande beauté, avec notamment une couverture toilée présentant une illustration incrustée dans un débossage. Une vraie réussite de fabrication pour les éditions Hélium qui restent fidèles à leur amour du livre-objet.
Depuis sa sortie en France (sur une traduction d’Elvire Beaule), L’Étoile de Mo a reçu un excellent accueil : mention spéciale de la prestigieuse Foire du livre jeunesse de Bologne, et Prix Sorcières 2025 dans la catégorie « Passionnant Mini ».
C’est un livre qui restera, puisqu’il a toutes les allures d’un classique. Mais un classique dont la force est la surprise. Nous attendons donc le prochain livre de Yeonju Choi avec un espoir simple : qu’elle sache, une fois encore, nous étonner.
L’Étoile de Mo de Yeonju Choi, Hélium, 2024, 176 p.