
Le président libanais, Joseph Aoun, serrant la main de son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, au Caire, le 19 mai 2025. Photo X / @LBPresidency
Le président, Joseph Aoun, a déclaré lundi lors d'une conférence de presse avec son homologue égyptien, lors d'une visite officielle au Caire, que le Liban veut revenir à l'accord d'Armistice de 1949 avec Israël, après des mois de guerre et alors qu'un précaire accord de cessez-le-feu entre les deux pays est violé quasi-quotidiennement. Dimanche soir, dans un entretien accordé à la télévision égyptienne, le chef de l'Etat libanais avait déjà déclaré que Beyrouth œuvrait à revenir à une « situation de non-guerre » à la frontière avec Israël et avait demandé à Washington de parrainer des discussions « indirectes » avec l'Etat hébreu pour le tracé de la frontière terrestre.
L'accord d'Armistice de 1949 était un cessez-le-feu négocié par les Nations unies entre le Liban et Israël après la guerre israélo-arabe de 1948. Signé le 23 mars 1949, l’accord avait établi une ligne de démarcation entre les deux pays, mettant fin aux hostilités et posant les bases du maintien de la paix par le biais de l’Organisation des Nations unies pour la surveillance de la trêve (ONUST).
Lors de sa conférence de presse avec Abdel Fattah al-Sissi, M. Aoun a souligné que le Liban est « totalement engagé à respecter la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU, pour préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale ». Cette résolution prévoit notamment le déploiement de l'armée libanaise dans le Sud et le démantèlement des infrastructures du Hezbollah, en cours au sud du Litani et qui a permis à la troupe de se redéployer sur plus de 120 positions permanentes dans cette zone, selon la Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul), qui dit avoir elle-même découvert plus de 225 caches d'armes.
« Non-guerre » avec Israël
M. Aoun a dans ce cadre souligné « l’importance du rôle de la Finul » dans le sud du Liban, notant qu’il est « nécessaire de stopper les actions hostiles menées par Israël, et d’assurer le retour de la stabilité et de la sécurité au Liban-Sud et dans toute la région, ainsi que le retour de tous les prisonniers libanais [en Israël] ». « C’est pourquoi nous appelons la communauté internationale à assumer ses responsabilités en obligeant Israël à appliquer l’accord conclu sous médiation américaine et française le 26 novembre, et à se retirer de l’ensemble du territoire libanais, jusqu’à nos frontières reconnues et délimitées au niveau international », a-t-il déclaré. L’armée israélienne continue d’occuper cinq positions qu'elle juge « stratégiques » au Liban, affirmant qu’elle y reste « jusqu’à ce que l’armée libanaise stabilise la situation dans le sud du Liban et garantisse que le Hezbollah ne représente plus une menace ». Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël le 27 novembre, le Hezbollah s’est abstenu d’attaquer Israël, à une exception près, début décembre, malgré les attaques israéliennes quasi quotidiennes sur le Liban-Sud, et d'autres bombardements sur la Békaa et trois frappes aériennes sur la banlieue sud de Beyrouth. Ces attaques et autres tirs ont fait 159 morts, selon un décompte de L'Orient-Le Jour.
Concernant le Hezbollah et son arsenal, Joseph Aoun avait indiqué dans un entretien dimanche soir avec la télévision égyptienne ON news, qu’il maintenait une « relation indirecte » avec le parti chiite, exprimant sa confiance dans le fait que le groupe finirait par reconnaître le rôle de l’État dans la supervision de toutes les parties. Le président libanais a précisé qu’il ne souhaitait pas provoquer une confrontation sur le monopole des armes par l’État, ajoutant : « Nous devons agir rapidement, mais sans brûler les étapes », afin de résoudre ce dossier. Le chef de l'Etat avait en outre déclaré que le Liban voulait « une situation de non-guerre » au Liban-Sud, écartant toutefois toute pression américaine concernant une normalisation avec Israël ou des pourparlers directs. « « Des pourparlers indirects » nous ont été demandés, « et ça c’est normal, comme cela l’a été lors des frontières maritimes, avec les Américains comme parrains. Nous avons demandé qu’il en soit de même pour les frontières (terrestres) », a-t-il ajouté.
« Les meilleures relations possibles avec la Syrie »
Par ailleurs, après son entretien avec Abdel Fattah al-Sissi, Joseph Aoun a souligné qu'il « n’est dans l’intérêt d’aucun citoyen libanais, ni d’aucun pays ou peuple de notre région, de s’exclure d’un processus de paix global et juste », a-t-il ajouté. « C’est ce qu’ont approuvé les pays arabes dans l’Initiative de paix de Beyrouth en 2002 », a déclaré Aoun. Ce texte a été proposé par l’Arabie saoudite lors du sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en 2002 comme un plan de paix global visant à résoudre le conflit israélo-palestinien.
« Nous réaffirmons également l’engagement du Liban à entretenir les meilleures relations possibles avec la Syrie voisine », a encore affirmé Joseph Aoun. « C’est particulièrement crucial concernant la question des déplacés syriens, et la nécessité d’assurer leur retour sûr et digne dans leur pays. À cette fin, les gouvernements des deux pays doivent agir rapidement, à travers des commissions conjointes, qu’ils ont convenu de mettre en place, afin d’atteindre cet objectif dans l’intérêt des deux pays et des deux peuples », a-t-il précisé. Selon les estimations officielles, le Liban accueille actuellement 1,5 million de Syriens, dont 755 426 réfugiés enregistrés auprès de l’ONU, ayant fui la guerre civile dans leur pays, commencée en 2011. Le Haut comité pour les réfugiés de l'ONU et d’autres ONG fournissent divers services à ces réfugiés, que certains groupes politiques perçoivent comme une « incitation » à rester au Liban.
M. Aoun a en outre conclu en se félicitant de la levée des sanctions américaines visant la Syrie, « en espérant que cela contribuera à sa reprise et à la stabilité de la région ». Le 13 mai, le président américain Donald Trump avait annoncé, depuis l’Arabie saoudite, que les États-Unis lèveraient les sanctions de longue date imposées à la Syrie. Il avait déclaré que ces sanctions avaient rempli une « fonction importante », mais qu’il était désormais temps pour le pays « d’aller de l’avant ». Les États-Unis avaient déclaré la Syrie comme État soutenant le terrorisme en 1979, ajouté des sanctions en 2004, puis imposé de nouvelles mesures après le déclenchement de la guerre civile en 2011.
« Efforts intensifs » du Caire pour un retrait israélien
De son côté, le président égyptien a affirmé que l'Egypte « tient à soutenir les efforts du Liban dans la reconstruction, en mettant à disposition son expertise reconnue dans ce domaine » et assuré que Le Caire reste aux côtés du Liban, « que ce soit en matière de stabilité intérieure, concernant la pleine souveraineté de l'Etat ou face aux violations répétées d’Israël contre le territoire libanais et l’occupation » de certaines positions. Il a dans ce cadre fait état d' « efforts intensifs et de contacts avec différentes parties régionales et internationales pour pousser Israël à se retirer immédiatement et sans conditions de l’ensemble du territoire libanais ; à respecter l’accord de cessation des hostilités et à appliquer intégralement et simultanément la résolution 1701 du Conseil de sécurité, de manière non sélective ».
Il a en outre réaffirmé « la position ferme de l’Égypte et du Liban en faveur de la cause palestinienne et rejeté toute tentative de déplacement forcé des Palestiniens » de Gaza. Concernant la Syrie, M. Sissi a souligné la nécessité que « le processus politique pendant la période de transition soit inclusif et non exclusif, tout en poursuivant la lutte contre le terrorisme et en rejetant toute forme de sectarisme ou de division ».
« Une impression positive parmi les pays arabes »
M. Aoun s’est rendu dans l’après-midi à la grande mosquée d’al-Azhar, où il a été reçu par le grand imam de l'institution, plus haute autorité de l’islam sunnite basée au Caire. « Le Liban est dans le cœur de chaque Arabe et de chaque Égyptien », a déclaré le grand imam, affirmant avoir vu dans l’élection du président libanais « un signe d’espoir ». « Al-Azhar est aux côtés du peuple libanais et de l’unité de son territoire », a-t-il ajouté, espérant que « tous les Libanais se rassemblent autour du président Aoun ». « Nous soutenons toutes les positions que vous adoptez, notamment celles relatives à la libération des territoires », a-t-il encore affirmé. De son côté, M. Aoun a déclaré : « La région a besoin de sages comme le grand imam. Nous espérons vous voir bientôt à Beyrouth pour renforcer les liens entre le Liban et al-Azhar. »
Le président libanais, à la grande mosquée d’al-Azhar, avec le grand imam de l'institution. Photo ANI
M. Aoun s’est également rendu au siège de la Ligue des États arabes au Caire, où il a été accueilli par le secrétaire général, Ahmad Aboul Gheit. Ce dernier a salué « le succès » du chef de l’État depuis son accession à la magistrature suprême. « Ces réussites ont laissé une impression positive parmi les pays arabes, qui ont exprimé un intérêt sincère pour le Liban et une volonté de l’aider », a-t-il déclaré.
De son côté, le président Aoun a salué « le rôle du secrétaire général dans la dynamisation du travail de la Ligue arabe et dans le renforcement de la solidarité entre ses États membres ». Il a également remercié M. Aboul Gheit pour « le soutien apporté au Liban lors des crises successives qu’il a traversées ».
Enfin, le président libanais a clôturé sa visite au Caire et est rentré à Beyrouth après une étape au siège papal de l'Église copte. « C’est une grande joie de vous voir accéder à la présidence. Nous soutenons et encourageons les efforts que vous déployez pour aider le Liban à se relever », a déclaré le patriarche égyptien Tawadros II, primat de l'Église copte orthodoxe, à M. Aoun. De son côté, M. Aoun a indiqué que « toute divergence d’opinion au Liban est légitime et peut être traitée », ajoutant que « le dialogue est le remède à toutes les divergences », a rapporté la présidence libanaise.
Monsieur le Président, avec tout le respect qu’on vous doit je vous répète que le Liban est, et restera en état de guerre permanente tant qu’un parti vendu est armé et au service d’un pays étranger. Aucun investissement n’est possible dans un pays qui n’a pas l’autorité de stopper net les guerres, tantôt internes tantôt externes pour l’achever à petit feu en se servant de slogans fallacieux. Le temps des négociations ne peut durer éternellement et vous le savez mieux que personne. Il serait temps que vous posiez un ultimatum afin que tous les groupuscules armés déposent leurs armes sous peine
12 h 45, le 20 mai 2025