Capture d’écran du documentaire réalisé par l’armée libanaise
La démarche est inhabituelle. La grande muette est sortie de son silence pour réaliser, avec la collaboration de journalistes chevronnés, un documentaire sur son rôle au Liban-Sud, diffusé par Télé-Liban. En 24 minutes, l’armée libanaise s’est non seulement adressée aux Libanais, en leur expliquant ce qui se passe dans la zone située au sud du fleuve Litani terriblement endommagée par les attaques israéliennes, elle a aussi lancé des messages dans plusieurs directions. À la fois à la communauté internationale, aux Israéliens et même au Hezbollah, dont le nom n’est jamais cité dans ce reportage filmé.
Le timing de la diffusion de ce documentaire est en lui-même un message, à un moment de pressions internationales – et même internes – extrêmes pour réclamer une « action décisive » de l’armée dans le dossier des armes du Hezbollah. La grande muette a donc choisi de répondre à sa manière, par le biais d’un reportage d’une équipe de Télé-Liban qui a accompagné les militaires en tournée dans toute la zone au sud du Litani, de Naqoura à l’ouest jusqu’à Khiam dans le secteur est. Des responsables militaires dans la région ont ainsi expliqué le rôle de l’armée et ce qu’elle accomplit quotidiennement, des responsables de la Finul ont parlé de la mission des Casques bleus et de leur coopération étroite avec l’armée. La parole est ensuite donnée à des citoyens de cette région qui expriment leur espoir dans le déploiement de l’armée et à travers elle dans le retour de l’État dans cette zone ravagée par la guerre.
Ceux qui ont vu ce documentaire ont pu ainsi mesurer l’ampleur des destructions dans les localités frontalières, où on ne parvient même plus à distinguer l’emplacement des routes ni celui des différents quartiers des villages. On peut ainsi voir des habitants qui essayent de deviner où se situaient leurs maisons et des militaires qui cherchent, entre autres missions, à redéfinir les routes.Les responsables militaires dans le secteur expliquent leur mission, appelée symboliquement « le bouclier du Sud face à toutes les menaces », qui revêt plusieurs aspects. Il s’agit bien sûr, comme le stipule l’accord conclu le 27 novembre dernier, de veiller à l’application de celui-ci, en assurant un déploiement dans toute cette zone. Mais, comme le dit le documentaire, il ne s’agit pas seulement de se déployer « mais aussi de protéger, de construire et ramener la vie ». Selon les militaires qui s’expriment dans ce reportage, le déploiement a déjà été réalisé, et les rares endroits dont l’armée n’a pas pris le contrôle sont ceux qui sont encore occupés par les Israéliens. Ces derniers sont d’ailleurs présents en force, et la caméra insiste sur les cinq collines qu’ils continuent d’occuper, en plus de deux autres positions considérées comme des « buffer zones ». Selon les explications fournies, l’armée est présente dans le cadre d’unités spéciales d’intervention, de forces de commandos, mais aussi de forces de génie et de travaux, sans oublier les équipes sociales. Et c’est là un message fort adressé aux Israéliens, sur l’intention des forces de commandos de combattre le cas échéant. C’est aussi un message adressé aux parties internationales sur la mission de l’armée de défendre la souveraineté libanaise. C’est encore un message au Hezbollah sur le fait que l’armée prend en quelque sorte le relais de la « résistance » et que c’est désormais son rôle de défendre et de protéger le territoire libanais.
Le reportage évoque ainsi des points de contrôle, de surveillance et de mesures précises sur le terrain pour faire face à d’éventuelles attaques israéliennes. Les responsables militaires affirment catégoriquement que l’armée accomplit totalement sa mission dans la zone située au sud du Litani, face aux violations israéliennes de l’accord qui s’élèvent désormais à plus de 3 000. Ils ajoutent que l’armée coordonne en permanence avec la Finul.
« Il n’y aura pas de retour en arrière »
La réponse de l’armée s’inscrit ainsi à trois niveaux : la détermination de faire face aux Israéliens, le démantèlement des installations et des armes dans ce secteur, sans jamais prononcer le nom du Hezbollah, et enfin le soutien aux habitants de cette zone dévastée. Les responsables militaires insistent sur le fait qu’il n’y a pas d’alternative au rôle de l’armée, dans une allusion claire au Hezbollah, tout en cherchant à rassurer les citoyens, qui, pour un grand nombre d’entre eux, ont longtemps considéré le parti chiite comme leur seule protection face aux visées israéliennes.
Il s’agit donc d’un changement radical dans l’attitude de l’État libanais par rapport au Sud, puisque même après l’adoption de la résolution onusienne 1701 en 2006, l’armée n’a pas déployé dans cette zone le nombre d’effectifs nécessaire pour accomplir la mission attendue, et ce n’est que maintenant qu’elle est en train de le faire, avec des instructions précises : faire face à toute menace pour la souveraineté et pour la sécurité.
En même temps, les militaires reconnaissent que leur action se fait en concomitance avec les efforts diplomatiques pour obtenir l’application stricte de l’accord de cessez-le-feu. Les défis sont certainement nombreux, notamment les violations israéliennes et la destruction de toute l’infrastructure de la région. Dans ce cadre, les militaires insistent sur le rôle social de l’armée au Sud, dans une volonté de mettre l’accent sur le lien étroit et particulier qui lie les soldats aux civils dans cette région, montrant ainsi de façon indirecte que l’armée a aussi une large assise populaire, notamment au sein de l’environnement du Hezbollah. En tout cas, dans ce reportage, l’armée souhaite se présenter comme une institution proche des habitants, voire comme un de leurs principaux soutiens. Comme il est dit dans le documentaire, « l’armée est, pour les citoyens du Sud, le père, le fils, le frère et le soutien, et cette relation est une source de tranquillité pour les habitants ».
Le message est donc clair, pour tous ceux qui veulent l’entendre. L’armée est prête, mais il faut aussi l’aider, à la fois par les moyens et par les décisions fermes face aux Israéliens et surtout en lui faisant confiance. Cela s’adresse au Hezbollah certes, ainsi qu’à tous ceux qui affirment soutenir le Liban. Mais le message le plus fort reste dans cette phrase sur laquelle s’achève le documentaire : « Il n’y aura pas de retour en arrière »... Comprenne qui pourra.
L’armée a été la grande muette dans les années 70 parce que ses généraux, a l’époque, avaient peur de fâcher les Palestiniens et les responsables musulmans du pays. Aujourd'hui, nous l’appelons encore unes fois la grande muette parce qu'elle agit avec des pincettes et ne prend pas les mesures nécessaires contre des traîtres qui ont conduit le pays a la catastrophe. La seule fois qu’elle a parlé elle nous a conduit a l'occupation Syrienne pour avoir dirigé ses canons du mauvais coté. Il est temps qu'elle parle et sans ambages pour le pays. Je veux espérer que ce ce ne soit que le début.
10 h 15, le 19 mai 2025