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Têtes couronnées et grosses têtes

Ils vivent comme des rois, et nous pas ; nous les mettons en condition de vendre leur brut et pourtant ils ne paient rien ! C’est en ces termes qu’invité en 1988 sur le plateau de l’Oprah Winfrey Show, un Donald Trump non encore entré en politique évoquait acerbement les immenses richesses accumulées par les monarchies pétrolières arabes. Devenu président, Trump n’est pas allé jusqu’à imposer ouvertement un racket en règle, et bien mérité, à ces indélicats alliés. Mais il vient de faire bien mieux, rapportant de sa brève tournée des royaumes du Golfe des montants mirifiques en achats d’armements et investissements de longue durée dans l’économie américaine : le tout consenti avec enthousiasme et même, pourrait-on croire, avec reconnaissance.


Faites des affaires, pas la guerre ! Le président des États-Unis aura, en quelque sorte, assaisonné à son goût le célèbre slogan des hippies des années soixante qui militaient contre la guerre du Vietnam. De fait, son tiroir-caisse déborde littéralement de commandes et son incommensurable ego est comblé, puisqu’il a eu droit, à Riyad comme à Doha et Abou Dhabi, à un accueil réservé aux seules têtes couronnées. Plus nuancé est cependant le bilan proprement diplomatique de cette virée royale. Le chef de la Maison-Blanche a certes fait sensation en annonçant que l’on était proche désormais d’un accord sur le nucléaire iranien ; mais il n’a pas renoncé pour autant à agiter le bâton face à Téhéran pour faire bouger plus vite les choses. Un autre coup de théâtre aura été sa rencontre avec le nouveau maître de la Syrie et l’annonce de la levée des sanctions américaines frappant ce pays. Il a d’ailleurs paru séduit par Ahmad al-Chareh qui, de leader jihadiste en chic type, réussit une vertigineuse réhabilitation, même si celle-ci demeure liée à une série de conditions, dont la protection effective des minorités ethniques et religieuses ainsi que leur inclusion dans le pouvoir syrien. Détail notable qui en dit long sur la suite, le prince héritier d’Arabie, MBS, se trouve publiquement consacré en tant qu’inspirateur, parrain et tuteur de ce spectaculaire rétablissement.


En revanche, Donald Trump s’est vu priver de deux autres rendez-vous qu’il avait témérairement pris avec l’histoire. Au terme de son périple dans le Golfe il n’a pu ainsi se rendre à Istanbul pour y jouer les arbitres entre chefs russe et ukrainien, Vladimir Poutine ayant préféré se faire représenter. Lorgnant apparemment un prix Nobel de la paix, il se promettait en outre de proclamer, à partir du sol arabe, un heureux dénouement de la crise des otages, tâche à laquelle s’était attelé son émissaire au Moyen-Orient Steve Witkoff. Or c’est là qu’apparaît ce qui, pour plus d’un peuple de la région, restera un des faits les plus saillants de ces derniers jours : le désaccord aussi profond que flagrant apparu entre ces deux grosses têtes que sont Trump et Benjamin Netanyahu. Car durant son séjour dans le Golfe, le président n’a pas évoqué une seule fois Israël, écarté de son itinéraire, pas plus qu’il n’a appelé Bibi au téléphone. L’Américain négocie avec l’Iran de même qu’avec le Hamas, il parle de paix à Gaza et l’Israélien plaide pour la manière forte sur ces deux théâtres. Comme touché enfin par la grâce, le premier se décide enfin à compatir avec les Gazaouis menacés de famine alors que le second s’acharne à bloquer les convois de vivres.


Sur ce même chapitre le président US demeure néanmoins fidèle à sa lubie de Riviera moyen-orientale, à cette différence près qu’il veut maintenant faire de Gaza une zone de liberté : sans doute celle généreusement laissée à son infortunée population d’aller chercher refuge ailleurs. Non moins stupéfiante est l’affaire de ce palace volant offert par le Qatar et que Trump s’est empressé d’accepter alors qu’il a les moyens de s’en payer toute une flotte. Et même d’en faire cadeau à des amis, plutôt que de prêter le flanc aux accusations de corruption.

Qui donc expliquera un jour comment l’homme le plus puissant du monde peut se révéler à ce point désarmé face aux traquenards de la gaffe ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Ils vivent comme des rois, et nous pas ; nous les mettons en condition de vendre leur brut et pourtant ils ne paient rien ! C’est en ces termes qu’invité en 1988 sur le plateau de l’Oprah Winfrey Show, un Donald Trump non encore entré en politique évoquait acerbement les immenses richesses accumulées par les monarchies pétrolières arabes. Devenu président, Trump n’est pas allé jusqu’à imposer ouvertement un racket en règle, et bien mérité, à ces indélicats alliés. Mais il vient de faire bien mieux, rapportant de sa brève tournée des royaumes du Golfe des montants mirifiques en achats d’armements et investissements de longue durée dans l’économie américaine : le tout consenti avec enthousiasme et même, pourrait-on croire, avec reconnaissance. Faites des affaires, pas la guerre ! Le président des...