Jbeil (Byblos) : une démocratie en trompe-l’œil ?

Après les élections municipales dans la ville millénaire de Jbeil (Byblos), un goût amer persiste. Une défaite morale à l’échelle de la ville, malgré un succès relatif sur le papier, compte tenu d’une campagne lancée en moins de dix jours, à partir de rien. Une question demeure néanmoins : qu’en est-il réellement du principe démocratique dans ces élections dites républicaines ?

Lors de ce scrutin, j’ai soutenu la liste intitulée « La décision de Jbeil », opposée à celle nommée « Jbeil plus belle » – une appellation fondée sur une interprétation personnelle de la beauté.

Les citoyens de Jbeil ont fait leur choix, et cela relève bien entendu de leur droit fondamental. Le respect du processus électoral est une valeur que nous défendons avec conviction.

Cependant, certains éléments soulèvent de sérieuses interrogations quant au déroulement global du scrutin et à l’équité de la compétition.

D’abord, la liste opposée a bénéficié d’un appui politique notablement visible. Bien que cet appui ne soit pas illégal en soi, il a largement éclipsé les candidats en lice. Cette dynamique soulève des questions sur la transparence et la centralité des idées dans la campagne.

La campagne menée par cette liste a parfois adopté un ton condescendant vis-à-vis de la nôtre – la première opposition significative depuis longtemps. De notre côté, nous avons choisi de rester fidèles à notre vision du citoyen jbeiliote : humble, engagé, concentré sur le débat d’idées, plutôt que sur les attaques personnelles.

Ironiquement, plusieurs éléments de notre programme ont été repris dans les déclarations publiques de l’autre camp. Une convergence qui souligne, peut-être malgré elle, la pertinence de nos propositions.

Nous croyons que les campagnes politiques devraient être jugées sur la force des idées et l’intégrité de celles et ceux qui les portent, et non sur les moyens financiers ou la scénographie. La nôtre s’est voulue respectueuse, sobre et constructive. Nous avons attendu l’annonce des résultats officiels avant de communiquer. De leur côté, les partisans de l’autre liste ont préféré une célébration immédiate et spectaculaire – cela soulève la question de la frontière entre mobilisation légitime et mise en scène destinée à influencer l’opinion.

Une partie de l’électorat a semblé sensible à cette stratégie visuelle, fondée davantage sur l’émotion que sur le raisonnement. Une logique qui tend à reléguer le débat démocratique au second plan, au profit d’un récit valorisant l’unanimité, voire l’exclusivité. En face, nous avons tenté de promouvoir une lecture critique, une vision durable pour Jbeil – enracinée dans la culture, le respect mutuel et l’intelligence collective.

Ce n’est pas de l’amertume, mais un constat lucide : plusieurs témoignages recueillis le jour du scrutin font état de pratiques qui s’apparentent à des formes de pression déguisée. Certaines personnes mobilisées aux abords des centres de vote n’étaient pas là par simple engagement civique – leur présence massive, organisée, et parfois

insistance, laissait peu de place au doute sur l’objectif recherché : influencer, encadrer, orienter.

Des électeurs ont également évoqué des offres implicites de contreparties en échange d’un vote. Des promesses ou gestes qui, même non officiels, brouillent dangereusement la frontière entre persuasion politique et manipulation. Ces méthodes relèvent d’une logique de clientélisme contraire aux principes d’une démocratie saine.

Quant aux procédures : comme c’est malheureusement courant au Liban, chaque liste distribuait ses propres bulletins. Il n’existait pas de bulletin officiel neutre recensant toutes les options. Cela rendait le panachage risqué et exposait le vote de nombreux citoyens. La confidentialité du scrutin s’en est trouvée compromise.

Dans une démocratie saine, le vote est libre, confidentiel, protégé de toute pression – qu’elle soit psychologique, sociale ou logistique. Le rôle des représentants électoraux est d’assurer l’ordre, pas d’influencer.

La liste « Jbeil plus belle » a remporté les élections, et nous reconnaissons ce résultat, par respect pour le droit des citoyens à choisir.

Mais à la lumière de ces constats, une question demeure : était-ce vraiment la démocratie en action ?

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