
Rue Saadallah el-Jabri à Damas, le 5 mai 2025. Omar HAJ KADOUR
Le ministre syrien des Finances, Mohammed Barnieh, a annoncé jeudi que le Qatar allait aider son pays à payer les salaires du secteur public et que Washington avait accordé une exemption partielle des sanctions frappant la Syrie pour permettre ce financement.
« Nous remercions le gouvernement qatari pour la généreuse subvention accordée afin de payer une partie des salaires actuels », a déclaré M. Barnieh, cité mercredi soir par l'agence officielle syrienne Sana. L'accord porte sur « 29 millions de dollars par mois pendant trois mois » et couvrira « les salaires dans les secteurs de la santé, de l'éducation et des affaires sociales, ainsi que les retraites non militaires », a-t-il précisé. L'opération « a été exemptée des sanctions américaines », a-t-il ajouté, en remerciant le Trésor américain « pour la rapidité avec laquelle il a facilité l'octroi de cette aide ». M. Barnieh a déclaré que « la subvention serait gérée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) » et couvrait « environ un cinquième des salaires et pensions actuels ».
Plus tôt, trois sources proches du dossier avaient confirmé à Reuters ce feu vert des États-Unis à l'initiative du Qatar, qui offre une bouée de sauvetage financière au nouveau gouvernement syrien, en quête de stabilité après plus d’une décennie de guerre civile.
Doha, l’un des soutiens les plus influents du président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, sur la scène internationale, s’était jusqu’ici montré réticent à agir sans l’accord explicite de Washington, qui maintenait des sanctions strictes imposées sous le régime de Bachar el-Assad. Après quatorze années de conflit, une économie exsangue et des décennies de gouvernance clanique, l’État syrien se retrouve au bord du gouffre. Les fonctionnaires, quant à eux, peinent à survivre avec des salaires dérisoires. Le gouvernement de Chareh, malgré quelques signaux d’ouverture salués en Occident, peine encore à convaincre qu’il a définitivement tourné la page de son passé islamiste.
Assouplissement de la position de Washington
Selon deux personnes informées du dossier contactées par Reuters, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor (OFAC) devrait délivrer dans les prochains jours une lettre confirmant que cette initiative est exemptée du régime de sanctions en vigueur. Ce feu vert américain traduit un certain assouplissement de la position de Washington, tandis que plusieurs capitales européennes ont, pour leur part, accéléré l’allègement de leurs propres régimes de sanctions.
Les fonds qataris seront alloués sous conditions strictes : seuls les fonctionnaires civils du secteur public pourront en bénéficier, indique une source financière syrienne, tout en ajoutant que les ministères de l’Intérieur et de la Défense ne prendront pas part au dispositif. Une condition qui reflète toutefois les inquiétudes persistantes de la communauté international quant au passé radical du nouveau pouvoir à Damas, qui s’emploie à restructurer ses forces de sécurité, selon cette même source et plusieurs diplomates.
Les premiers versements, qui sont attendus dès le mois prochain, permettront de lancer progressivement une revalorisation salariale attendue de longue date : une hausse de 400 % des traitements, qui devrait concerner plus d’un million de fonctionnaires sur plusieurs mois, a également fait savoir la source syrienne.
Flou autour des sanctions américaines
Toutes les sources citées ont requis l’anonymat, n’étant pas autorisées à s’exprimer publiquement sur le sujet. Ni le gouvernement qatari, ni le Trésor américain n'ont encore publié de déclaration à ce sujet.
Le gouvernement de Damas s’est engagé à compléter l’enveloppe salariale en prenant à sa charge les hausses de rémunération pour les employés exclus du dispositif financé par Doha, indique la source syrienne. Le Qatar avait envisagé ce soutien financier peu après la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre dernier, lorsqu’une coalition de groupes rebelles emmenée par la formation islamiste radicale Hay’at Tahrir el-Cham (HTC), l'a évincé du pouvoir. Le projet avait par ailleurs été freiné par le flou persistant entourant les sanctions américaines et par l’indécision de l’administration de Donald Trump sur le dossier syrien.
Priorité économique
L’ancienne administration américaine de Joe Biden avait délivré le 6 janvier dernier une exemption générale de sanctions autorisant les transactions avec les institutions syriennes pour une durée de six mois. Mais de nombreux États et entités intéressés par un réengagement avec Damas ont réclamé des garanties supplémentaires. Cette mesure, connue sous la licence générale, visait à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et à permettre une reprise limitée des transactions dans le secteur énergétique, tout en maintenant le cadre général des sanctions.
Depuis des mois, les nouvelles autorités syriennes réclament la levée des sanctions internationales imposées durant le règne de l'ancien président Bachar al-Assad. La relance d’une économie exsangue, désormais engagée dans une tentative d’ouverture au libre marché après des décennies de protectionnisme, figure parmi les priorités affichées du nouveau pouvoir syrien. Les Nations unies estiment que neuf Syriens sur dix vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
En janvier, le ministre syrien des Finances par intérim avait annoncé une augmentation de 400 % des salaires des fonctionnaires, effective à partir de février, avec un coût estimé à 1 650 milliards de livres syriennes, soit environ 130 millions de dollars par mois. Il avait alors évoqué l’aide régionale comme l’une des principales sources de financement de cette mesure.
La politique occidentale vis-à-vis de la Syrie reste toutefois entravée par les origines jihadistes du groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTC) toujours classé organisation terroriste par plusieurs grandes puissances. Issu du Front el-Nosra — ancienne branche d’al-Qaïda en Syrie —, HTC avait officiellement rompu avec le réseau jihadiste en 2016, sous l’impulsion de Ahmad el-Chareh. Le groupe avait été formellement dissous en janvier dernier.
L'avant-dernier salaire que le Qatar et Cie ont financé, c'était le Golani dans le « maquis » à plus forte raison maintenant qu'il S'est déclaré président de Syrie cravaté....
18 h 49, le 08 mai 2025