Le 7 mai 2008 est une date que beaucoup de Libanais ne parviennent pas à oublier. Elle marque le jour du coup de force du Hezbollah à Beyrouth et dans d'autres régions, notamment une partie de la montagne. C’est essentiellement le courant du Futur qui évoque chaque année cette date qui se résume pour lui à un échec face aux forces du Hezbollah. Mais pour les adversaires du parti chiite au Liban, elle est aussi l’occasion de critiquer cette formation en l’accusant de vouloir de nouveau contrôler le pays.
Ainsi, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : le Liban est-il réellement à la veille d’un nouveau 7-Mai, au moment où de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer le désarmement du Hezbollah ? Un petit retour sur les faits qui se sont passés il y a 17 ans s’impose, pour voir dans quelle mesure l’histoire peut se répéter. Le 7 mai 2008 a été précédé d’une série d’incidents entre le Hezbollah et les partisans du Futur, dans plusieurs quartiers de la capitale, au point que les tirs du côté de Ras el-Nabeh et Basta semblaient être devenus une sorte de routine.
Toutefois, le 7 mai 2008, dès l’aube, tout semblait différent. Les rues étaient désertes, et ce vide était justement le signe d’une grande tension. Rapidement, les nouvelles ont commencé à se répandre sur un coup de force du Hezbollah dans les principales permanences du Futur à Beyrouth.
Celui-ci avait d’ailleurs fait, en prévision d’une action de ce genre, le plein de partisans, allant même jusqu’à demander à ses hommes au Akkar de venir à Beyrouth. En quelques heures, les hommes du Hezbollah ont pris le contrôle des permanences du Futur à Beyrouth, chassant ceux qui s’y trouvaient et s’emparant des disques durs des ordinateurs sur place pour obtenir les informations qu’ils désiraient. Toutefois, les hommes du Hezbollah ne sont pas restés dans les permanences vidées, s’empressant de les remettre à l’armée libanaise, pour bien montrer qu’ils ne cherchent pas à éliminer le courant du Futur, mais juste à protéger ce qu’ils appellent la « résistance ».
Tout s’est passé tellement vite que même si elles le désiraient, les forces dans les régions dites chrétiennes n’ont pas eu le temps de se mobiliser et, au bout de quelques heures, l’armée libanaise a restitué les permanences à leurs propriétaires initiaux... sans les données. L’opération a donc duré quelques heures, sans véritables affrontements et sans faire de grands dégâts. Par contre, dans la Montagne et ailleurs, des combats ont fait rage entre les camps respectivement proches du Hezbollah et du PSP et ont fait plusieurs dizaine de victimes.
Même si elle a été rapide et limitée, cette opération a marqué la mémoire des Libanais et y a laissé des blessures qui continuent aujourd’hui encore à saigner. Le Hezbollah a eu beau expliquer qu’il n’a fait que réagir à une décision du gouvernement de Fouad Siniora destinée à le priver de son système de communications qui constitue un des piliers de son arsenal, pour le Futur et pour les adversaires du parti chiite en général, ce dernier a donné ce jour-là une preuve irréfutable de sa volonté de contrôler le pays. Il a ensuite fallu attendre la conférence de Doha le 21 mai pour circonscrire le traumatisme et conclure un accord entre les différentes composantes libanaises qui a abouti à l’élection du général Michel Sleiman à la présidence le 25 mai.
Dix-sept ans plus tard et quelles que soient les versions retenues pour cette triste journée, elle revient dans les esprits comme une crainte qui pourrait être justifiée. Aujourd’hui et alors qu’on parle du désarmement du Hezbollah ou plutôt du « monopole de l’État des armes au Liban », est-il possible que l’expérience du 7 mai 2008 se répète ? Avec peut-être même plus de violence, parce que le Hezbollah se sent aujourd’hui affaibli et sa base populaire en est du coup fragilisée et en colère ? Dans les coulisses politiques et diplomatiques, la question revient souvent : que fera le Hezbollah lorsque la question de la remise de ses armes à l’État sera clairement évoquée et sans délai ? Pour l’instant, on a l’impression que le sujet est pratiquement mis en veilleuse en attendant que l’État qui est en train de se reconstruire agisse concrètement. Il sera évidemment en meilleure position lorsque les élections municipales seront achevées et que le train des réformes aura avancé. Que fera alors le Hezbollah ?
Il est difficile de répondre clairement à cette question, car aussi bien le Hezbollah que les milieux proches de la présidence de la République refusent d’en parler. Certains affirment à cet égard qu’une entente aurait déjà été conclue entre les deux parties, mais elle devrait se concrétiser le moment voulu, lorsque le cours des événements dans la région se sera précisé. D’autres disent, par contre, que le Hezbollah pourrait accepter de déposer les armes, mais il voudrait en contrepartie obtenir des garanties sur son rôle politique et sur la protection de son environnement populaire.
D’autres encore pensent qu’en réalité, le Hezbollah cherche à gagner du temps en attendant l’évolution des négociations irano-américaines et d’éventuels développements dans la région qui pourraient pousser ceux qui réclament son désarmement à changer d’avis. Il attendrait en quelque sorte que les circonstances deviennent plus favorables pour lui et pour l’Iran, afin de reprendre du poil de la bête. Il pourra alors s’opposer à toute tentative de le désarmer. Les milieux proches du Hezbollah assurent qu’il n’y a en tout cas aucun risque d’affrontements internes. D’une part, parce qu’il ne le veut pas, d’autant que ce serait le rêve des Israéliens, et, d’autre part, parce que la seule partie qui serait en mesure de l’affronter est l’armée. Or, les mêmes milieux sont catégoriques, le scénario de frictions entre le Hezbollah et la troupe est hors de question. Donc, pas de réédition du 7 mai 2008, pas de confrontation avec l’armée, mais le scénario reste malgré tout flou.
"… La demande de désarmer le Hezbollah peut-elle provoquer un nouveau 7-Mai ? …" - Poser cette question le 8 mai… tu baisses Scarlett
15 h 54, le 08 mai 2025