S’il est vrai que le bombardement israélien dimanche de la banlieue sud de Beyrouth a constitué le principal développement du week-end, le désarmement des camps palestiniens reste un dossier épineux pour les autorités libanaises. Il pèse sur la scène locale surtout avec la visite prévue vers la mi-mai du chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à Beyrouth et qui devrait en principe tourner autour de ce sujet.
En effet, pour la première fois depuis des décennies, ce dossier semble bouger concrètement, après l’échec de toutes les tentatives précédentes. Ce qui a changé aujourd’hui, c’est le fait que le désarmement des camps palestiniens est désormais une demande arabe et internationale, comme une démarche indispensable en prélude à la remise des armes du Hezbollah à l’État. Mais comment pourrait-elle aboutir dans le climat actuel et avec le conflit ouvert interpalestinien, en particulier entre l’Autorité palestienne et le Hamas ?
Il faut rappeler que depuis la bataille du camp de Nahr el-Bared en 2007 entre l’armée libanaise et les factions palestiniennes, dont certaines appuyaient l’organisation « terroriste » Fateh el-Islam, il n’y a plus eu de conflit armé impliquant les Palestiniens au Liban. Certains des camps n’ont plus d’armes de facto, ou en tout cas d’armes moyennes et lourdes, comme ceux de Bourj el-Brajné ou de Baalbeck. Sur les 12 officiellement répertoriés, il y en a au moins quatre au Liban-Sud encore armés, sous prétexte qu’ils sont proches de la frontière avec la Palestine occupée et, par conséquent, leurs armes sont liées à la résistance et au droit au retour. On parle ainsi de Aïn el-Héloué, qui est le camp le plus important hors des territoires palestiniens, mais aussi de Miyé Miyé, Rachidiyé et el-Bass. Aujourd’hui, et dans le cadre de la décision de l’État d’avoir le monopole de la violence, ces camps devraient lui remettre leurs armes. Mais l’opération n’est pas aussi simple que l’on pourrait le croire, car ces camps abritent des combattants de différentes factions palestiniennes, qui sont en conflit entre elles.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de fréquentes frictions ont lieu dans le camp de Aïn el-Héloué entre les combattants du Fateh et d’autres organisations dans la mouvance islamique, en particulier le Hamas.
Et c’est justement là que réside le véritable problème. Selon des sources libanaises qui suivent de près ce dossier, celui-ci n’aurait pas été soulevé s’il n’y avait pas actuellement une volonté internationale (et même dans certains cas arabe) de combattre le Hamas et d’éliminer cette organisation de la scène palestinienne au profit de l’Autorité palestinienne. En effet, au cours des dernières années, le Fateh, qui fait partie de l’Autorité palestinienne et qui traditionnellement était l’organisation la plus influente dans les camps du Liban, a vu son influence décliner considérablement au profit du Hamas. D’ailleurs quelques semaines avant le Déluge d’al-Aqsa, le 7 octobre 2023, des affrontements avaient eu lieu à Aïn el Héloué, en même temps qu’une visite-éclair du chef des renseignements du Fateh, le général Majed Faraj, dans le camp. Les affrontements s’étaient soldés par un compromis en faveur du Hamas, devenu officiellement l’organisation la plus influente dans le camp.
Comme par hasard, le général Faraj a aussi effectué une rapide visite au Liban, il y a une dizaine de jours. Elle n’a pas été médiatisée, mais des sources palestiniennes officielles précisent qu’elle a porté sur les possibilités de désarmement des camps au Liban. Il s’agirait en quelque sorte d’un prélude à l’opération de désarmement qui devrait être sérieusement discutée entre les autorités libanaises et le président Mahmoud Abbas.
La question qui se pose toutefois est la suivante : qui va se charger concrètement du désarmement, sachant qu’en principe l’armée libanaise ainsi que les forces de l’ordre n’ont pas le droit d’entrer et d’agir dans les camps ? Théoriquement, ce serait aux organisations palestiniennes elles-mêmes de remettre spontanément leurs armes aux autorités libanaises. D’autant qu’il y a en principe une force commune qui est chargée de la sécurité des camps. Mais si le Hamas refuse de remettre ses armes, par crainte d’être ensuite pris pour cible, les camps pourraient connaître une nouvelle vague de confrontations internes. De plus, la dernière déclaration de Mahmoud Abbas dans laquelle il demande de façon violente, voire insultante, au Hamas de déposer les armes n’est pas de nature à rassurer les combattants de cette formation installés dans les camps. Tout comme d’ailleurs les rumeurs sur le fait que l’armée aurait arrêté des Palestiniens dans la mouvance du Hamas dans le cadre de l’enquête sur le lancement de missiles sur Israël à partir du sud du Liban.
Pour l’instant, les représentants du Hamas refusent d’évoquer cette question, assurant que le sujet n’a pas encore été ouvertement discuté avec les autorités libanaises, mais un certain malaise commence à être perceptible. Selon des sources proches de cette organisation, le lien serait clair entre la soudaine décision de désarmer les camps et la lutte contre le Hamas à Gaza, mais aussi en Jordanie et dans certains États arabes. Selon ces mêmes sources, au lieu de déclarer la guerre aux Israéliens, c’est le Hamas qui est pourchassé. Et comme le Fateh est très affaibli dans les camps palestiniens du Liban, le projet serait donc de pousser l’armée libanaise à faire le travail, pour placer ensuite « les camps pacifiés » sous l’autorité de cette organisation qui a ouvertement renoncé à toute idée de « résistance ».
Dans ce scénario, la confrontation entre l’armée libanaise et le Hamas serait un prélude au désarmement du Hezbollah, lequel deviendrait tout à fait légitime. Mais, au final, toutes ces démarches serviraient uniquement les intérêts de l’Autorité palestinienne, actuellement discréditée dans les milieux palestiniens eux-mêmes. Les sources proches du Hamas se veulent toutefois rassurantes. Elles affirment que cette organisation rejette totalement toute idée de confrontation avec l’armée, mais elles appellent toutefois les autorités libanaises à être vigilantes et éviter d’être instrumentalisées dans les conflits interpalestiniens.
Excellente analyse de ce sujet à problèmes. Un peuple divisé en factions rivales qui se font la guerre entre eux, n’a aucune chance de récupérer un mètre de son territoire occupé. Mahmoud Abbas a d’ailleurs vendu la cause à très bon marché et les palestiniens du Liban resteront au Liban.
10 h 11, le 29 avril 2025