Le ministre des Finances Yassine Jaber et le directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient Jean-Christophe Carret, mercredi au siège de la Banque mondiale à Washington. Photo ANI
Le Parlement libanais a rendu un précieux service à la délégation dépêchée à Washington pour discuter avec le Fonds monétaire international (FMI), en adoptant une version amendée de la loi sur le secret bancaire, conforme aux attentes des partenaires internationaux du Liban.
« Il était important pour nous que cette loi soit adoptée. Nous avons ainsi pu fournir une preuve au FMI que nous sommes sérieux quant au lancement des réformes », a déclaré jeudi à L’Orient-Le Jour le ministre de l’Économie et du Commerce, Amer Bsat. « C’est un accomplissement », s'est il aussi réjoui. « Ça a sauvé la semaine », renchérit une source qui a suivi les négociations sur place.
Le ministre n 'a pas été contredit par le FMI. « Les amendements à la loi sur le secret bancaire adoptés par le Parlement constituent une réforme importante, conforme aux meilleures pratiques internationales, et permettront le lancement des audits bancaires », nous a affirmé le représentant du FMI au Liban, Frederico Lima. « Nous nous réjouissons de pouvoir accompagner les autorités libanaises dans la mise en œuvre de leur programme de réformes, notamment en ce qui concerne la loi sur le cadre de résolution bancaire récemment approuvée par le Conseil des ministres et actuellement en attente d’adoption par le Parlement », a ajouté le cadre du FMI, qui a également participé aux réunions à Washington.
Même l’émissaire américaine Morgan Ortagus y est allée de son petit mot, relayé par l’ambassade des États-Unis au Liban : « Nous saluons le vote de la loi sur le secret bancaire et soutenons les réformes économiques supplémentaires, urgemment nécessaires, dans le secteur bancaire et financier. »
À la veille du cinquième et dernier jour des réunions de printemps organisées chaque année par le FMI et la Banque mondiale, l’ambiance est « très positive », affirme encore le ministre. « Le Fonds monétaire a apprécié de voir que nous nous sommes exprimés d’une seule voix, que nous sommes réalistes, que nous avons un programme, et surtout que nous avons commencé le travail. »
En crise depuis 2019, le Liban a relancé pendant l'hiver les négociations avec le FMI, sous l’impulsion du gouvernement de Nawaf Salam formé en février, et dans le sillage de l’élection de Joseph Aoun à la présidence en janvier. Depuis, le FMI a dépêché à deux reprises ses experts à Beyrouth, menés par le chef de mission pour le Liban, Ernesto Ramirez Rigo, avant que la partie libanaise n’envoie à son tour sa délégation à Washington, avec l’objectif de convaincre et de tourner la page sur cinq années de procrastination.
Les efforts ont fini par payer
Arrivée le week-end dernier, la délégation, conduite par le ministre des Finances Yassine Jaber – seule voix officielle à s’être exprimée ces derniers jours – a enchaîné les réunions avec les responsables des deux institutions de Bretton Woods, dont plusieurs rendez-vous avec les experts de la mission pour le Liban. Mercredi, l’ambiance n’était pourtant pas au beau fixe, malgré les déclarations du ministre mettant en avant les points positifs de la rencontre. En coulisses, le consensus dominant était que si la loi sur le secret bancaire, que le Parlement s’apprêtait à voter le lendemain, reprenait bien les amendements introduits la semaine précédente par les commissions mixtes pour notamment limiter les prérogatives des auditeurs, le FMI ne jugerait pas nécessaire d'aller plus loin.
« La table ronde prévue vendredi après-midi sur le financement de la relance et de la reconstruction du Liban, dans le cadre du projet d’aide d’urgence pour le Liban (LEAP), réunissant la délégation libanaise et le Groupe de la Banque mondiale, n’aurait alors pas servi à grand-chose », insiste la source contactée. « Cela aurait détruit toute la dynamique que la délégation et le gouvernement avaient enclenchée depuis la reprise des contacts avec le FMI. La crédibilité personnelle des membres de la délégation, mais aussi celle des institutions libanaises, était en jeu. Personne n’était prêt à encaisser un tel revers », ajoute-t-on. Le ministre confirme que la réunion de vendredi est très importante.
« Le Premier ministre et le ministre des Finances ont passé la nuit au téléphone pour expliquer à tous les groupes parlementaires qu’il était impératif de s’aligner sur les exigences du FMI concernant la loi sur le secret bancaire, compte tenu de ses conséquences dramatiques potentielles sur les financements attendus pour la reconstruction et sur la confiance des donateurs, qui commençait à revenir », confie encore cette source. Selon nos informations, certains députés étaient opposés aux exigences du FMI en ce qui concerne la loi. Le ministre de l'Économie n'a pas commenté ce point.
Ces efforts ont fini par payer. Au cours de la séance de jeudi, les parlementaires ont finalement adopté une version amendée de la loi sur le secret bancaire, bien plus compatible avec la vision du Fonds d’une législation alignée sur les standards internationaux en matière de transparence financière. « Après le passage de la loi, le soulagement était perceptible au sein des équipes du FMI », note-t-on encore de même source. Mais aussi réjouissante soit-elle, il ne s'agit cependant que d'une petite victoire. « La prochaine étape est la loi de résolution bancaire que le Parlement devra voter. Cela prendra du temps. »
Prêt pour l'électricité
« Nous devons être réalistes, les dossiers sont nombreux et complexes. Ils nécessitent du temps et de la délicatesse. Mais nous sommes engagés à poursuivre le travail », a commenté le ministre sans s'engager sur un calendrier pour un nouvel accord préliminaire, qui rapprocherait un peu plus le Liban d'un programme du FMI. « Il faut saluer le travail de ceux qui nous ont précédés, notamment l'ancien vice-président du Conseil des ministres Saadé Chami (dans le gouvernement de Nagib Mikati) », a-t-il ajouté.
Il indique aussi qu’en dehors des négociations avec le Fonds monétaire, la délégation a pu avancer sur beaucoup d'autres dossiers, dont l'accord signé mercredi avec la Banque mondiale portant sur un prêt de 250 millions de dollars destiné à soutenir la réforme du secteur de l’électricité au Liban. « Il s’agit du tout premier prêt de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD, affiliée à la Banque mondiale) destiné au secteur de l’électricité au Liban, après des décennies d’appui technique et analytique », a précisé le ministre, cité dans un communiqué de son bureau de presse le jour même. Ce prêt, qui doit être approuvé par le Parlement, servira à réhabiliter le réseau électrique.
Parmi les autres rendez-vous clés, le ministre des Finances Yassine Jaber, celui de l’Économie Amer Bsat, ainsi que le gouverneur de la Banque du Liban Karim Souhaid se sont rendus jeudi au département d’État et au département américain du Trésor. « Ces réunions ont aussi été positives », a simplement indiqué le ministère sans rien divulguer sur leur contenu.
Merci de nous dire quelles sont les lois qui ont été appliquées au Liban et qui pouvaient être susceptibles de léser les politiciens corrompus, qui forment la majorité depuis des décennies.
16 h 53, le 27 avril 2025