
La place de l’Étoile, dans le centre-ville de Beyrouth, où se situent le Parlement et le Grand Sérail. Photo d'illustration P.H.B.
Le Liban a connu des développements politiques significatifs et prometteurs au cours des premiers mois de 2025, et « pourrait être sur le point d’obtenir une aide et un soutien internationaux si l’opportunité historique qui se présente est saisie de manière appropriée par les décideurs libanais », note Bank Audi dans son dernier rapport économique trimestriel. « L’élection du nouveau président en janvier 2025 et la formation d’un nouveau gouvernement en février 2025 représentent des facteurs positifs pour le sentiment des investisseurs et contribuent à stimuler l’activité économique », peut-on encore y lire.
Alors qu’une vague d’optimisme règne parmi les auteurs, ceux-ci insistent néanmoins sur la nécessité pour le gouvernement de s’attaquer à des défis économiques majeurs, à savoir : la croissance et la création d’emplois, les ajustements des finances publiques et la restructuration tant attendue du secteur bancaire, entre autres.
Les chiffres-clés marquant la première partie de l’année sont mis en avant, démontrant un changement par rapport aux perspectives sombres du Liban en 2024, année durant laquelle le pays en crise a également subi une guerre d’un an entre le Hezbollah et Israël.
Réserves en devises reconstituées
Bank Audi a rapporté une augmentation des réserves de change de la Banque du Liban (BDL), contrebalançant les diminutions enregistrées pendant la guerre – notamment pour financer les hausses de retraits mensuels autorisées par les circulaires 158 et 166. « Le premier trimestre 2025 a été marqué par une augmentation notable de la demande de livres libanaises et une stabilité monétaire soutenue. » La BDL a pu porter ses réserves de change à 11 milliards de dollars à la mi-avril, contre 10,1 milliards à la fin de 2024, atteignant ainsi leur plus haut niveau depuis juillet 2023. La flambée mondiale de l’or a également permis d’augmenter la valeur des réserves d’or de la BDL (9,2 millions d’onces), passant de 24,1 milliards de dollars à 29,7 milliards de dollars à la mi-avril.
La liquidité des banques libanaises à l’étranger aurait également augmenté de 350 millions de dollars au cours des deux premiers mois de 2024, atteignant 5 milliards de dollars en février, contre 4,6 milliards en décembre 2024. Cela peut être attribué à « l’augmentation significative des dépôts frais des clients dans un contexte d’évolutions positives aux niveaux politico-économiques. »
Cependant, le secteur – qui fonctionne depuis plus de cinq ans avec des institutions « zombies », bloquant illégalement l’accès des déposants à leurs fonds – continue de subir des pertes, les fonds propres des banques ayant diminué de 187 millions de dollars au cours des deux premiers mois de 2025, atteignant 4,6 milliards en février.
Les eurobonds libanais, en revanche, ont connu une embellie dans un contexte d’espoir renouvelé dans le pays, après l’élection du président Joseph Aoun et du Premier ministre Nawaf Salam. Ces titres de dette souveraine s’échangeaient à 16 cents pour un dollar fin mars, contre 12,75 cents fin décembre 2024.
Sur le second semestre, leur valeur a toutefois connu le plus fort de leur hausse au dernier trimestre de 2024, bondissant de 113 % entre septembre et décembre, alors qu’en plein conflit entre Israël et le Hezbollah, les investisseurs pariaient sur une amélioration du climat économique et des affaires liée à l’affaiblissement de ce dernier.
Au niveau immobilier, les permis de construire délivrés par l’ordre des ingénieurs et architectes de Beyrouth ont enregistré une légère hausse de 1,3 % en glissement annuel en janvier 2025 – hausse exclusivement portée par une augmentation des permis principalement concentrée dans le Mont-Liban.
Le secteur tertiaire a également commencé à se redresser avec une reprise de l’activité au premier trimestre 2025 – après un important coup d’arrêt en 2024 – notamment grâce à de grands événements « tels que la saison touristique de l’Aïd el-Fitr, les efforts renouvelés du secteur privé », et le retour progressif de la diaspora dans le pays.
Le PIB pourrait retrouver son niveau d’avant-crise d’ici à cinq ans
Le produit intérieur brut (PIB) du Liban pourrait retrouver son niveau d’avant-crise dans environ cinq ans, à condition qu’un environnement politique favorable et des réformes structurelles soient mis en œuvre, poursuivent les chercheurs de Bank Audi.
Dans un scénario positif, le PIB réel pourrait dépasser les 8 %, si le cessez-le-feu est maintenu, si des efforts de reconstruction sont lancés, si les réformes sont entreprises et si un accord est conclu avec le Fonds monétaire international (FMI).
Un scénario plus pessimiste suppose le maintien du statu quo et prévoit une baisse du PIB réel d’environ 2 %. Le PIB réel du pays a été réduit de 38 % depuis l’éclatement de la crise en 2019 et les espoirs de croissance ont été interrompus par la guerre qui a sévi dans plusieurs régions du pays.
« Le Liban doit augmenter le ratio investissement privé/PIB de 2,5 % du PIB par an », lit-on dans la note, prévoyant que la croissance des investissements « renforcerait la composante emploi de la croissance, qui exige la création d’opportunités de travail pour plus de 30 000 Libanais rejoignant chaque année le marché du travail ». Le taux de chômage dépasse les 30 % dans un Liban en crise.
« Le modèle d’un déficit commercial structurel élevé financé par d’importants flux financiers n’est pas viable », rappelle le rapport, qui appelle le pays à réduire ses importations – dont il a historiquement fortement dépendu – et à développer ses exportations. Conclure un accord avec le FMI est impératif pour débloquer l’aide financière internationale nécessaire, notent encore les auteurs du rapport.
Des ajustements fiscaux sont également nécessaires : améliorer la mobilisation des ressources de l’État, réduire les pertes fiscales dues à l’évasion ou réformer le secteur de l’électricité figurent parmi les mesures à prendre au sérieux, selon le rapport. « Les recettes publiques totales représentent moins de 15 % du PIB au Liban, contre 26 % dans les marchés émergents et 40 % dans les pays développés. »
« Le besoin de restaurer la confiance impose aux autorités politiques le défi impératif de préserver le cessez-le-feu, de combler rapidement les vides institutionnels, de rétablir le rôle cohésif de l’État et de l’armée, de s’accorder sur des réponses et solutions aux questions en suspens, et d’envoyer les bons signaux à la communauté des affaires », insiste le rapport.