
Les drapeaux du Liban et de l'armée libanaise flottant devant le siège du Parlement à Beyrouth, le 24 avril 2025. Mohammad Yassine/L'Orient-Le Jour
Les députés libanais ont approuvé, jeudi, un projet de loi apportant des amendements à la législation sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.
L'autre sujet important, et polémique, qui se trouvait à l'ordre du jour des députés, à savoir les élections municipales et notamment la question de la parité à Beyrouth, a par ailleurs été mis de côté par le chef du Parlement Nabih Berry, qui a toutefois assuré que le scrutin se déroulera « sans report ». Au début de la séance, qui a été levée peu avant 15h et devrait reprendre à 18h, M. Berry avait pourtant affirmé que « la session ne sera pas levée avant que la question de la municipalité de Beyrouth ne soit discutée ».
Le vote du projet de loi sur la levée du secret bancaire était très attendu, notamment par le FMI, à qui le Liban a récemment renouvelé sa demande de souscrire à un programme d’assistance financière conditionné à la mise en œuvre de réformes. En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.
« Un pilier essentiel de tout plan de redressement »
Le Premier ministre Nawaf Salam a commenté l’approbation de la loi par le Parlement, affirmant qu’il s’agit d’une « étape nécessaire vers la réforme financière souhaitée, à laquelle notre gouvernement s’est engagé », et d’un « pilier essentiel de tout plan de redressement ». « Cette loi ouvre aussi une nouvelle page dans la lutte contre l’évasion fiscale, la corruption et le blanchiment d’argent », a-t-il ajouté. Il a précisé que « si la loi sur le secret bancaire avait un sens dans les années 1950 pour attirer les capitaux vers le Liban, elle a aujourd’hui perdu toute pertinence, après avoir été exploitée de manière à ternir l’image du pays ». « Sa révision est désormais une clé fondamentale pour faire éclater la vérité, établir les responsabilités avec transparence, sanctionner les fautifs, et ainsi contribuer à rendre justice aux déposants et à rétablir la confiance des citoyens et de la communauté internationale », a-t-il conclu. En soirée, la présidence libanaise a annoncé sur son compte X que le président Joseph Aoun a signé la loi sur le secret bancaire.
Selon une source judiciaire suivant de près le dossier, les députés ont fait marche arrière sur des amendements qui avaient été approuvés en commission sur le rôle des auditeurs et évaluateurs indépendants, ce qui rend la loi plus conforme à ce que le FMI demande. Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent. Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent « les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations » sans fournir de raison particulière. Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.
Les députés ont par ailleurs adopté un projet de loi apportant des modifications à la loi sur le Code de la monnaie et du crédit, de sorte à permettre à la Banque du Liban (BDL) l'impression de billets de 500.000 LL et d'un million de livres libanaises. La Chambre a en outre reporté de deux semaines l'examen du projet de loi augmentant la contribution du Liban au FMI, à la demande du Premier ministre Nawaf Salam.
Report des discussions sur les municipales
Les députés ont par ailleurs discuté de la proposition de loi visant à modifier certaines dispositions liées à la municipalité de Beyrouth, présentée par les députés Ghassan Hasbani, Nicolas Sehnaoui, Nadim Gemayel, Fouad Makhzoumi, Fayçal Sayegh et Hagop Terzian. Selon la chaîne al-Jadeed, le Premier ministre a toutefois proposé de reporter la discussion des projets de loi relatifs aux élections municipales, affirmant qu'ils nécessitaient beaucoup de débats. Une requête à laquelle a répondu favorablement Nabih Berry qui, avant de lever la séance matinale, a annoncé le report de la discussion sur les lois relatives au scrutin qu'il a confiées à « une commission spécialisée ».
En réponse aux interventions des députés qui ont pris un caractère sectaire au sujet des municipales, Nabih Berry a estimé qu'elles étaient « inadmissibles ». « En tant que Chambre de députés nous devons tout absorber. Le député est un représentant de toute la nation et cela est stipulé dans la Constitution », a-t-il souligné, assurant une nouvelle fois qu'« il n'y aura pas de report des élections municipales ».
La question de la préservation de la parité islamo-chrétienne au sein du Conseil municipal à Beyrouth devait être débattue. Certains craignent que cette parité — qui n'est pas consacrée dans un texte de loi mais fait l'objet d'un consensus tacite — soit menacée à la suite du boycott du scrutin par l’ancien Premier ministre Saad Hariri et son parti le Courant du Futur, la principale force politique sunnite de Beyrouth.
M. Berry, qui avait rejeté tout amendement de la loi électorale encadrant le scrutin municipal visant à assurer cette parité, a dernièrement fait volte-face. Une position qui pourrait cacher des calculs électoraux du tandem chiite Amal-Hezbollah, soucieux de garantir sa représentation au sein du futur conseil municipal de la capitale afin de ne pas paraître comme étant affaibli, en plein rééquilibrage politique.
« Personne ne s'intéresse au Liban-Sud »
Parmi les autres lois figurant à l'ordre du jour, deux d'entre elles concernant le Sud, celle sur la reconstruction des bâtiments endommagés par les frappes israéliennes et la seconde sur les exemptions de paiements pour les factures d'eau et d'électricité dans les régions frontalières, ont perdu leur caractère de double urgence, ce qui fait qu'elles sont renvoyées devant les commissions. Une décision vivement critiquée par le député Kabalan Kabalan (Amal) qui a fustigé que « personne ne s'intéresse au Liban-Sud », ravagé par l'offensive israélienne. Lors de la séance, le chef du législatif avait affirmé que « même les maisons préfabriquées sont détruites par l'ennemi israélien ».
Au cours de sa séance de jeudi soir, les députés ont également approuvé l'amendement de la loi sur la caisse de retraite des enseignants du privé. Dans la loi initiale adoptée début avril, les établissements devaient verser 8 % du salaire des enseignants à ce fonds, un taux descendu à 6 %, selon le texte obtenu par L'Orient-Le Jour. Cette contribution sera en outre payée partiellement en dollar et en livres libanaises, en fonction de ce qui est versé aux professeurs. L'effet rétroactif de la loi a en outre été annulé et elle sera effective à partir d'octobre prochain. Par ailleurs, le texte ne concernera plus les contractuels, contrairement à la version précédente, les écoles estimant que les indemnités de fin de service des contractuels sont déjà versées dans les salaire actuels. Les écoles devront par contre se munir d'un quitus, dont l'annulation avait été réclamée par les écoles privées. Cette loi sera valide jusqu'à l'adoption d'une nouvelle grille salariale pour les enseignants.
A également été approuvée par la Chambre une proposition autorisant l'Université libanaise à organiser un concours pour pourvoir les postes vacants dans l'effectif administratif de ses différentes unités. Le Parlement a aussi avalisé une proposition de loi urgente visant à régulariser la situation des officiers des Forces de sécurité intérieure, ainsi que celle des officiers à la Direction générale de la Sûreté de l'État.
Le débat sur un texte interdisant les transferts monétaires aux Syriens par l'intermédiaire des banques au Liban, avancé par les députés Elie Abou Najm, Simon Abi Ramia, Elias Bou Saab et Alain Aoun, a été remis à plus tard. La proposition de loi visant à suspendre pendant six mois l’application de la loi sur les baux non résidentiels a perdu son caractère d’urgence et a été renvoyée aux commissions.
des lois, encore des lois toujours des lois ... qui va oser les appliquer, qui lui sera permis de les appliquer, LA QUESTION !
08 h 50, le 26 avril 2025