
Le président français Emmanuel Macron remettant la Légion d'honneur à l'ancien Premier ministre Nagib Mikati au palais de l’Élysée à Paris, le 16 avril 2025. Photo tirée X/@Najib_Mikati
Le Comité de Coordination libano-français (CCLF), qui comprend plusieurs ONG franco-libanaises, a dénoncé mercredi l'attribution de la Légion d'honneur à l'ancien Premier ministre libanais Nagib Mikati, lui reprochant de représenter « un système politique gangréné par la corruption ».
Le 17 avril dernier, le président français Emmanuel Macron a décoré M. Mikati au palais de l'Élysée. Il a salué un « homme d'État » et un « ami de la France » qui s'est distingué par ses actions pendant son dernier mandat qui a duré de septembre 2021 à février 2025 dans un pays en crise profonde depuis 2019. Une période notamment marquée par une vacance présidentielle qui a duré plus de deux ans et la guerre dévastatrice de treize mois entre le 8 octobre 2023 et le 27 novembre 2024 entre le Hezbollah et Israël.
Dans un communiqué, le CCLF a rappelé que la Légion d'honneur récompense « des personnalités dont l'engagement et les valeurs incarnent ces idéaux, et dont l'action honore ces principes », dénonçant le fait que Nagib Mikati ne remplisse pas ces critères. Ce comité comprend le Collectif libanais de France, Change Lebanon, Our new Lebanon, Civic influence hub, le Mouvement des citoyens du monde et le Forum des Libanais en Europe.
« Nagib Mikati a manqué du courage dont doit faire preuve un homme d'État durant la guerre de soutien à Gaza, au détriment de la souveraineté et de la neutralité du Liban », critique le texte. Le 8 octobre 2023, le Hezbollah avait ouvert le front du Liban-Sud contre Israël en tirant des obus en direction d'Israël en « solidarité » avec le Hamas, au lendemain de l'attaque de ce dernier et du début de l'offensive israélienne sanglante sur l'enclave palestinienne. Le comité lui reproche également d'incarner « un système politique gangrené par la corruption et qui a systématiquement saboté les réformes structurelles, judiciaires et financières indispensables au redressement du Liban, aggravant ainsi son effondrement politique, économique et social ». Le communiqué rappelle enfin que l'ex-Premier ministre est « visé par une plainte déposée devant la justice française, révélant des accusations sérieuses de corruption et de blanchiment d'argent ». Nagib Mikati fait l'objet d'une plainte en France le visant pour blanchiment aggravé sur fond d’accusations de biens mal acquis, déposée par le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban et l'association anti-corruption Sherpa. Des accusations que l'ancien chef du gouvernement a contestées.
« Dépasser les intérêts à court terme »
Le CCLF a enfin estimé que « la France brouille son image auprès du public franco-libanais en soutenant fortement ses liens d'amitié avec une personnalité si controversée ». « Comment les victimes de la crise libanaise, les familles ruinées, et une société à genoux otage d'un pouvoir politico-mafieux, peuvent-elles comprendre et admettre que la France honore M. Mikati ? », s'est-il interrogé. Le comité a enfin souligné que les relations franco-libanaises, « essentielles et précieuses, doivent impérativement dépasser les intérêts à court terme, pour s'ancrer dans nos valeurs de liberté, de justice et d'intégrité ».
La distinction décernée à Nagib Mikati a provoqué de nombreuses critiques au Liban. Michel Hélou, secrétaire général du Bloc national et ancien directeur général de L'Orient-Le Jour, avait entre autres estimé que M. Mikati « ne mérite pas la Légion d’honneur au moment même où il est visé par des plaintes, en France, pour détournements de fonds ».
L’octroi injustifié de la Légion d’honneur nuit gravement à la reconnaissance de l’excellence et affaiblit l’autorité morale de cette distinction. Et si ce n’était qu’un petit hochet pour les narcisses de ce monde?
16 h 22, le 27 avril 2025