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Technologies - Focus

L’IA dans le journalisme : un « assistant super intelligent » ou un concurrent potentiel ?

Soixante-deux journalistes de 52 pays se sont penchés sur cette question à l’occasion d’une conférence organisée à Séoul.

L’IA dans le journalisme : un « assistant super intelligent » ou un concurrent potentiel ?

Le président de l'Association des journalistes coréens (JAK), Park Jong-hyun, lors du discours d’ouverture de la Conférence mondiale des journalistes 2025, à Séoul. Photo avec l’aimable autorisation de la JAK

À l’heure où tous les pays tentent de se mettre au diapason du bouleversement qu’est l’intelligence artificielle – le Liban a nommé pour la première fois un ministre chargé de cette question –, son impact sur le métier de journaliste a été longuement abordé à l’occasion de la Conférence mondiale des journalistes 2025, un événement annuel organisé fin mars à Séoul par l’Association des journalistes de Corée (JAK). Soixante-deux journalistes se sont ainsi penchés sur cette question qui agite les consciences et les rédactions : l’IA est-elle une assistante hors du commun ou une potentielle concurrente qui pourrait balayer l’existence même de certains métiers, journalistes en tête ? Si les débats ont été animés, les conclusions des participants ont été relativement homogènes… et optimistes.

Un « assistant super intelligent »

« Nous ne devons pas avoir peur d’un outil », a ainsi déclaré Diana Fuentes, directrice exécutive d’une association américaine à but non lucratif consacrée à la formation de journalistes d’investigation, Investigative Reporters and Editors. Yin Cao, journaliste au China Daily, a, elle, qualifié l’IA d’« assistant super intelligent ».

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Tous les participants ont reconnu que les plateformes comme ChatGPT ou DeepSeek ont d’importants avantages dans les rédactions, qu’il s’agisse d’effectuer des traductions rapides, de transcrire des entretiens ou d’analyser de grands corpus de données. Egle Samoskaite, journaliste à la radio et télévision nationales lituaniennes, a toutefois noté que ses retranscriptions d’interviews sont souvent erronées, ce qui pourrait être dû au fait que l’IA n’est pas aussi bien formée dans d’autres langues qu’en anglais, les données étant moins nombreuses.

Si Hwang Seok-Ha, reporter au Busan Daily News, a par exemple démontré l’aide que lui a apporté l’IA pour analyser des statistiques de joueurs de baseball, un travail qui lui aurait sans aide pris de longues heures, Diana Fuentes a évoqué a contrario la nécessité qu’un journaliste doive parfois contacter à plusieurs reprises des entraîneurs qui auraient refusé de publier les statistiques de leurs équipes.

Gare aux hallucinations

Tous ont en outre insisté sur l’importance de vérifier les faits synthétisés ou analysés par les plateformes d’IA, afin de repérer les « hallucinations », des réponses contenant des informations erronées ou trompeuses. Ce fact-checking est essentiel, précise Hwang Seok-ha, pour « non seulement s’assurer de la précision des informations transmises, mais surtout pour garantir l’intégrité journalistique ».

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Un autre aspect sur lequel l’IA peut aider les journalistes est une discussion en amont sur les potentiels angles ou sujets à évoquer dans leurs articles, comme l’a évoqué Yin Cao. Mais cela est évidemment limité, a rétorqué Natalia Szewczak, journaliste pour la publication polonaise de Business Insider. Elle a illustré son propos par un article, basé sur sa propre expérience, sur la « loi absurde » encadrant les congés de maternité en Pologne dans le cas de naissances prématurées, qui réduisait le nombre de jours que peut prendre la mère d’enfants prématurés contrairement à la longueur d’un congé pour des bébés nés à terme, et qui a été le déclencheur d’une réforme législative dans le pays. « Une IA n’aurait pas remarqué l’absurdité de la loi », a-t-elle affirmé.

« ChatGPT ne va pas trouver des informations qui ont été mises de côté ou sciemment dissimulées, il ne peut pas rencontrer des sources, gagner leur confiance, poser des questions difficiles aux responsables politiques, et il n’aura pas l’empathie de parler avec des témoins après une catastrophe », a résumé Mme Szewczak.

Droits d’auteur et risques pour la démocratie

Les différents intervenants ont en outre évoqué les risques et défis de l’IA, à commencer par la question des droits d’auteur qui protègent normalement les sources et données utilisées par les plateformes. Se pose également la question de la lutte contre l’utilisation, à dessein, d’informations erronées, notamment dans le cadre de la propagande politique. Un piège mentionné par Gülsen Solaker, journaliste turque pour le Deutsche Wells, qui a rappelé la propagation de vidéos « hypertruquées » (Deepfake) et de désinformation lors de la dernière présidentielle en Turquie, reprises par les médias proches du pouvoir.

Ces risques de fake news rendues plus vraies que nature par les avancées technologiques de l’IA sont un défi pour le journalisme, mais également pour la démocratie, ont affirmé Mme Solaker, mais aussi le président de l’Assemblée nationale coréenne, Woo Won-shik, qui s’est exprimé à l’ouverture de la conférence. Et c’est pour cela qu’il faut que journalisme et démocratie « avancent ensemble », a prôné M. Woo, dans une Corée du Sud sous tension qui attendait encore les résultats de la procédure de destitution de l’ex-président Yoon.

Transparence et honnêteté intellectuelle

Une façon d’y parvenir c’est de garantir, selon les recommandations émises par les intervenants, un cadre d’utilisation clair, tout d’abord au sein de chaque rédaction, assurant le respect des droits d’auteur et la transparence, « vitale pour maintenir la confiance des lecteurs », a rappelé Diana Fuentes. La question doit également faire l’objet de législations précises et nuancées, qui ne sont pas encore suffisamment développées ni unifiées de par le monde.

C’est avec tous ces risques en tête, et en faisant preuve d’esprit critique et d’honnêteté intellectuelle que, comme l’espère Natalia Szewczak, le journalisme peut devenir, avec l’assistance de l’IA, du « super journalisme ».

À l’heure où tous les pays tentent de se mettre au diapason du bouleversement qu’est l’intelligence artificielle – le Liban a nommé pour la première fois un ministre chargé de cette question –, son impact sur le métier de journaliste a été longuement abordé à l’occasion de la Conférence mondiale des journalistes 2025, un événement annuel organisé fin mars à Séoul par l’Association des journalistes de Corée (JAK). Soixante-deux journalistes se sont ainsi penchés sur cette question qui agite les consciences et les rédactions : l’IA est-elle une assistante hors du commun ou une potentielle concurrente qui pourrait balayer l’existence même de certains métiers, journalistes en tête ? Si les débats ont été animés, les conclusions des participants ont été relativement homogènes… et optimistes.Un...
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