Le président de la République, Joseph Aoun, le ministre de la Justice, Adel Nassar, et le président du CSM, Souheil Abboud, lors de la prestation de serment du nouveau chef de l'Inspection judiciaire, Ayman Oueidate, le 8 avril 2025. Photo palais présidentiel
C’est par une intervention télévisée que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a annoncé mardi les décisions prises lors de sa réunion ouverte, tenue lundi et mardi, sous la présidence de Souheil Abboud, après la désignation de six des dix membres qui le composent légalement.
La démarche est inédite : pour la première fois, le compte-rendu d’une réunion est présenté par un magistrat rattaché au secrétariat du CSM, Rodny Daou, qui s’est exprimé en direct à la télévision, alors que l’organisme avait toujours eu recours à la presse écrite pour diffuser ses communiqués.
Cette initiative s’inscrit dans la volonté de rapprocher la justice des citoyens et de renforcer la transparence, souligne une source judiciaire, affirmant que d’autres mesures suivront, comme la réactivation du site web du CSM. Ces mesures étaient prévues depuis l’accession du juge Abboud à la tête du CSM, sous le mandat de Michel Aoun, mais elles n’avaient pu être exécutées en raison de nombreux blocages politico-judiciaires à l'époque. La même source ajoute que l’engagement du président de la République, Joseph Aoun, du chef du gouvernement, Nawaf Salam, et du ministre de la justice, Adel Nassar, à relancer la justice contribue désormais à rendre possibles des avancées. Dans le communiqué lu par le juge Daou, le président du CSM remercie d’ailleurs ces trois responsables « pour leur précieuse contribution à la promotion de l'indépendance du pouvoir judiciaire (…), après les obstacles et difficultés majeures qui l’ont affecté durant les dernières années ».
« Des critères objectifs comprenant l'intégrité, la compétence et l'ancienneté » ont été adoptés pour les nominations et permutations judiciaires décidées par le CSM, indique le communiqué. Souheil Abboud et les six autres membres, à savoir le vice-président du CSM, Jamal Hajjar, par ailleurs chef du parquet, le chef de l’Inspection judiciaire, Ayman Oueidate, et les juges Souheir Haraké, Nassib Elia, Mona Saleh et Nawal Saliba, ont désigné dans ce cadre les présidents des dix chambres de la Cour de cassation. Les noms de ces derniers n’ont pas été divulgués, n’ayant pas encore été approuvés par le ministre de la Justice, comme l’exige la loi. Selon nos informations, ces nominations ont été transmises à M. Nassar, qui ne les aurait pas encore examinées. Ayant, à maintes reprises, exprimé sa confiance dans le CSM, il devrait incessamment les entériner.
Exemple à suivre
Fait remarquable, le CSM a opéré une rotation communautaire au sein de la moitié des chambres de la Cour de cassation, précise une source judiciaire informée. Concrètement, la rotation signifie que l’affectation des présidents et membres des chambres ne repose plus sur une répartition communautaire figée, par laquelle une confession donnée accapare telle ou telle chambre. Parmi les dix chambres de cassation, figurent celles traitant des affaires pénales, foncières, financières, ou encore des questions liées aux référés, au statut personnel, aux loyers, à l’exécution des jugements, aux affaires prudhommales… indique la source précitée, qui ne précise pas quelles sont les chambres concernées par la rotation. En prenant ainsi l’initiative de bouleverser à 50 % les équilibres existants dans le cadre de la réforme de la justice, le CSM offre un exemple à suivre pour de futures nominations dans d’autres secteurs, commentent des magistrats.
Parmi les autres nominations dans le corps de la magistrature, celles de six premiers présidents des cours d’appel des six mohafazats, ainsi que d’une chambre d’accusation ad hoc pour les recours en appel de magistrats accusés de corruption, les enquêtes sur les faits qui leur sont reprochés étant confiées à un juge d’instruction également nommé à titre ad hoc. Aucun nom des magistrats n’a été dévoilé.
Autre point traité mardi, l’examen de deux demandes de grâce présidentielle portant sur des condamnations à la peine de mort. Dans de tels cas, le CSM doit établir un rapport, dans lequel il émet un avis qu’il adresse au chef de l’État, explique la source précitée.
Le Liban ne deviendra une vraie démocratie que lorsque la justice sera complètement indépendante du pouvoir exécutif , ce qui n’est pas le cas aujourd’hui où les politiques de tout bord interviennent auprès des juges pour protéger leur zouaves.
13 h 16, le 16 avril 2025