A gauche, l’ancien ministre de l’Économie Amine Salam (Anwar Amro/AFP). A droite, l’ancien ministre de l’Industrie, Georges Bouchikian (Ani)
Dans le tournant marqué par un engagement du nouveau pouvoir politique à lutter contre la corruption, le parquet de cassation semble examiner avec sérieux des soupçons de pratiques de pots-de-vin portés contre Georges Bouchikian et Amine Salam, respectivement anciens ministres de l’Industrie et de l’Économie. Suite à des demandes d’ouverture d’une information judiciaire, présentées l’une mercredi dernier par le rédacteur en chef du site d’informations Beirut Time, Riad Tawk, contre M. Bouchikian, et l’autre jeudi dernier par la commission parlementaire de l’Économie et de l’Industrie contre M. Salam, le procureur général près la Cour de cassation par intérim, Jamal Hajjar, a ainsi transmis, lundi, les deux dossiers au service des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), indique une source judiciaire à L’Orient-Le Jour. Ce département des FSI devrait entamer incessamment des investigations sous la supervision du juge Hajjar, en interrogeant les ministres concernés ainsi que les fonctionnaires ayant travaillé à leurs côtés, ajoute cette source.
Sur les soupçons de corruption au sein du ministère de l’Industrie, un rapport publié le mois dernier par Beirut Time avait évoqué « l’imposition de pots-de-vin à des industriels en échange d’octroi de licences leur permettant d’exercer leurs activités ». C’est sur base de ces révélations que le journaliste Riad Tawk a présenté sa demande d’ouverture d’une information judiciaire au juge Hajjar, lequel a chargé le service des renseignements des FSI de mener une enquête préliminaire. Ces mêmes informations médiatiques avaient également incité, il y a une vingtaine de jours, le nouveau ministre de l’Industrie, Joe Issa el-Khoury, à demander à l’Inspection centrale, présidée par le juge Georges Attié, de charger des équipes d’audit d’enquêter au sein du ministère en vue d’identifier les infractions et les employés qui y seraient impliqués.
L’enquête de l’Inspection centrale
L’Inspection centrale a déjà interrogé plusieurs fonctionnaires du ministère de l’Industrie, indique une source proche de l’IC, ajoutant que des propriétaires d’industries dont les noms sont liés à l’octroi de licences moyennant paiement seront entendus durant la semaine en cours. Selon cette source, certains industriels qui sollicitaient des autorisations pour exporter leurs produits, construire ou exploiter des usines, semblent en effet avoir surmonté leurs réticences fondées sur le fait qu’un corrupteur est passible de sanctions, tout autant qu’un corrompu. Après les auditions, le conseil de l’Inspection centrale pourrait imposer des sanctions disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires suspects. L’instance devrait, au plus tard la semaine prochaine, remettre les résultats de son enquête au parquet de cassation, qui détient le pouvoir d’engager des poursuites pénales.
En parallèle, la commission parlementaire de l’Économie et de l’Industrie a tenu récemment des séances au cours desquelles elle a entendu plusieurs parties, en présence de M. Issa el-Khoury. « Nous poursuivons l’examen des faits », indique à L’OLJ le président de la commission, Farid Boustany. Une mission délicate, d’autant que le ministre Bouchikian est également député et donc un confrère des membres de la commission, note un parlementaire.
Quant à l’ancien ministre de l’Économie Amine Salam, le procureur Hajjar l’avait frappé, le 20 mars, d’une interdiction de voyager, suite à une demande d’ouverture d’une information judiciaire formulée un peu plus tôt par la commission de l’Économie. Cette interdiction touche également le frère du ministre, Karim Salam, ainsi que son conseiller Fadi Tamim, et un auditeur financier, Élie Abboud, accusés notamment par la commission d’« extorsion de fonds et gaspillage de l’argent public ». Ce dossier serait en partie lié à une affaire d’abus de pouvoir et de fonds extorqués à des compagnies d’assurances, qu’examine le parquet financier depuis 2023. M. Tamim avait alors été déféré au juge pénal de Beyrouth, qui avait ordonné son arrestation. Quant à Karim Salam, ses comptes sont actuellement gelés à la demande du procureur financier, Ali Ibrahim, lequel attend leur analyse, que préparerait la Commission spéciale d’investigation au sein de la Banque du Liban.
L’OLJ a tenté sans succès de prendre contact avec MM. Bouchikian et Salam. Ce dernier avait tenu samedi une conférence de presse dans laquelle il réfutait toutes les accusations portées contre lui.
La question de l’immunité des deux anciens ministres pourrait être soulevée s’ils sont poursuivis, et non lorsqu’ils seront entendus en tant que témoins. Pour M. Bouchikian, il s’agit de l’immunité parlementaire, et pour M. Salam, de l’immunité d’avocat. Selon nos informations, ce dernier avait demandé, le 21 février, sa radiation du barreau de Beyrouth, avant de solliciter, quelques jours plus tard, son inscription au barreau de Tripoli, qui l’a admis début mars. Les démarches de M. Salam ont suscité la polémique, certains observateurs le soupçonnant de tenter d’éviter une autorisation de poursuites qui pourrait être accordée à la justice. Dans les milieux proches du barreau de Tripoli, on assure cependant que le bâtonnier Sami el-Hassan « se conforme à la loi, ne protégeant aucun membre lorsque les actes reprochés sont soupçonnés d’avoir été commis hors du cadre de l’exercice des fonctions d’avocat ». Si les faits concernent la fonction de ministre, le conseil de l’ordre accorderait l’autorisation de poursuites, affirme cette source.
Ce Salam, fanfaronnait beaucoup, entouré de ses garde du corps...je suis presque certain qu'il est mouillé...il se la jouait trop . Le pouvoir ne va pas à tout le monde...
10 h 45, le 25 mars 2025