Force est de le reconnaître, les barons de la République ont bien bossé sur les nominations. Deux Conseils des ministres à une semaine d’intervalle… Faut le faire ! Le châtelain de Baabda devrait sans doute songer à les augmenter. Arc-boutés sur leurs appendices communautaires, les ministres sont plongés dans une arithmétique épicière, comptant et recomptant des fonctionnaires ayant usé leur mental et leur futal dans leur carrière, mais aujourd’hui réduits à l’état de croix et de croissants. Comme le Premier ministre sera peut-être amené à les nourrir une dizaine de fois à sa table pour aplanir les couacs, il pourra très facilement amortir son cuisinier.
Certes, il a fallu mettre en commun les neurones disponibles, chauffer jusqu’à la fusion, puis agiter la bonbonnière avec force 8 sur l’échelle de Richter. Les ministres ont fini par dégorger une procédure, qu’ils se chargeront de mettre en musique dans un peu moins de pas longtemps.
Ainsi, on nous jure que les nouveaux cobayes qui seront choisis pour pantoufler dans les ministères ne seront pas assaisonnés sur base de la formule magique « un copain, un coquin ». Ils sauront lire, écrire, se laver, et seront par-dessus tout dotés d’une moralité nickel. Mais comme il se doit en ce siècle des technologies numériques avancées et malgré toutes les dénégations outrées, chacun continuera de brouter peu ou prou auprès de sa communauté.
De fait, Tonton Nawaf pense avoir les coudées franches pour torcher tranquille ces écuries qui nous servent de fonction publique. « L’homme qu’il faut à la place qu’il faut », a-t-il annoncé en se retenant de pouffer. Lui au moins a eu la délicatesse de ne pas ajouter : «… avec le pedigree communautaire qu’il faut ». Mais il aura beau vouloir manier le clystère avec doigté, associer Istiz-Nabeuh-le-Nabab à la manip, il trouvera toujours sur son chemin un Basileus teigneux pour venir lui merdoyer le purgatoire. Dur, dur, l’apprentissage du métier de Premier ministre.
Sauf qu’il y a un aspect de la tambouille qui ne semble pas titiller nos chevaliers de la table rectangulaire. Une fois les nouveaux patrons en place, faudrait peut-être penser à récurer la raclure d’en dessous. Car à quoi servirait un gouverneur, un directeur général, un juge, tous bardés de diplômes, s’ils doivent se retrouver face à la noria des glandus, la mauvaise graisse des inutiles, la truellée des ripoux, saupoudrés à travers des institutions qu’ils enrichissent de leur savoir-braire ?
Des traîne-lattes qu’on ne peut même pas virer en raison d’obscures considérations tribalo-confessionnelles, aux antipodes du siècle des Lumières.
Le tout est de savoir maintenant quelle mise en scène on va nous monter pour faire passer la pilule. Comment les ministres vont virer écolo sans le savoir en triant soigneusement les vide-ordures publics qui recueillent le trop-plein de fonctionnaires feignasses que nous payons avec nos impôts. Sans oublier les bêcheurs et autres rabat-joie, qui viendront jouer les experts judiciaires en pinaillant sur des points de détail débiles dont personne n’a rien à battre.
Sinon, il ne restera plus qu’à plaindre les nouveaux désignés. Ils auront sans doute l’air intelligent. Mais dans un tel milieu, c’est une promesse qu’ils ne pourront jamais tenir.
gabynasr@lorientlejour.com
Je ne remercie pas le modérateur (trice) d’avoir censuré mon commentaire.
18 h 59, le 21 mars 2025