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Le Liban n’a pas besoin d’un nouveau Riad Salamé

Plus de cinq ans après le début de la crise, il est temps de réfléchir autrement. Parce que la question du Hezbollah qui surplombait et faussait le débat sur la restructuration du système bancaire n’est plus aussi prégnante. Et surtout parce que le lobby bancaire a beau avoir bloqué toutes les réformes réclamées par le FMI et favorisé un haircut de facto sur les dépôts toujours bloqués, cela ne l’a pas empêché de gagner la bataille de l’opinion. Il faut l’admettre : le camp réformateur a échoué. Il est même accusé – comble de l’ironie – d’être responsable de la crise. La grande majorité de la population mais aussi des déposants avait pourtant intérêt à ce qu’il réussisse. Mais soit cela a été mal expliqué, soit cela a été mal compris. Peu importe désormais, il faut changer de méthode.

Il n’y aura pas de restructuration du système bancaire sans un accord avec les banques. Elles disposent de relais puissants au sein de l’Assemblée, au-delà des clivages traditionnels, et dans la sphère médiatique. Et elles ont montré ces cinq dernières années l’étendue de leur pouvoir de nuisance pour ne pas payer la facture et ne pas disparaître.

La « nouvelle ère » a toutefois besoin d’un redémarrage de l’économie. Et celui-ci a besoin pour se faire d’un retour de la confiance dans le système bancaire libanais. Il faudra donc être pragmatique. Accepter de se battre non plus pour la solution la plus juste sur le plan éthique, mais pour celle qui, sans renier ces principes, est la plus réaliste.

L’État devra participer au remboursement des dépôts. À quelle hauteur ? Selon quelles conditions et modalités ? Qu’est-ce que cela implique pour le futur de l’économie libanaise ? Voilà les questions qui doivent être mises sur la table aujourd’hui. Cela devrait faire l’objet d’un débat public qui prenne en compte la position de l’État, celle des banques et celle des déposants.

Pour que ce débat ait lieu et soit à la hauteur de l’enjeu, deux conditions sont toutefois requises. La première est que cesse immédiatement la campagne diffamatoire menée contre le camp réformateur. Il est tout à fait normal que le lobby bancaire défende sa position. On ne peut lui dire d’un côté que la restructuration va le saigner à blanc, voire le faire disparaître, et s’attendre de l’autre à ce qu’il tende l’autre joue. Mais les méthodes employées via ses relais médiatiques pour décrédibiliser l’image de certains ministres du gouvernement Salam ou de l’ONG Kulluna Irada sont absolument répugnantes et dignes, par bien des aspects, de celles utilisées par le passé par le Hezbollah et ses alliés. Impossible de négocier, et encore moins de trouver un compromis, face à de tels comportements mafieux.

La seconde est qu’il y ait un minimum de consensus sur les faits. Un : la crise n’a pas été provoquée par le défaut. Deux : les banques ont une grande part de responsabilité dans son déclenchement et son règlement. Elles ne peuvent pas amasser des milliards quand le casino tourne à gogo et refuser de payer le moindre sou quand il fait faillite. Trois : tous les déposants ne peuvent pas être logés à la même enseigne. Il faut d’abord protéger ceux qui ont le moins et ceux qui ont le moins profité du système. Quatre : on ne peut pas dépecer l’État, encore moins au moment où l’on proclame son retour, pour rembourser les déposants. Cinq : il n’y aura ni relance économique ni aides internationales conséquentes sans accord avec le FMI. Là aussi, impossible de négocier, et encore moins de trouver un compromis, si l’autre partie refuse religieusement de sortir du déni.

Nous vivons un moment-clé. Le tandem Joseph Aoun-Nawaf Salam peut enfin régler cette crise et remettre le Liban sur les rails. Il dispose de la confiance de l’opinion publique et de la communauté internationale. Cela suppose toutefois qu’il fasse front commun tout au long de la bataille et demeure au-dessus des partis et des intérêts. Le premier test est déjà l’un des plus importants : la nomination du futur gouverneur de la banque centrale. Ce dernier est amené à jouer un rôle-clé dans la restructuration du système bancaire, mais devra aussi redéfinir la politique monétaire du pays et le faire sortir de la « cash economy ». Un poste stratégique qui intéresse évidemment de près les nouveaux tuteurs du Liban, États-Unis et Arabie saoudite en tête.

De quoi avons-nous besoin ? Pour faire court : de tout sauf d’un nouveau Riad Salamé. De tout sauf d’un « broker » ayant des liens avec le monde politique et financier, et considérant que la mission principale de son « job » est de faire de l’argent. Cette logique nous a conduits dans le mur. Il serait suicidaire de la reproduire et d’en attendre d’autres effets.

Le futur gouverneur doit être nommé par le biais d’un processus exigeant et transparent en fonction de critères préalablement définis. Sa probité ; ses compétences ; son projet. Il doit être en capacité de dialoguer avec les banques et les partis politiques en toute indépendance.

La « nouvelle ère » doit être à la hauteur de ses promesses. Dans le cas contraire, même avec un Hezbollah affaibli, le Liban restera un État failli.

Plus de cinq ans après le début de la crise, il est temps de réfléchir autrement. Parce que la question du Hezbollah qui surplombait et faussait le débat sur la restructuration du système bancaire n’est plus aussi prégnante. Et surtout parce que le lobby bancaire a beau avoir bloqué toutes les réformes réclamées par le FMI et favorisé un haircut de facto sur les dépôts toujours bloqués, cela ne l’a pas empêché de gagner la bataille de l’opinion. Il faut l’admettre : le camp réformateur a échoué. Il est même accusé – comble de l’ironie – d’être responsable de la crise. La grande majorité de la population mais aussi des déposants avait pourtant intérêt à ce qu’il réussisse. Mais soit cela a été mal expliqué, soit cela a été mal compris. Peu importe désormais, il faut changer de...
commentaires (17)

LE PRESIDENT AOUN ET LE P.M. SALAM. TOUT L,AMALGAME QUI RESTE DU : KELLON YE3NE KELLON. METTEZ-Y LA MAIN ET NETTOYEZ EN PROFONDEUR.

LA LIBRE EXPRESSION.

10 h 12, le 18 mars 2025

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Commentaires (17)

  • LE PRESIDENT AOUN ET LE P.M. SALAM. TOUT L,AMALGAME QUI RESTE DU : KELLON YE3NE KELLON. METTEZ-Y LA MAIN ET NETTOYEZ EN PROFONDEUR.

    LA LIBRE EXPRESSION.

    10 h 12, le 18 mars 2025

  • Très bon édito monsieur Samrani, tout est dit. Dommage que le lobby bancaire utilise encore le levier la désinformation au lieu de faire un vrai état des lieux et prendre à son compte certaines pertes et répartir équitablement les avoirs qui ont été détournés et mis à l'abri pour leur profit personnel. Il faut redémarrer la machine du système bancaire pour donner un avenir à ce pays. La vision court-termiste des banquiers, de politiciens et quelques libanais qui veulent le profit immédiat est un frein certain au développement du Liban. Laissons la nouvelle équipe travailler!!

    BUSTROS Hala

    22 h 54, le 17 mars 2025

  • Ne faiblissez-pas ! Réveillez ce peuple endormi par 40 ans de morphine avalée par doses mortelles, généreusement infusées par ce qu'on appelle "le système" ! Mesdames et Messieurs de ce gouvernement qui se veut réformateur, ne vous laissez pas intimider par les mafieux à qui vous faites peur.

    What a Guy !

    19 h 14, le 17 mars 2025

  • Bravo M. Samrani, vous êtes l'honneur de ce journal et sa conscience !

    What a Guy !

    19 h 10, le 17 mars 2025

  • La méfiance règnera tant qu’on aura pas démystifier entièrement ce qui s’est produit ces dernières années par des audits pointus et ramener les transferts bancaires effectués par les banques dans le but de planquer notre argent et non pas le leur. Ensuite, il faut se pencher sur tous les comptes bancaires des politiciens tels que Berri, Mikati , Joumblat et tous ceux qui se sont impliqués dans des montages crapuleux. Ils doivent rendre l’argent au peuple libanais . Quant aux Ponces Pilates nombreux qui savaient et qui n’ont pas prévenu les libanais à temps,, ceux là mêmes sont à blâmer.

    Wow

    14 h 09, le 17 mars 2025

  • assez tergiverser : le deposant a tous les droits, les banques aucun . le deposant a prete des sous , les banques sont obligees de les lui rendre. quand la banque me prete des sous, elle n'accepte aucune excuse,m'oblige a les rembourser compte non tenu des raisons qui m'empêchent de le faire. mois le deposant a les memes droits de rejeter les pretextes & autres excuses de la banque. POINT A LA LIGNE.

    L’acidulé

    10 h 46, le 17 mars 2025

  • Voilà ce qu’on attend des médias libanais, désormais libres. Ils doivent dénoncer en amont, tout ce qui va de travers et porter la voix des libanais qu’on a muselés, par la terreur, pendant des décennies afin d’empêcher de faire foirer les projets des fossoyeurs de notre république. Il ne faut plus se contenter de relater des faits mais participer à faire avorter toute tentative d’exécution de plans destructeurs misant sur le silence des libanais et de leurs représentants qui sont les médias, faute de politiciens vertueux.

    Sissi zayyat

    10 h 39, le 17 mars 2025

  • Merci pour votre bel article

    Georges Zehil Daniele

    10 h 39, le 17 mars 2025

  • Il n'y aura pas de confiance dans le systeme bancaire tant qu'il sera regi par les crapules qui sont actuellement a sa tete. La derniere campagne haineuse contre les ministres reformiste et Kulluna Irada est revelatrice. L'impunite n'est pas acceptable. Aujourd'hui c'est le temps du partage des responsabilites. S'il est par trop inegal, comme il semble se profiler, viendra le temps de la vengeance.

    Michel Trad

    10 h 28, le 17 mars 2025

  • Comme presque toujours Mr Samrani vous faites une analyse, juste , pertinente et réaliste. Il faut définitivement tourner la page au modelé économique (comme politique d’ailleurs post Taef) Nous avons eu par le passé des personnes intègres a ce poste je cite Elias Sarkis, Edmon Naim ou Michel Khoury qui se sont battus dans des conditions difficiles pour sauvegarder les avoirs de l’état. Il faut regarder dans cette direction celle des hommes ou femmes capables, responsables et dévoués plutôt des cost cutter et rejeter les affairistes Décris-moi ton style de vie et te dirai qui tu es.

    Liban Libre

    10 h 15, le 17 mars 2025

  • Restaurer la confiance dans le système bancaire passe impérativement par la sanction des coupables et la restitution des profits indûment accumulés. L’impunité des banques et des élites politiques a profondément sapé la crédibilité du système financier. Sans justice, aucune réforme ne pourra convaincre les déposants de remettre leur argent dans les banques. Il est donc crucial de confisquer tout ou une partie des bénéfices injustement engrangés par ceux qui ont profité de la crise. Seule une telle démarche permettra de reconstruire une économie fondée sur la confiance et non sur la prédation.

    Dody

    09 h 39, le 17 mars 2025

  • Magistral !!!

    Akote De Laplak

    09 h 16, le 17 mars 2025

  • Le debut de la solution constitue a faire rembourser ceux qui ont profité du remboursement des prets a 1500, ceux qui ont remboursé, ceux qui ont profité de la plateforme Sayrafa, ceux qui ont profité des subventioms, ceux qui ont profité des ingineries financieres, ceux qui ont augmenté les salaires des fonctionnaires en 2017 en forçant les banques a les financer, ceux qui ont subventionné l'EDL.

    ..... No comment

    09 h 15, le 17 mars 2025

  • Bien vu, bienvenu: j’attendais que vous preniez ouvertement position sur et contre la guerre médiatique dégueu menée par des médias de la presse écrite et un anchorman pour le compte du lobby bancaire. Cette campagne diffamatoire trahit une vraie panique des banques alors qu’un gouvernement vertueux s’est mis en place et qu’approchent des législatives qui risquent fort de dépoussiérer sérieusement ce parlement qui leur sert de cache-sexe. Désormais, le compte à rebours est enclenché.

    Marionet

    07 h 41, le 17 mars 2025

  • Merci Monsieur Samrani, de proclamer tout haut et comme toujours, la vérité. La campagne médiatique de la mafia dont vous parlez, qui envahit les actualités et même les cercles de la Maison-Blanche, est si puissante et efficace que beaucoup finissent par prendre ses mensonges pour des vérités incontestables.

    Gabriel Sara

    07 h 02, le 17 mars 2025

  • Comment trouver la solution lorsqu’on ne sait pas encore qui est le responsable du vol des dépôts bancaires ? Salameh a demandé aux banques de lui remettre notre argent contre des taux d’intérêt incroyables, ce qu’ils se sont empressés de faire sachant très bien le risque encouru. Leurs bénéfices ont vite été expatriés et ceux des déposants honnêtes bloqués. Salameh a fait cadeau de notre argent aux gouvernants corrompus en se sucrant au passage. Tous ces requins voraces sont coupables. Une enquête juricomptable claire est bien plus importante que l’identité du prochain gouverneur.

    Goraieb Nada

    06 h 35, le 17 mars 2025

  • Excellente tribune.

    Henri Chaoul

    06 h 35, le 17 mars 2025

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