
Illustration de Jaimee Haddad.
Roman graphique
« Moi, Fadi le frère volé » de Riad Sattouf : truculent et si touchant
Vous avez adoré L’Arabe du futur de Riad Sattouf. Vous aimerez tout autant Moi, Fadi le frère volé (136 pages, Les Livres du futur). Dans sa première série de bédés, l’auteur et dessinateur franco-syrien racontait, avec truculence, les péripéties de son enfance ballottée entre la Syrie, la Libye et la France. Entre ses familles française et syrienne. Cette fois, c’est dans l’enfance de son jeune frère, Fadi, qu’il transporte ses lecteurs. Avec son formidable talent de conteur, et son dessin mettant en relief la cocasserie des situations, Riad Sattouf raconte, dans ce premier tome d’une trilogie à venir, la trajectoire de son benjamin, totalement différente de la sienne. Car le petit dernier de la famille a été arraché, à l’âge de cinq ans, à sa vie heureuse en Bretagne et emmené par son père en Syrie, où il a grandi loin de sa mère adorée et de ses frères aînés, dans un village perdu près de Homs. Dans ce roman graphique aussi drôle que touchant, on retrouve, sous la narration naïve d’un enfant, l’acuité du regard de Sattouf porté sur ces profondes divergences culturelles qui façonnent encore notre monde aujourd’hui.
Suspense
« La femme de ménage » de Freida McFadden : le diable n’est pas qui vous croyez
Millie fait le ménage dans la belle maison des Winchester, une riche famille new-yorkaise. Pour elle, ce travail est celui de la dernière chance. Elle s’y accroche, même si elle loge dans une chambre mansardée qui ne se ferme que de l’extérieur et que le comportement de sa patronne est de plus en plus instable et inquiétant. Son patron, par contre, est l’homme idéal. Mais le danger se tapit parfois sous des apparences trompeuses… Traduit de l’anglais par Karine Forestier (J’ai Lu, 411 pages), ce premier volume de la série Une femme de ménage signée Freida McFadden déroule sous les yeux du lecteur un scénario digne des meilleurs films à suspense américains. Un thriller addictif en diable. À peine terminé, on se rue en librairie pour acheter le suivant. Il y en a… quatre pour le moment.
Thriller sentimental
« Ta Promesse » de Camille Laurens : amour toujours... et manipulation
C’est un roman qui débute et finit au tribunal. Une histoire d’amour incisive et vertigineuse que le lecteur découvre au fil du récit qu’en fait le personnage féminin à son avocate.
Romancière, connue pour sa propension à s’inspirer de sa vie dans ses livres, Claire, la cinquantaine, tombe sous le charme de Gilles, metteur en scène, « manipulateur » de marionnettes. Dès le début de leur idylle, il lui fait promettre qu’elle n’écrira jamais sur lui. En retour, elle espère qu’il ne la trahira pas… Dans Ta promesse (Gallimard, 358 pages), Camille Laurens, membre de l’Académie Goncourt, elle-même grande figure de l’autofiction, s’empare d’un thème actuellement au pic de la tendance, celui de la femme sous emprise, pour en livrer une version façon thriller sentimental. Un roman puissant sur l’amour, ses illusions, son rapport complexe à la vérité, sous-tendu d’un démontage en règle des rouages et mécanismes typiques des pervers narcissiques.
Saga familiale
« J’emporterai le feu » de Leïla Slimani : ces identités qui nous taraudent
Pas obligé d’avoir lu Le pays des autres et Regardez-nous danser, les deux précédents tomes de la trilogie de Leïla Slimani, pour entrer pleinement dans J’emporterai le feu (Gallimard, 429 pages), le dernier volume de cette saga librement inspirée de la propre histoire familiale de l’auteure franco-marocaine.
On plonge dans les décennies 1980-1990, marquées par les années de plomb, la crise économique, la montée de la répression et le poids croissant de la religion dans la vie quotidienne au Maroc. Il y a Mehdi, le père sanglé dans ses costumes italiens qui, du fond des geôles de Hassan II où il a été jeté accusé de corruption, dit à sa fille partie étudier en France : « Ne reviens pas. Ces histoires de racines, ce n’est rien d’autre qu’une manière de te clouer au sol. » Il y a Aïcha, la mère, gynécologue. Et enfin, leurs deux filles, Inès et Mia, qui sont les personnages centraux de ce livre. Deux adolescentes enfermées dans leur bulle protégée de l’élite marocaine francophone qui ne réaliseront qu’elles sont arabes qu’une fois arrivées en France.
Vous l’aurez compris, ce roman écrit d’une plume brillante, celle de la Prix Goncourt 2016, questionne l’identité, l’altérité et le regard porté sur l’autre. Âpre et un brin mélancolique, il n’en est pas moins très prenant.
Récit
« Les faux arcs-en-ciel » d’Élie Hayek : guerre, enfance et souvenirs
Enfant, puis adolescent, durant les années de guerre libanaise, Élie Hayek a vécu intensément les différentes phases de belligérance et d’accalmies faussement prometteuses de paix. Il en a gardé des souvenirs détaillés. Plus tard, voulant comprendre comment et pourquoi le Liban a été emporté dans ce tourbillon de violence, il s’est plongé dans les livres, les films et surtout les archives de L’Orient-Le Jour pour retracer le fil des événements à la lueur du contexte politique qui a précédé et accompagné la grande explosion de 1975.
Dans Les faux arcs-en-ciel (Calima, 165 pages), comme dans tout premier roman, ce diplômé en littérature, enseignant de français depuis trente ans, revient sur ses années de jeunesse. Et parce qu’elles sont indissociables de la guerre, on y retrouve le récit des différents épisodes d’affrontements et de trêves. Un témoignage du quotidien durant les années sombres livré à travers le ressenti d’un enfant. Une fluide lecture du souvenir en ce cinquantenaire de l’irruption de la guerre au Liban.
Histoire
« Dans l’intimité des Phéniciens » de Naji Karam : ces ancêtres qui nous ressemblent
C’est une civilisation qui suscite, actuellement, un intérêt croissant qui va au-delà des seuls universitaires, historiens et archéologues pour atteindre monsieur et madame Tout-le-Monde. Si vous faites partie de ces derniers et que vous voulez en apprendre plus sur cette population antique, plongez-vous dans Dans l’intimité des Phéniciens de Naji Karam (Éditions Baudelaire, 192 pages). Au-delà des clichés maintes fois ressassés sur ces « commerçants dans l’âme, inventeurs de l’alphabet et grands navigateurs », l’auteur, diplômé en archéologie de l’Université de Strasbourg et ancien directeur de l’institut d’archéologie de l’Université libanaise, livre, dans cet ouvrage mixant vulgarisation historique et données archéologiques, un récit quasi narratif du mode de vie des Phéniciens et des différents aspects de leur culture. On relèvera, entre autres infos piquantes, qu’ils avaient le « goût de la fête et du luxe » et l’obsession d’assurer « au moins un “héritier” pour perpétuer le nom de la famille ». Preuves de leur « libanité » ?
Les ouvrages sont disponibles à la librairie Antoine.
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