Ali est alaouite. Originaire de Masyaf, il vit et travaille au Liban depuis plus de dix ans. Lorsque le régime Assad est tombé, le 8 décembre dernier, il fut pris de panique. Non pas en raison de l’affection qu’il portait à un clan qui ne lui a jamais rien donné, comme à la grande majorité des alaouites. Mais parce que depuis sa naissance, on lui explique que les sunnites veulent sa peau. Et qu’il a peur, à l’instar du reste de sa communauté, à la fois de tout perdre et d’être associé à l’ancien pouvoir.
Aux yeux de la majorité sunnite, les alaouites ont participé pendant des décennies, et en particulier durant la dernière, à la répression et aux massacres. Au mieux, ils se sont tus. Alors, ils sont coupables.
Voilà trois mois que Ali est persuadé que le sang va couler en Syrie « encore plus que durant le règne des Assad ». Jeudi soir, il entre en furie dans mon bureau et me lance d’un ton affolé : « La guerre civile a commencé ! » Peut-être était-ce exagéré. Mais ce qui s’est passé lors de ces derniers jours est beaucoup plus qu’une tâche d’ombre sur le nouveau pouvoir syrien.
Nous n’avons pas encore tous les tenants et les aboutissants de la séquence. Nous ne savons pas si certaines puissances étrangères – l’Iran, la Turquie, Israël – ont joué un quelconque rôle dans ces événements. Nous ne sommes pas certains de l’ampleur de la tuerie ni de ses exécutants. Nous ne savons pas exactement dans quelle mesure le pouvoir y a participé ou a été débordé par ses factions les plus radicales. Mais nous savons qu’à la suite d’une insurrection menée par des factions armées pro-Assad, de violents combats ont éclaté et des centaines de civils alaouites ont été massacrés. Et quoique l’on pense des reliquats du assadisme et de ses soutiens étrangers, ce dernier élément devrait prendre le pas sur tout le reste. Si un tel massacre avait été commis sous le règne de Bachar, nous n’aurions pas eu de mots assez durs pour le condamner. Il n’y a aucune raison d’en faire autrement aujourd’hui.
La haine confessionnelle est le poison le plus mortel de la région. Elle a atteint des pics en Irak et en Syrie durant cette dernière décennie. Les uns massacrent les autres. Puis les autres en font de même pour se venger. La révolution syrienne a accompli l’impossible et l’impensable en décembre dernier en s’emparant du pouvoir sans que cela ne passe par un bain de sang. Il était là le principal héritage et accomplissement du nouveau pouvoir. Et en quelques jours, il est parti en fumée.
Tous les ingrédients étaient présents pour que cela explose. D’un côté des alaouites qui ont tout perdu, rejetés de l’armée et de l’administration et ne pouvant plus profiter des aides de l’État en raison des politiques libérales du nouveau pouvoir. De l’autre, des factions sunnites radicales, composées de jeunes n’ayant connu que la répression depuis leur naissance. Entre les deux, un pouvoir disparate et limité. Et dans tout le pays, des armes en dehors du contrôle de l’État à ne plus savoir quoi en faire.
Ahmad el-Chareh est peut-être tombé dans un piège tendu par les forces de l’ancien régime qui savent mieux que personne attiser les peurs communautaires de « l’alaouistan ». Le président syrien par intérim a dû faire face à une tentative de coup d’État qui paraît avoir été minutieusement préparé, peut-être avec l’aide de l’Iran, et semble avoir été débordé par les factions les plus radicales au sein de ses soutiens. Il a appelé ses troupes à la retenue, a promis que quiconque « portera atteinte à des civils innocents sera jugé sévèrement » et annoncé la création d’une commission nationale indépendante chargée d’enquêter sur les événements survenus sur la côte syrienne. À sa place Bachar el-Assad aurait appelé à tuer tous les « terroristes » – terme employé pour désigner tous ceux qui refusent de se taire – et aurait nié tous les crimes commis par ses hommes. Ahmad el-Chareh n’est pas le nouveau Bachar el-Assad. Mais il était de sa responsabilité de tout faire pour que plus aucun civil syrien ne soit massacré. Parce que la révolution syrienne porte en elle un espoir qui la dépasse largement.
Il est facile d’écrire ces mots lorsque l’on n’est pas à la tête d’un pays ruiné, morcelé, qui sort à peine de treize ans de guerre et de 50 ans de dictature sanguinaire, en proie en plus à de nombreuses ingérences étrangères. Le président syrien est dans une situation intenable. Les caisses sont vides, les sanctions n’ont pas été levées et aucune aide promise n’a été apportée. Le pays est au bord de la partition et de l’implosion. Les minorités kurdes, druzes, alaouites, pour des raisons différentes et à des degrés différents, contestent et craignent l’autorité de Damas. Israël menace d’envahir le Sud sous prétexte de protéger les druzes. L’Iran prépare sa revanche. La Turquie se croit en terrain conquis.
Alors que la situation interne suffirait à elle seule à faire pâlir les plus compétents des dirigeants, la Syrie est devenue le théâtre d’un bras de fer géopolitique entre les deux nouveaux empires de la région. Et le monde regarde ailleurs. L’Europe en Ukraine, les Arabes à Gaza.
Sans aide, Ahmad el-Chareh ne s’en sortira pas. Trois mois après sa prise de pouvoir, l’ex-jihadiste demeure une énigme aussi fascinante qu’inquiétante. Ceux qui ont pu le rencontrer décrivent un homme très intelligent, cultivé, sûr de lui. Un homme au parcours tortueux, pour qui la soif de pouvoir, bien plus que la fidélité, est le maître mot. Ni démocrate ni laïc, il veut faire de la Syrie un royaume autoritaro-islamiste. Quoi que l’on pense de l’homme et de son projet, il incarne aujourd’hui le seul espoir que le pays ne retombe pas dans la guerre civile. Le seul à être capable de mater les insurgés et de juger les criminels. Au risque d’y perdre son pouvoir et d’y laisser sa peau. Ou, s’il s’y refuse, d’enterrer à son tour la révolution syrienne.
QUELLE EST LA REALITE ? IL N,Y EN A PAS ! CEUX QUI PROVOQUE CE SIMULACRE DE REALITE N,EN CONNAISSENT MEME PAS LE SENS. IL Y A DES FAITS PARFOIS CAUSES PAR L,IMPROBABILITE ET SOUVENT PAR LA LOI DE LA PROBABILITE INATTENDUS ET BIZARRES QUI GALOPENT ET PASSENT ET AFFECTENT LES DONNES BIMA LA TACHTAHIHI AL SOUFOUNOU. NOUS TOMBONS D,INCONNU EN INCONNU !
19 h 04, le 11 mars 2025