Sauf changement de dernière minute, le président de la Chambre Nabih Berry devrait participer aux funérailles des deux secrétaires généraux du Hezbollah, Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, dimanche à la Cité sportive. Même si, en principe, le seul discours prévu est celui de Naïm Kassem, actuel chef du parti, la présence de Berry est en elle-même un événement, tant elle est porteuse de messages. Elle est aussi, avant tout, un signe rassurant pour tous ceux qui craignent d’éventuels incidents dans le cadre de cette cérémonie, même si elle ne sera confirmée qu’à la dernière minute, justement pour des raisons de sécurité.
Certes, le président de la Chambre a d’abord voulu rendre un ultime hommage à celui qu’il considère comme un frère ou un compagnon de lutte, au sein de la « résistance ». Nabih Berry n’a d’ailleurs jamais caché, devant ses visiteurs, l’estime et l’attachement qu’il portait à Hassan Nasrallah qui avait entamé son parcours de militant au sein du mouvement Amal, avant de choisir finalement le Hezbollah et d’en devenir le secrétaire général. Mais cet hommage adressé à un homme qu’il considère comme étant exceptionnel n’est pas la seule raison de la participation de Berry aux funérailles. Celle-ci est donc dictée par plusieurs considérations qui sont toutes importantes, tant sur le plan national que sur celui de l’intérêt de la communauté chiite. Sur le plan national, la participation du président de la Chambre donne une couverture institutionnelle et étatique à la cérémonie. Par conséquent, elle suffit, à elle seule, à lui donner un caractère officiel, tout en dispensant les autres responsables du pays, à savoir le chef de l’État et le président du Conseil, d’y prendre part personnellement. Même si sur le plan purement protocolaire, le président de la Chambre ne représente pas personnellement tel ou tel autre responsable.
De même, sur le plan des relations internationales, la présence de Berry offre une solution au problème que pourrait poser la participation à la cérémonie d’une délégation iranienne de haut niveau. En effet, après l’incident de l’avion iranien interdit d’atterrir à l’Aéroport international de Beyrouth, les autorités libanaises pourraient se sentir plus ou moins embarrassées face aux autorités iraniennes. Selon toute probabilité, le président du Parlement iranien Mohammad Bagher Ghalibaf devrait présider la délégation officielle attendue au Liban et les questions protocolaires seront ainsi réglées par le président de la Chambre et le département concerné au sein du Parlement. Comme il s’agit d’une visite ayant un objectif précis, il n’est donc pas nécessaire que Ghalibaf soit reçu par des responsables libanais autres que son homologue. Ainsi, l’exécutif libanais n’aura pas à discuter de sa décision avec les responsables iraniens, le dossier restant entre les mains des ministères des Affaires étrangères des deux pays.
Il y a encore une autre dimension à la participation de Nabih Berry à la cérémonie qui concerne la communauté chiite au Liban et les tiraillements entre les partisans du mouvement Amal et ceux du Hezbollah. Depuis quelque temps, en effet, plus particulièrement depuis la conclusion du cessez-le feu entre le Liban et Israël grâce à une double médiation américano-française, et surtout depuis la multiplication des violations de cet accord de la part des Israéliens, les frictions se multiplient entre les partisans d’Amal et ceux du Hezbollah. Pour une partie de la base du Hezbollah, si les Israéliens se permettent de violer de cette manière flagrante les dispositions de l’accord, sans être ne serait-ce que verbalement critiqués par les parrains américains et français de l’accord, c’est que celui-ci comporte des failles. Or cet accord a été négocié du côté libanais par le président de la Chambre. Ce dernier est donc ouvertement critiqué par des partisans du Hezbollah qui se retrouvent ayant pratiquement tout perdu, notamment ceux qui sont originaires de localités au Sud entièrement détruites par les Israéliens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, depuis quelques semaines, les réunions de coordination entre les responsables locaux des deux formations se multiplient et des communiqués sont régulièrement publiés au nom des deux formations pour adopter des positions communes au sujet de dossiers qui les concernent. Bien que les positions des deux formations n’aient pas été tout à fait alignées notamment quant aux sit-in organisés jeudi et vendredi dernier sur la route de l’aéroport. Dans ce contexte, la présence de Berry à la cérémonie de dimanche vise aussi à montrer que pour le chef d’Amal, il n’y a aucune différence entre son mouvement et le Hezbollah. Les objectifs sont les mêmes, le combat est le même et la peine est aussi la même, ainsi que l’ampleur de la perte.
Dans ce cadre, le dernier message que comporte cette participation s’adresse aux nombreuses délégations venues de plusieurs pays : la communauté chiite du Liban est unie, en dépit des coups subis, et elle reste partie intégrante du Liban et de ses institutions. Aujourd’hui, après l’absence de Hassan Nasrallah, Nabih Berry est en quelque sorte le principal représentant de cette communauté qui est actuellement en souffrance. Une lourde responsabilité pèse sur ses épaules, mais sa présence à la cérémonie, si elle se confirme, montre qu’il est prêt à l’assumer.
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08 h 29, le 23 février 2025