
Le chef du Hezbollah Naïm Kassem lors d'une intervention télévisée retransmise sur la chaîne al-Manar, le 16 février 2025. Capture d'écran
Après un week-end de tensions dans la banlieue-sud de Beyrouth en raison de l'interdiction d'atterrissage signifiée jeudi par les autorités libanaises à un avion iranien, ce qui laissait craindre une escalade, le nouveau secrétaire général du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, a semblé vouloir calmer le jeu dans un discours dimanche soir, appelant néanmoins le gouvernement à revenir sur la décision concernant les vols Téhéran-Beyrouth prise selon lui « sur ordre d'Israël ».
La base du Hezbollah a critiqué cette décision à coups de sit-in dans les rues de la banlieue-sud de la capitale libanaise depuis jeudi. Vendredi soir, pendant la fermeture de la route de l'aéroport par des partisans, un convoi de la Force intérimaire de l'ONU a été attaqué et deux Casques bleus ont été blessés. Samedi, c'est le parti chiite lui-même qui a appelé à une manifestation, dispersée par l'armée libanaise au moyen de tirs de gaz lacrymogène.
Respect de la souveraineté libanaise
Commentant tous ces développements, c'est un Naïm Kassem posé et calme qui a condamné l'agression portée contre le personnel de la Finul. Il a cependant dénoncé dans l'interdiction de l'atterrissage de l'avion iranien « la mise en application d'une décision israélienne ». Il a dès lors appelé le gouvernement libanais à « revenir sur sa décision » et à prendre une position « qui respecte la souveraineté » libanaise. « Laissez l’avion atterrir et nous verrons alors ce qu’Israël fera, mais il n'est pas normal d'écouter ce qu'ils imposent. Maintenant, Israël peut dire à tout le monde : ce bateau est interdit, cet avion est interdit, vous ne pouvez pas construire ce bâtiment, organiser cette manifestation... et nous devenons ses employés », a-t-il dit.
Une source de sécurité anonyme avait affirmé samedi soir à l'AFP que la décision de refuser la venue de l'avion, quelques jours après des menaces israéliennes concernant les avions civils iraniens qui transporteraient des fonds à destination du Hezbollah, avait été prise alors que Washington avait mis en garde le gouvernement contre une frappe sur l'aéroport si le vol de Mahan Air se posait à Beyrouth.
Le Hezbollah et l'armée sont « comme des frères »
Concernant les tensions avec l'armée la veille, il a reproché à la troupe d'avoir lancé les gaz lacrymogène « alors qu'il y avait un comité organisateur qui aurait pu être contacté pour résoudre les problèmes ». « Nous et l'armée sommes comme des frères », a ajouté Naïm Kassem.
Dans ce contexte, Naïm Kassem semble donc vouloir jouer l'apaisement, après que les sit-in en série dans la banlieue-sud ont fait craindre des débordements dans la rue, notamment après les tensions survenues avec l'armée pendant le rassemblement de samedi soir. Une volonté de calme à l'approche des funérailles « exceptionnelles », comme l'a annoncé le chef du Hezbollah, de l'ex-secrétaire général Hassan Nasrallah et de son successeur Hachem Safieddine, prévues dimanche prochain.
Le leader chiite a d'ailleurs exhorté ses partisans, non seulement à une participation massive le 23 février, mais surtout à la « discipline », réitérant son appel à ne pas tirer en l'air, une coutume aussi commune que meurtrière au Liban. « Des personnalités de haut rang des pays arabes et musulmans et de toutes les confessions seront présentes », a ajouté le chef du parti pro-iranien. « Que l'image qui ressortira de cet événement soit que le Hezbollah et la résistance sont présents et forts », a-t-il souhaité.
Hassan Nasrallah, rappelle-t-on, a été éliminé dans une frappe aérienne israélienne monstre sur la banlieue-sud de Beyrouth, le 27 septembre 2024. Hachem Safieddine, qui avait été nommé pour lui succéder, a été tué de la même manière quelques jours plus tard.
« Aucune excuse » pour Israël de rester au Liban-Sud
Dans une exhortation visant une nouvelle fois le gouvernement libanais, Naïm Kassem a réclamé que les autorités expriment une position « ferme et décisive » concernant un « retrait total » de l'armée israélienne du Liban-Sud le 18 février, nouveau délai d'expiration de la période d'application des modalités du cessez-le-feu. « Israël doit se retirer complètement du territoire libanais. Il n'y a aucune excuse qui pourrait lui permettre de rester. Dans ce contexte, l’État libanais ne doit pas accepter que l'armée israélienne se maintienne, que ce soit en cinq points stratégiques ou ailleurs », a-t-il lancé.
Les troupes israéliennes ont bâti des constructions semi-permanentes conçues pour servir de « bases opératoires » sur cinq principaux points qualifiés de « stratégiques » pour l’État hébreu. Ces points sont situés, selon les informations obtenues par notre journal auprès de sources militaires à Labbouné au sud de Naqoura, à Tallet Ouweida près de Kfar Kila, à Tallet Ezziyé surplombant Deir Mimas à Jabal Blatt, près de Marwahine, et à Tallet Hamames proche de Khiam.
Naïm Kassem a en outre estimé que l’État « doit œuvrer à la reconstruction », étant donné que « ce qu'Israël a détruit, il l'a détruit dans l’État libanais ». Saluant la formation du nouveau gouvernement, il lui a suggéré de procéder aux nominations dans l'administration sur base de « concours » pour choisir les personnes les plus qualifiées, « loin de la politique des quotas entre les différentes parties » et s'est dit prêt à « coopérer pour que les réformes nécessaires soient menées » afin de sortir le pays de la crise socio-économique et financière dans laquelle il est plongé depuis 2019.
« Extermination politique » de la cause palestinienne
Concernant les développements dans la région, et notamment le « plan » proposé par Donald Trump concernant Gaza et visant à répartir la population de l'enclave entre l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, le chef du Hezbollah a « rejeté tout déplacement des Palestiniens dans la région ». « Le plan américain est un danger pour tous, notamment les pays arabes et musulmans. Ces derniers doivent rejeter tout déplacement des Palestiniens et nous sommes prêts, en tant que Hezbollah, à contribuer si les pays arabes ont un plan alternatif », a-t-il affirmé.
Il a encore estimé que le projet américain, décrié dans le monde entier mais salué en Israël, constitue un « un processus d'extermination politique » de la Palestine et de son peuple, « après l'incapacité de Benjamin Netanyahu et de l'Amérique à exterminer » la résistance à Gaza.
Rafic Hariri mentionné
Naïm Kassem a prononcé son discours à l'occasion de la commémoration annuelle des « commandants-martyrs » du parti, notamment Ragheb Harb, assassiné par un commando israélien en février 1984, Abbas Moussaoui, qui a dirigé le Hezbollah entre 1991 et 1992, avant d'être tué par Israël en 1992, et Imad Moughniyé, tué en février 2008 près de Damas, dans un attentat à la voiture piégée.
Il a évoqué, en introduction de son discours, le 20e anniversaire de l'attentat qui a tué l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février 2005. Rendant hommage au « peuple libanais » à cette occasion, il a appelé à « faire du sang des martyrs une source de force pour le Liban ». Trois cadres du Hezbollah, Salim Ayache, Habib Merhi et Hussein Oneïssi, ont été condamnés par contumace à la prison à perpétuité par le Tribunal spécial pour le Liban, en 2021 et 2022.
Kassem, il faut arrêter vos conneries maintenant. Votre rêve utopique s’est écroulé en mille morceaux et tout ce que vous pouvez faire,, c’est de redevenir humble.
18 h 39, le 17 février 2025