
Le président américain Donald Trump signe des décrets dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, à Washington DC, le 20 janvier 2025. Photo d’illustratio: Jim Watson/AFP
Au cours des deux dernières semaines, Israël a attaqué la Syrie à plusieurs reprises, détruisant des installations militaires et occupant des territoires, en violation flagrante de la Charte des Nations unies, qui interdit le recours à la force militaire contre des États étrangers, sauf en cas de légitime défense ou avec l’autorisation du Conseil de sécurité. Si certains pays ont condamné Israël, les États-Unis et la plupart des autres pays s’abstiennent de toute critique, craignant probablement que ces armes puissent tomber entre les mains d’organisations terroristes. Peu importe que le droit international ne prévoie pas de telles exceptions ; il est devenu une autre victime des événements.
Les frappes israéliennes en Syrie sont loin d’être un exemple isolé. Les ruines du droit international sont partout autour de nous. La Russie a envahi l’Ukraine en 2014, puis, en 2022, a annexé illégalement le territoire ukrainien, a commis des atrocités contre les soldats et les civils ukrainiens et est aujourd’hui accusée de génocide. La Chine a recouru à la violence pour étendre son contrôle sur la mer de Chine méridionale et semble désormais prête à envahir Taïwan – une issue dont personne ne pense qu’elle sera empêchée par le droit international. En outre, les interventions militaires américaines en Afghanistan, en Irak, en Libye et ailleurs au cours des dernières décennies étaient toutes fondées sur des théories juridiques douteuses. Des crimes internationaux sont commis dans le monde entier, dans des régions en proie à des conflits comme Israël et Gaza, le Myanmar, l’Éthiopie et le Soudan, ainsi que dans des pays autoritaires en paix.
Retour de bâton
Les guerres et la violence ne sont pas non plus les seules indications du déclin du droit international. La même tendance affecte l’économie mondiale. L’Organisation mondiale du commerce, dont l’organe d’appel est incapable de fonctionner, assiste impuissante à la montée du protectionnisme dans le monde. De même, les faibles résultats de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale ridiculisent les ambitions de leurs fondateurs.
Une évolution moins visible, mais tout aussi importante, est que le droit international de l’investissement a provoqué un retour de bâton de la part de ses bénéficiaires prévus. Les traités bilatéraux d’investissement étaient censés promouvoir le développement économique dans les pays pauvres en protégeant les investisseurs étrangers contre l’expropriation. Mais il n’y a guère de preuves que le droit ait aidé ces pays à rattraper leur retard. Au contraire, les multinationales s’en sont servies pour empêcher les PED de mettre en œuvre des réformes économiques et des réglementations environnementales susceptibles de réduire leurs marges.
Par ailleurs, le droit international protégeant les migrants a suscité une réaction dans de nombreux pays de destination, en particulier ceux qui ont été inondés de demandeurs d’asile. Alors que la démocratie recule dans le monde entier, l’Union européenne, qui a perdu le Royaume-Uni, a dû faire face à des gouvernements illibéraux en Hongrie et, jusqu’à récemment, en Pologne, et est confrontée à de nouveaux défis alors que les partis d’extrême droite gagnent du pouvoir dans ses États membres.
Aux États-Unis, Donald Trump a remporté l’élection présidentielle de 2024 malgré, ou peut-être à cause de, son mépris du droit international. Après avoir retiré son pays de plus d’une douzaine d’accords et d’organisations internationales lors de son premier mandat, il a déjà récidivé avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) après son investiture. Mais il est vrai que plus globalement, la récalcitrance des États-Unis vis-à-vis de la promotion du droit international a été bipartisane ces dernières années.
Approche plus modeste mais durable
Pourquoi ? L’explication la plus simple est que le droit international est victime de la réaction antimondialisation. La mondialisation était autrefois le chemin promis vers la liberté et la richesse, mais aujourd’hui les gens l’associent à la migration incontrôlée, à la perte d’emploi, aux pandémies, aux crises financières et aux conflits. Les avantages qu’elle a générés pour la croissance mondiale n’ont pas été suffisamment importants, répandus ou visibles pour compenser ces effets.
En outre, le droit international n’existe que dans la mesure où les États sont désireux et capables de le faire respecter. Les gouvernements se rendant de plus en plus compte que le droit faisait obstacle à la réalisation de leurs objectifs, qui changent en fonction de l’évolution des besoins nationaux et des relations internationales, l’intérêt de le maintenir s’est estompé.
Dans les années 1990, il était courant d’affirmer que le droit international s’immisçait dans les compétences traditionnelles des États, avec des dispositions régissant les relations familiales, les normes religieuses, les valeurs culturelles et l’organisation de l’économie. Les partisans du droit international pensaient qu’il inciterait les pays à adopter des valeurs morales et politiques communes, ce qui n’a manifestement pas été le cas. Ils pensaient également que les pays s’agenouilleraient devant le consensus de Washington – libre-échange et libre investissement, droits de propriété, marchés robustes, faibles impôts. Mais la prospérité nationale dépend de la stabilité, et la stabilité exige un large partage des avantages économiques, le respect des cultures et des normes locales, et le sentiment, chez les citoyens, que leurs dirigeants politiques leur rendent des comptes, et non aux ONG étrangères et aux bureaucraties internationales qui sont devenues des cibles politiques commodes.
Dans le passé, le droit international s’est concentré sur la protection de la souveraineté, l’établissement de formes fondamentales de coordination (telles que les frontières, les fuseaux horaires, les règles maritimes et les protocoles de communication) et, avec un succès plus limité, sur la limitation des formes les plus extrêmes de violence, en particulier en temps de guerre. Un certain nombre d’États, et pas seulement la Chine et la Russie, exhortent depuis longtemps le monde à revenir à cette approche modeste mais durable. Les États-Unis, champions de l’internationalisme libéral, s’y sont opposés. Sous Trump, ils pourraient les rejoindre.
Project Syndicate, 2025.
Par Eric POSNER
Professeur à la faculté de droit de l’université de Chicago. Dernier ouvrage : How Antitrust Failed Workers (Oxford University Press, 2021, non traduit).
rien a redire a ce propos. MAIS il reste qu'on espere finir un jour prochain - pas tres lointain- de leur faire des concessions sinon serieusement politiques du moins affectueuses.. vous saisissez bien l'allusion n'est ce pas eu egard a leur BIAA' affectee par la guerre. sans oublier que leurs ministres n'avaient pas d'autre choix que se plier aux desiderata des 2 presidents
10 h 27, le 18 février 2025