
Le duo Bruno Chapelle et Pascale Michaux dans une scène de « Entre 2 ». Photo DR
Un homme et une femme bloqués dans un ascenseur en panne. La situation, source habituelle de furieux fantasmes, tourne au vinaigre comique dans Entre 2*, la pièce écrite par Bruno Chapelle et interprétée en duo avec Pascale Michaux. Une heure vingt minutes « d’humour et d’humanité », promettent les deux comédiens français au public libanais, qui se sont livrés à cœur ouvert à L’Orient-Le Jour, la veille de leur première beyrouthine au théâtre Monnot.
Vous venez pour la première fois au Liban. Quelle image aviez-vous de ce pays ?
Pascale Michaux : Pour moi, ce sont les cèdres.
Bruno Chapelle : Désolé mais pour moi, c’est plutôt la guerre. Et surtout la tragédie au port de Beyrouth. J’y ai été particulièrement sensible d’autant que j’ai moi-même été victime en 2019 d’une explosion de gaz dans l’immeuble où j’habite à Paris. Un accident qui m’a d’ailleurs inspiré une pièce intitulée Air B and Boom, qu’on s’apprête à jouer bientôt. Et qui est indéniablement une manière d’évacuer mon traumatisme par la comédie.
Pascale Michaux et Bruno Chapelle au théâtre Monnot du 22 au 26 janvier. Photo DR
Comment vous définiriez-vous chacun ?
B. C : Je suis auteur, acteur et parfois aussi metteur en scène, fondateur de la Compagnie de la griotte – ainsi baptisée parce que j’aime bien ces petites cerises, moi qui suis originaire de Bourgogne et qui ait un verger là-bas. Après des études de mathématiques rapidement interrompues, je me suis tourné vers la comédie. J’ai fait mes premières armes au sein du théâtre de Bouvard, une émission télévisés de sketches potaches qui réunissait dans les années 1980 de jeunes comédiens et humoristes qui sont aujourd’hui très connus, comme Bernard Campan, Pascal Légitimus et Didier Bourdon (Les Inconnus), Michèle Bernier, Muriel Robin, Mimie Mathy, ainsi que Chevallier et Laspalès (avec qui j’ai beaucoup travaillé). Par la suite, je me suis tourné vers l’écriture et l’interprétation théâtrale, parce que je me suis rendu compte que j’aimais tisser des récits plus longs. Même si mon inspiration vient toujours du quotidien avec des personnages très basiques, qui ne sont pas toujours au second ou au troisième degré et qui parlent à tout le monde. Et que mon registre reste toujours l’humour et la comédie.
P. M : Pour ma part, je dirais que je suis provinciale aussi. Dans le sens où quand on n’est pas Parisien de naissance, on a quelque chose de très franc, direct et on ne s’embarrasse pas de chichis. Après avoir fait le Conservatoire d’art dramatique à Toulouse, je suis montée à Paris où j’ai intégré la troupe il y a 17 ans, un peu sur un malentendu et beaucoup grâce à ma détermination à décrocher un rôle dans La Fille de son père que Bruno préparait alors. Une comédie à succès qu’on continue à jouer d’ailleurs régulièrement dans notre compagnie. En tant que comédienne de théâtre, je joue principalement dans des pièces drôles, alors qu’en réalité, j’ai toujours été attirée par les œuvres dramatiques. Mais voilà, comme je n’ai pas « un physique de tragédienne » on ne me propose pas ce genre de rôles. Alors je défends mes personnages comiques, en essayant toujours d’en tirer un côté qui va toucher le public. Cela dit, j’adore la comédie, c’est mon énergie naturelle. J’adore apporter de la légèreté, du rêve et du rire. Et c’est pour cette raison précisément que je suis particulièrement contente de venir me produire à Beyrouth.
La trame d'Entre 2 ?
B.C.: François ronronne dans son petit emploi chez Bandalux, Jeanne se débat chaque jour dans sa vie de mère célibataire. L'un est un homme tranquille, l'autre est en permanence sur des charbons ardents. Ils n’ont a priori rien en commun sauf l’ascenseur qu’ils prennent ce soir-là.
Un homme, une femme, un ascenseur. Voilà un fantasme communément répandu. Est-ce de là qu’est née l’idée de cette pièce ?
B. C. : (Rires) L’idée n’était pas tant l’ascenseur, mais le huis clos. Ce qui m’intéressait, c’était de développer un face-à face entre deux personnages bloqués dans une situation d’enfermement et qui ont une relation au temps totalement opposée. L’écriture est en fait inspirée de nos deux tempéraments Pascale et moi. Elle est toujours pressée, impatiente et prompte à faire ce qu’elle a décidé de faire alors que moi, sans être procrastinateur, je pense être un peu éternel dans ma tête. Donc, j’ai voulu confronter ces deux types de caractère à leur notion du temps dans cette pièce dont j’ai confié la relecture et la mise en scène à Jean-Philippe Azéma.
C’est donc une pièce qui tout en faisant rire donne aussi à réfléchir ?
B. C. : C’est vrai qu’au deux-tiers de la pièce, on a un petit virage plus psychologique. Mais, encore une fois, chez moi ce n’est pas la volonté de faire réfléchir, mais celle d’amuser qui l’emporte. Emmener les spectateurs dans notre univers en les transportant totalement dans une histoire, le temps de la représentation. Voilà ce qui m’anime. Après, les gens prennent ce qu’ils veulent.
P. M. : Je voudrais quand même signaler que de toutes les pièces que Bruno a écrites, c’est celle où il y a le moins de personnages, parce que d’habitude, il écrit des comédies chorales. Et, surtout, c’est celle qui contient le plus de réflexion. Sur l’air du temps ainsi que, peut-être sans le vouloir, sur la condition féminine. À travers mon personnage de Jeanne, qui est celui d’une femme célibataire, de mère en solo, qui jongle avec son emploi de temps, qui a été victime de mauvaises rencontres masculines, qui fait qu’elle se méfie des hommes. Le public d’Avignon a perçu ce message féministe et nombre de femmes sont venues nous dire qu’elles s’étaient totalement retrouvées dans Jeanne.
Un dernier mot spécialement adressé au public libanais ?
B. C. : Pour moi, le rire au théâtre, c’est l’équivalent du partage d’un moment de bonheur à vivre. Alors venez partager un moment serein, de détente, de rire et d’apaisement.
P. M. : Je voudrais dire aux Libanais qu’avec tout ce qu’ils vivent et ce par quoi ils sont passés, je suis admirative de leurs rires. Et j’ai vraiment hâte de les entendre vraiment.
*« Entre 2 » du 22 au 26 janvier au théâtre Monnot, à 20h30. Billets en vente chez Antoine Ticketing.
Bravo, merci et bon courage aussi bien aux artistes qu’aux théâtres qui encouragent l’art francophone. BRAVO
09 h 14, le 23 janvier 2025