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Lifestyle - Mode

Le soir où Ahmed Amer a « encré » son imaginaire


Le soir où Ahmed Amer a « encré » son imaginaire

Ahmed Amer, artiste, rêveur. Photo DR

C’était à la fin de décembre, une nuit pluvieuse, un palais beyrouthin, une lumière chaude qui attirait comme une nuée de lucioles une foule en mal d’émotions. Le créateur Ahmed Amer, avec les mains – les deux mains – et parfois armé de pinceaux télescopiques, étalait sur les murs et le grand sol de marbre de la vieille maison Bustros, qui abrite en ce moment l’espace « Art Affair », le produit immédiat de ses rêveries.

Le créateur de mode, venu de l’illustration, s’est toujours appuyé sur le vêtement comme véhicule de messages, dazibao ambulant à la croisée de l’art vivant et du manifeste. Ce soir-là, alors que de sa voix pénétrante, Maïssa Jallad chantait des extraits de son nouvel album The Battle of the Hotels, Ahmed Amer traçait en direct, à l’encre de Chine, ces gribouillages intrigants en ligne continue à la manière d’un Cocteau, qui sont sa signature. Sur le papier recyclé, fragile, jauni, qu’il avait étalé au sol et sur les murs, prenaient forme des visages inquiets, des foules, des constructions confuses révélant à mesure qu’elles apparaissaient le produit des visions qui lui venaient.

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Sur cette démarche surréaliste de dessin automatique, Amer explique que « la narration de Maïssa Jallad et ses morceaux obsédants ont créé une toile de fond émotionnelle parfaite, m'entraînant dans un état d'improvisation et de fluidité. La grande toile est devenue à la fois ma scène et mon refuge, car je m'y suis physiquement immergé, en dessinant, en bougeant et en me connectant à la musique. L'acte d'enfoncer mon corps dans l'immense toile était profondément satisfaisant, une expérience viscérale de fusion avec l'art lui-même ».

À mesure que la foule des spectateurs devenait plus compacte, on a vu l’artiste se lancer dans sa performance sans plan, sans point de départ défini, sans séquence structurée. « J'ai délibérément embrassé l'inconfort et l'incertitude, me mettant au défi de m'adapter et de créer dans l'instant. J'ai utilisé différents médiums et des techniques non conventionnelles : j'ai dessiné avec les deux mains simultanément, utilisé de longs bâtons et des pinceaux, travaillé si près de la toile que je ne pouvais pas prendre le recul nécessaire pour avoir une vue d'ensemble », détaille-t-il.

Grâce à ce processus, le concept a émergé de manière organique. Les thèmes de la connexion, de la résilience et du chaos ont pris forme dans les traits noirs – des personnages s'étreignant et se soutenant les uns les autres, des hommes en soulevant d'autres, des fleurs dans des vases à la fois pleins et brisés, des chaises vides et des symboles éparpillés au hasard. « Il y a eu des moments de tristesse, des réflexions sur l'histoire de Beyrouth et la présence persistante d'oranges, symboles de perte, de résistance et d'espoir », indique aussi le créateur.

L'artiste en plein processus créatif. Photo DR


Cette spontanéité de la création, recherchée comme une mise en danger immédiate, ne s’appuyait que sur une structure émotionnelle profonde. Celle-ci s’est transmise instantanément au public que la performance d’Ahmed Amer a laissé gorge nouée, bouleversé par ce moment de vulnérabilité partagée et de connexion. Entre l’écoulement de l’encre noire sur la fragilité du papier et la douce fluidité de la voix de Maïssa Jallad, s’est développée une histoire de Beyrouth, de communauté, d'après-coup et de reconstruction.

« Il est important d'accepter l'incertitude, de faire confiance au processus et de trouver du réconfort dans l'expérience collective de la narration », se dit Ahmed Amer en conclusion de cette expérience. Habillés par le styliste de manteaux et de vestes brodées de ses doodles, ses amis montraient la beauté vivante du vêtement quand il cherche aussi à véhiculer du sens. 

C’était à la fin de décembre, une nuit pluvieuse, un palais beyrouthin, une lumière chaude qui attirait comme une nuée de lucioles une foule en mal d’émotions. Le créateur Ahmed Amer, avec les mains – les deux mains – et parfois armé de pinceaux télescopiques, étalait sur les murs et le grand sol de marbre de la vieille maison Bustros, qui abrite en ce moment l’espace « Art...
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