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Lifestyle - Rencontre

Gabrielle Crawford, confidente de Jane Birkin : Gainsbourg lui interdisait d’être politique

Pendant près de soixante ans, elle a tout partagé de la vie de la muse gainsbourienne et documenté l’intimité d’ex-Beatles et de Premiers ministres. À l’occasion de la parution de « C’est Jane, Birkin Jane » (éd. Actes Sud), la photographe se dévoile à « L’Orient-Le Jour ».

Gabrielle Crawford, confidente de Jane Birkin : Gainsbourg lui interdisait d’être politique

Jane Birkin et Gabrielle Crawford à Cannes, en 2001. Photo Dominique Jacovides

Assise par erreur sur l’un des bancs fraîchement repeints d’un parc londonien, une femme à la coupe au carré pousse un cri aigu, masqué par le chahut des touristes qui l’encerclent. Le téléphone vissé à l’oreille, elle apprend avec effroi la disparition de celle avec qui elle a tout partagé pendant près de soixante ans. Jane Birkin est partie. Sur la pointe de ses pieds toujours nus, discrètement, dans la nuit de ce mois caniculaire de juillet 2023.

La veille, Gabrielle Crawford était encore à son chevet. Affaiblie par la maladie, terrassée par une fin d’existence privée de sa fille aînée et des hommes qui l’ont aimée, l’icône des sixties ne sortait plus de son appartement parisien à peine décoré par quelques journaux et disques anciens. « Elle m’a promis qu’elle allait bien, m’a appelé un taxi pour l’aéroport sans rien me demander et m’a forcée à repartir me reposer chez moi au Royaume-Uni », explique Crawford, la voix nouée.

Leur dernière conversation, « longue et profonde », émaillée de larmes et de profonds regrets jusqu’alors inavoués, est pour Jane B. le cadeau final fait à sa confidente des grands soirs, sa camarade des couloirs d’hôpitaux. « Sa hantise était de devenir un fardeau. Le soir de sa mort était le seul où elle avait congédié son infirmière, où elle ne voulait pas que l’on reste avec elle », maintient-elle sans clairement répondre aux rumeurs autour du « départ volontaire » et de l’isolement soudain de la chanteuse, murmurés par Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon lors d’une interview conjointe au micro de RTL. « Ça ne regarde personne. Je préfère m’attarder sur l’artiste, l’amoureuse, ma meilleure moitié, reprend « sœur Gabrielle », comme la surnommait affectueusement la muse gainsbourienne. Je lui dois bien ça. »

Doutes et préjugés

Dans les ruelles grisâtres du swinging London, les deux jeunes femmes dansent le jive, descendent des bières et draguent sans gêne. L’une est disc-jockey dans les boîtes de nuit underground enfumées, l’autre est actrice, courant les appels aux castings matinaux. Rencontrées lors d’une séance photo commune pour un magazine de mode en 1964, Gabrielle et Jane tissent très vite des liens renforcés par une série de tournages mêlant le regard cinématographique du mari de la première et le talent de tragédienne de la seconde.

Jane Birkin, Gabrielle Crawford et la famille de cette dernière dans les années 1960. Photo DR

« En parallèle de nos débuts discrets, mon conjoint Michael m’a introduite à des mythes vivants, des légendes qui n’étaient, aux creux des années 1960, que des rêveurs géniaux, des soul men à succès comme il en existait partout », signale Crawford en faisant référence à la brève colocation de son couple avec John Lennon, qui tourne aussi avec le père de ses enfants. « Il chantait sur les plages, parlait de ses amours comme des malheurs », poursuit-elle avec le regret de n’avoir pas « pu capturer plus de clichés » du membre des Beatles, déjà épris de Yoko Ono. « C’est surtout durant cette phase que j’ai réalisé l’infinie détresse qui existe chez tous les géants de ce monde », souligne l’apprentie photographe qui tente par ailleurs de sauver Birkin d’un mariage houleux avec John Barry, un conducteur réputé pour son exigence sur le plan professionnel comme intime. « Rien de positif ne peut être dit sur cet individu. Il l’a détruite, l’a fait douter, lui a brisé toute confiance en elle », confie celle qui a d’abord soutenu l’ingénue dans son divorce avant de l’aider à se reconstruire loin des tumultes d’une capitale britannique, délaissant sa frivolité assumée pour une austérité à rebours de ses élans artistiques. « Heureusement qu’elle a fait la connaissance de Serge rapidement après cet épisode chaotique. »

L’apolitisme forcé

Au tournant de la décennie 70, Gainsbourg, humilié et solitaire, met un terme à sa relation avec Brigitte Bardot au moment où elle réfléchissait sérieusement à se retirer de l’univers du show-business à l’aube de la quarantaine. Encore fragile, Jane Birkin quitte alors Londres pour Paris, portée par l’espoir de s’imposer sur les plateaux de cinéma marqués par les transgressions sous Pompidou. Entre les âmes perdues, « pas de coup de foudre », confirme Gabrielle Crawford. Tous deux au casting de Slogan, un navet oubliable n’était-ce pour sa distribution, la vingtenaire rechigne à s’afficher avec le provocateur à la réputation en dents de scie, de 18 ans son aîné. « Il l’a tout de suite aimée follement. Il l’a tellement aimée qu’il lui a fait oublier tout ce qu’on a pu lui reprocher auparavant », ajoute la photographe, témoin également de la « rencontre des idéaux féminins du XXe siècle », quand Bardot et Birkin, l’ex et sa remplaçante, acceptent de tourner ensemble sous la houlette de Roger Vadim en 1972 dans le soft-érotique Don Juan. « C’était une ère où ces milieux pailletés n’étaient pas infectés par la jalousie et la malveillance », lâche Gabrielle Crawford, tout en soulignant les désaccords politiques flagrants entre le duo d’icônes – des divergences qu’elles n’ont jamais abordées.

Connue depuis l’ouverture du troisième millénaire pour ses positions progressistes, souvent avant-gardistes, Jane B. a pourtant longtemps été contrainte de dissimuler ses préférences politiques. « Gainsbourg ne voulait pas qu’elle s’engage trop sur ce terrain. Pour lui, elle devait rester une poupée inaccessible, une égérie glamour sous sa direction. Il lui interdisait d’en parler », se remémore l’amie du binôme, occupée à suivre de près une certaine Margaret Thatcher. Proche de Carol, la fille de la Première ministre conservatrice, Gabrielle Crawford réussit à convaincre cette dernière de poser devant son objectif, de fendre quelque peu son armure de fer.

Margaret Thatcher photographiée par Gabrielle Crawford. Photo DR

« Elle était bien plus chaleureuse qu’il n’y paraissait, en tout cas dans la sphère privée », prétend l’habituée du 10, Downing Street tout au long des erratiques eighties. Simultanément à ce rapprochement professionnel contraignant, Birkin s’émancipe peu à peu, rend visite à Mitterrand en jeans-baskets et ne cache plus ses préoccupations face aux percées électorales de l’extrême droite dans l’Hexagone. En 1980, elle quitte le sulfureux musicien et compositeur imbibé d'alcool devenu Gainsbarre. « Un crève-cœur » pour l’amatrice de ses textes oscillant entre mélancolie et sensualité, mais une étape nécessaire pour « exprimer son libéralisme caché, son envie d’enfin pouvoir diriger elle-même ses choix », dévoile la marraine des trois filles de Jane.

Un parcours doux-amer

L’acte final de Jane B. s’écrit, comme elle le note elle-même dans ses Mémoires en deux tomes, sur plus de trente ans. Artistiquement comblée, nommée trois fois aux César, multirécompensée puis honorée aux Victoires de la musique, la petite Anglaise à l’accent chantant est, en France, perçue comme un symbole moderne et intemporel de féminité, post-Gainsbourg. « Pourtant elle ne s’en est pas éloignée, elle était simplement plus discrète pour ne pas gêner Bambou, son ultime partenaire », fait remarquer Gabrielle Crawford, fidèle accompagnatrice des souffrances physiques et des deuils successifs de la native de Marylebone.

Pour mémoire

Entre Jane Birkin et le Liban, « la fierté, la colère et les taboulés si verts »

« Serge s’est éteint le 2 mars 1991, trois jours avant le père de Jane et quelques mois avant qu’on ne diagnostique à cette dernière un cancer qui, bien qu’initialement traité, reviendra par la suite pour tous nous hanter », mentionne la portraitiste. Ne la lâchant pas du regard, elle se met à suivre l’éternelle hippie sur les routes du globe, ne contenant pas sa fiévreuse énergie entre deux séances de chimiothérapie. Des road trips sur le continent asiatique aux cérémonies de récompenses et manifestations pour le climat outre-Atlantique en passant par ce concert à Beyrouth où on lui annonce la naissance de l’une de ses petites-filles, Birkin canalise ses aspirations en se divertissant peu, en travaillant sans cesse. Du moins jusqu’à ce soir fatidique du 11 décembre 2013. « Tout passe, tout est facile, sauf la perte d’un enfant. Ça, on ne s’en sort pas », soutient, émue, Crawford, préférant se « détacher » de la mort de Kate Barry, victime d’une chute du quatrième étage de son immeuble du XVIe arrondissement.

Jane B. par Gabrielle C. dans les années 1980. Photo DR

« Jane a poursuivi sa vie, difficilement mais passionnément », conclut ainsi sa « meilleure moitié », auteure de C’est Jane, Birkin Jane (éd. Actes Sud), dont l’écriture a débuté six mois après le décès de l’interprète de Je t’aime, Moi non plus, le 16 juillet 2023. « Ce n’est plus pareil sans elle. Les cafés que l’on se partageait n’ont plus le même goût, les émissions que l’on regardait plus le même rythme, les rires et les larmes plus la même intensité. Ces 56 ans d’amitié, je les ai chéris en silence, aujourd’hui je les partage. »

Assise par erreur sur l’un des bancs fraîchement repeints d’un parc londonien, une femme à la coupe au carré pousse un cri aigu, masqué par le chahut des touristes qui l’encerclent. Le téléphone vissé à l’oreille, elle apprend avec effroi la disparition de celle avec qui elle a tout partagé pendant près de soixante ans. Jane Birkin est partie. Sur la pointe de ses pieds toujours...
commentaires (1)

Les articles de ce charmant monsieur portent à confusion. As t il rencontre une de ces deux dames, où se limite t il a coudre un article à partir d autres documents. Et ce n est As la première fois que le doute me prend..

Zampano

08 h 28, le 13 janvier 2025

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Commentaires (1)

  • Les articles de ce charmant monsieur portent à confusion. As t il rencontre une de ces deux dames, où se limite t il a coudre un article à partir d autres documents. Et ce n est As la première fois que le doute me prend..

    Zampano

    08 h 28, le 13 janvier 2025

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