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Lifestyle - Rencontre

Sonia Tir, la Libanaise qui a fait confesser les politiciens LGBTQ+ français

Directrice de cabinet à la mairie de Paris, l’ex-journaliste originaire du pays du Cèdre revient pour « L’Orient-Le Jour » sur un parcours jalonné par un profond désir d’authenticité.

Sonia Tir, la Libanaise qui a fait confesser les politiciens LGBTQ+ français

Sonia Tir, écrivaine et conseillère à la mairie de Paris. Photo DR

Elle entre dans le café avec son propre livre en main, prête à parler de son parcours atypique. Pourtant, elle l’admet, son esprit est ailleurs. « C'est terriblement difficile de travailler en recevant en permanence des images de ce Liban détruit, vous ne trouvez pas ? » demande Sonia Tir de but en blanc, debout près de sa chaise.

Conseillère aiguisée, activiste chevronnée pour les droits de la communauté LGBTQ+, la jeune femme aux origines algériennes ne découvre pourtant ses racines libanaises qu’à l’adolescence. En se frayant un chemin dans le chaos politique parisien, la brune au regard sombre, pensant d’abord ces milieux totalement inaccessibles, utilise sa plateforme pour alerter, engager la conversation sur des sujets souvent épineux, parfois encore tabous. Rencontre.

Renouer avec ses racines

C’est d’abord une simple remarque lancée hâtivement par l'un de ses professeurs de lycée qui lui met la puce à l’oreille. « Tir, c'est bien libanais ? » l'interroge-t-il naïvement, confondant l’orthographe de la ville du Sud et son nom de famille. De quoi faire questionner les origines de celle qui ne se considère alors que franco-algérienne. Cet étrange échange, elle s’empresse de le raconter à son géniteur qui lui révèle alors que son arrière-grand-père avait en effet émigré du pays du Cèdre vers l’Algérie. Loin de s’imaginer que cela pourrait intéresser sa fille, le père de Sonia Tir devient rapidement le témoin privilégié de l’épopée de celle-ci, en quête d’ailleurs et de renouvellement. Adolescente engagée et soucieuse d’acquérir au plus vite une indépendance financière, elle travaille depuis ses 13 ans et décide, le bac en poche, de prendre le premier avion pour Beyrouth.

Sonia Tir lors de l'un de ses déplacements au Liban. Photo DR

« Ce que j’ai vu ? Un pays magnifique, une culture splendide », se remémore l’écrivaine. Caméra argentique en main, elle capture près de 200 clichés de son pays de cœur, se filme dans les ruelles étroites, les grandes villes encore debout. Au fil de ses allers-retours au Liban, Sonia Tir fait autant de rencontres que de découvertes : « Je ne peux pas oublier Abboudi Bou Jaoudé et ses affiches de vieux films arabes, les Ateliers de Tyr où le calme et la gentillesse des propriétaires règnent dans leurs cours de céramique, les randonnées dans le Chouf où j’ai rencontré deux jeunes Néerlandais qui parcouraient le Liban à pied à la recherche de vrais grands cèdres », énumère-t-elle, un brin nostalgique. Sonia Tir rêve éveillée de ses soirées beyrouthines, révélant son amour pour les virées nocturnes, imperceptible derrière son allure de politicienne. « Fêtarde, c’est un mot un peu péjoratif, mais pas au Liban ! » se rassure-t-elle. C’est d'ailleurs ainsi qu’elle rencontre enfin un cousin germain, dans un bar au cœur du quartier touristique de Mar Mikhaël. « Il m’a dit qu’il voyait qui était mon arrière-grand-père, sans plus ! » s’esclaffe-t-elle sans en démordre puisqu’elle compte bien réaliser son arbre généalogique et renouer les liens rompus.

Nouveaux départs

Si la trentenaire s'est toujours sentie déracinée, elle cherche comme elle le peut les réponses aux questions qui la démangent de plus en plus. Et pour cause, elle grandit dans un quartier populaire à la Porte de Bagnolet, « à deux pas de la rue pavillonnaire où réside l’ex-président François Hollande », et fait sa scolarité dans un collège où une petite minorité bourgeoise subsiste toujours. « Je traînais beaucoup avec ces personnes-là, malgré un grand décalage entre nos réalités », ressasse une Sonia Tir, triturant son foulard en soie sous sa chemise blanche.

Sonia Tir fait ses armes dans le journalisme et devient reporter pour Quotidien, talk-show phare de TMC après quelques passages dans des émissions de France Télévisions dont Envoyé Spécial ou C Politique. En 2018, elle passe des mois à filmer le mouvement protestataire des gilets jaunes pour des reportages qui deviendront en partie la cause de sa volonté de changer de métier : « J’ai beaucoup sympathisé avec certains manifestants, mais à la vue des images finalement retenues de mes reportages, ils me confrontaient en me disant “mais attends on t'a fait entrer chez nous, rencontrer notre famille, et tu ne montres que deux personnes ivres qui vont brûler une voiture ?” » Dégoûtée des codes d’une télévision trop consensuelle à ses yeux et qui se résume, selon elle, à « une course aux images sensationnelles et décontextualisées », Sonia Tir rectifie sa trajectoire en faisant son entrée à la mairie de Paris, où son poste se concentre désormais sur les questions de santé et de solidarité.

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Inspirée, elle se lance peu de temps après dans la rédaction de son premier ouvrage, LGBT en politique, sortir du placard (éd. Fayard, publié en janvier 2024) où se mêlent une série d’entretiens intimistes avec des actrices et acteurs majeurs des droits LGBTQ+ en France avec celles de personnalités politiques ouvertement homosexuelles dont Clément Beaune, Alice Coffin, l’ex-Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, avec le regard de certains alliés à la cause dont l’ex-Première ministre macroniste et actuelle ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne. « Plusieurs d’entre eux étaient réticents à l’idée de me parler, et de se voir définis par leur sexualité » , explique-t-elle, en faisant référence, par exemple, aux confessions faites par Jean-Luc Roméro-Michel, ancien conseiller régional socialiste d’Île-de-France, à la suite de nombre d’insultes homophobes qu’il continue de recevoir sur les réseaux sociaux. Plus intriguant encore, elle se penche aussi sur la proportion des membres LGBTQ+ dans chaque parti tricolore et découvre que c’est… le Rassemblement national (RN) qui est en tête. Le parti d’extrême droite de Marine Le Pen, aujourd’hui présidé par Jordan Bardella est cependant connu pour son hostilité historique vis-à-vis des questions en relation avec les problématiques queer dont le mariage et l’adoption pour tous. Interviewé par ses soins, le député Thomas Ménagé (RN), ne cachant pas son homosexualité, lui balance ne pas « vouloir être le gay de service ».

Si elle admet que l’écriture et la préparation de cet ouvrage ont fait questionner ses proches sur sa propre sexualité – la pensant forcément lesbienne –, Sonia Tir réitère qu’elle se positionne en tant qu’alliée à la cause, et ce depuis son plus jeune âge. Pour introduire son sujet d’enquête, elle évoque un ami du collège qui, à l’âge de 13 ans, se voit placé sur décision judiciaire en dehors de son foyer familial. « Nous n’étions que des enfants, mais le fait d’avoir “l’air gay” lui a valu de se pointer au collège avec différentes blessures au visage, jusqu’au jour où il a manqué de se faire tuer par sa famille », dénonce-t-elle, entre exaspération et profonde tristesse. Écrire a surtout été pour Sonia Tir un moyen de renouer avec le journalisme. Aujourd’hui, elle ne compte pas s’arrêter là, et quitte la table en laissant deviner le sujet de son prochain livre, qui vise une cible plus inattendue, à l’approche de l'élection présidentielle de 2027.

Elle entre dans le café avec son propre livre en main, prête à parler de son parcours atypique. Pourtant, elle l’admet, son esprit est ailleurs. « C'est terriblement difficile de travailler en recevant en permanence des images de ce Liban détruit, vous ne trouvez pas ? » demande Sonia Tir de but en blanc, debout près de sa chaise.Conseillère aiguisée, activiste chevronnée pour les...
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