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Lifestyle - Rencontre

Samia Kanaan, la Mexico-Libanaise qui bouscule l’univers des influenceurs

La créatrice de contenu au demi-million d’abonnés et au franc-parler qui ne craint rien partage son parcours, de Tijuana à Paris, en passant par son Liban d’origine. Pour « L’Orient-Le Jour », elle détaille les dessous d’une profession hybride qui lui a ouvert (presque) toutes les portes…

Samia Kanaan, la Mexico-Libanaise qui bouscule l’univers des influenceurs

Samia Kanaan, l'influenceuse qui ne craint rien. Photo DR

Dans le salon feutré de la Soho House parisienne, on ne voit qu’elle. Dans ce lieu où se retrouvent les personnalités branchées de la capitale française, Samia Kanaan détonne par une familiarité troublante. « Quelle heure est-il ? Pas trop tôt pour un cocktail », lance-t-elle, impatiente, aux serveurs. Confortablement installée dans un fauteuil, les jambes croisées, son téléphone, qu'elle ne daigne pas remarquer, n’arrête pas de vibrer. Spritz en main, l’influenceuse lifestyle profite enfin d’une fin de journée jusqu’alors chargée pour se détendre. À 24 ans, cette Mexico-Libanaise n’imaginait pas que sa personnalité pétillante pouvait lui faire de l’argent. Chez elle, le tutoiement est facile, le grand sourire non optionnel. Rien de tout cela ne laisse alors présager que sa vie n’a pas toujours été toute rose…

Une vie faite de bas et puis de hauts. Photo DR

« J’ai oublié ma vie à Tijuana »

De son adolescence marquée par le harcèlement scolaire, Samia Kanaan ne s’étend pas. Car rapidement, elle trouve refuge sur internet. « J’ai beaucoup d’amour pour le Mexique, mais j’ai voulu oublier mes années à Tijuana. C’est compliqué de grandir là-bas en étant arabe », ressasse-t-elle. « Les filles avec qui je prenais des cours de danse sont entrées chez moi par effraction pour jeter des mégots de cigarette sur mon lit, raconte-t-elle, Elles créaient des faux comptes Instagram pour m’humilier. J’ai dû arrêter mes activités pour cette raison. » 

Quelques années plus tard, Samia Kanaan, alors âgée de 16 ans, retrouve presque miraculeusement confiance en elle en se lançant dans le mannequinat, parallèlement à ses cours au lycée. Là où ses expériences passées auraient pu la renfermer sur elle-même, elle choisit désormais de se rendre plus visible que jamais, « comme une thérapie », ironise-t-elle, émue, en reprenant une gorgée de son Spritz. « Certaines personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux me disent que je suis un exemple, ça me motive à continuer », poursuit -elle.

Ce n’est qu’en quittant le Mexique en 2019 pour Paris qu’elle se sent enfin chez elle. Étudiante en stylisme, elle découvre à sa grande surprise un monde inaccessible, fermé, où les places coûtent cher. 


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Trois ans de regards condescendants et de faux espoirs plus tard, Samia Kanaan se rend à Londres pour un master de journalisme de mode à la prestigieuse université de Central Saint Martins, sans pour autant se lancer dans cette voie. « C’est quand j'ai fini mon master que mes TikTok ont commencé à “percer”», révèle l’influenceuse. Cela ne faisait alors que quelques mois qu’elle postait des vidéos courtes sur son profil, « pour continuer à pratiquer mon français ».

« Chaque jour, je décide des sujets dont j’ai envie de parler. Je me filme normalement pendant ma journée de travail ou durant mes pauses », résume-t-elle, décomplexée. À ce jour, son profil regorge de dizaines de vidéos dans lesquelles Samia Kanaan s’étend sur ses rencontres, ses amourettes et ses relations amoureuses, le tout spontanément et sans fard. De ses tirades marquées par son accent, à ses lip-sync sur les titres des Pussycat Dolls, elle offre à sa communauté de fidèles autant de prétextes de la suivre que de tenues colorées à s’acheter.

En se pavanant dans les rues de Paris, la jeune femme se balade, se regarde, se filme. De sa sexualité libre, elle ne cache rien. « Quand vous me demandez : “Samia, t’es lesbienne ?” Vous voulez dire libanaise, non ? Parce qu’en fait je suis les deux ! » confie-t-elle dans un TikTok. « Je m’identifie comme bisexuelle, et encore, je déteste les labels. J’aime les gens, voilà ! »

Son quotidien, qui se résume à arpenter la ville, les salles de sport et les nouvelles adresses de restaurants et boutiques niches, elle le partage sans détour en conseillant à ses abonnés, majoritairement des jeunes femmes, de la suivre dans ses aventures de vingtenaire dorée. Pas un soir où elle ne se fait pas inviter, d’événement à grand dîner, du tapis rouge du Festival de Cannes à la Fashion Week parisienne, Samia se voit sollicitée pour réaliser petites interviews comme partenariats collaboratifs. 


Samia Kanaan, tout dire au risque de déranger. Photo DR

Interdit de se taire

Les parents de la jeune brune, tous deux Libanais, expliquent son attachement à une terre qu’elle ne connaît que trop peu. « Au Mexique, on me reprochait d’avoir une tête d’Arabe, au Liban, d’être trop mexicaine. Tous les jours, je me demande qui je suis vraiment » dit-elle. En soutien inconditionnel du Liban et de la cause palestinienne, l’influenceuse n’hésite pas à afficher publiquement ses idées et son rejet de la politique israélienne depuis le 7 octobre 2023, même si, trois ans plus tôt, sa mère lui déconseillait vivement d’évoquer la Palestine sur ses réseaux sociaux, par peur des représailles. « Les commentaires sont toujours les mêmes : Tu ne parles même pas arabe, pourquoi tu t’impliques ? » rétorque-t-elle. Face aux nombreux créateurs de contenu qui refusent d’utiliser leur plateforme pour s’exprimer, l’engagement de Samia Kanaan va au-delà des vidéos. « J’adore la créativité et la liberté de mon travail. Mais à quoi bon avoir une petite notoriété si on ne peut pas dire ce qu’on pense du monde qui nous entoure. Il ne suffit pas de masquer la réalité avec de jolies images. »

Depuis 2023, impossible de la rater dans les cortèges des manifestations parisiennes en soutien à Gaza. Keffieh sur la tête, téléphone toujours vissé à la main, elle annonce vouloir revendre ses vêtements au profit d’associations libanaises sur son compte Instagram, jusqu’alors dédié à ses sorties et amitiés. Cet engagement n’est évidemment pas sans conséquences sur ses contrats.

Si devenir en peu de temps une figure de la communauté arabe en plein Paris était d’abord une fierté pour Samia Kanaan, sa présence sur les écrans lui fait aujourd’hui repenser ses responsabilités avec une sincérité tout autre : « J'essaie encore de comprendre mon rôle, parce que je ne suis pas sûre d’être prête à l’assurer de la meilleure façon. » Une quête de sens dans laquelle elle avance en citant Michel-Ange, version 2024 : « I’m still learning, tu vois ? »

https://www.instagram.com/samiakanaan/

Dans le salon feutré de la Soho House parisienne, on ne voit qu’elle. Dans ce lieu où se retrouvent les personnalités branchées de la capitale française, Samia Kanaan détonne par une familiarité troublante. « Quelle heure est-il ? Pas trop tôt pour un cocktail », lance-t-elle, impatiente, aux serveurs. Confortablement installée dans un fauteuil, les jambes croisées, son téléphone,...
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