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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand la maturité éclipse l’élan amoureux

J’éprouve parfois cette poignante réalité : ma maturité, telle une robe trop ajustée, m’enlace à en étouffer mes élans les plus spontanés. Elle m’a élevée à des sommets de discernement, mais en m’isolant des plaines fertiles de l’insouciance. Dans l’alchimie complexe des relations amoureuses, cette sagesse érigée en rempart semble déjouer la magie des premières impulsions. Je me trouve ainsi, non pas sans désir, mais enfermée dans une citadelle de réflexion.

C’est un état d’âme particulier que d’être lucide sur mes propres murs, tout en les trouvant immédiatement rassurants. Mes pensées tournent, circulaires, sur cette idée : peut-être ma maturité est-elle devenue mon protecteur tout autant que mon bourreau. Lorsque quelqu’un s’approche avec ses émotions, une partie de moi scrute la moindre faille potentielle. Le moindre mot maladroit ou déplacé prend une place disproportionnée. Pourtant, je ne doute pas de leur sincérité. Je sais qu’ils n’avaient pas l’intention de blesser, et cependant je me recroqueville, gardant pour moi ces écorchures infimes.

Et à quoi bon en parler ? Que pourraient-ils changer ? Je me reproche ma propre hypersensibilité, cette propension à lire entre les lignes d’un texte jamais écrit. Alors, je préfère le silence. À force, j’ai appris à me plaire dans ma propre compagnie. Une solitude choisie vaut mieux qu’une présence imparfaite, me dis-je. Pourtant, je m’interroge – à quel prix ?

L’acte de me prioriser, loin d’être un égoïsme hédoniste, semble être devenu un équilibre fragile entre nécessité et renoncement. Renoncer à se perdre dans l’autre, c’est éviter de s’égarer, mais c’est aussi se priver de l’ivresse de cet abandon. Et pourtant, cette retenue constante ne m’empêche pas de culpabiliser. Je me demande souvent si c’est moi qui ai construit cette distance, ou si elle était inévitable – l’issue logique de mon cheminement vers une vision trop lucide de l’humain.

Peut-être que tout ceci n’est qu’un paradoxe insoluble : désirer l’amour tout en craignant qu’il m’oblige à devenir autre que moi-même. Ma maturité, dans sa noble prétention à me protéger, m’isole des vertiges et des blessures qui donnent à la vie ses couleurs les plus vives.

Alors, je garde pour moi ces non-dits et ces blessures qui s’estompent à peine, tout en caressant l’espoir qu’un jour quelqu’un franchira ce rempart. Non pas pour m’arracher à moi-même, mais pour m’accepter dans cette forteresse. En attendant, je demeure dans ce jeu d’équilibriste, à mi-chemin entre l’élan et la réserve, entre la faute que je m’attribue et la sérénité que je revendique.

Et dans cette solitude, je me découvre un paradoxe vivant : une femme qui s’aime assez pour se suffire, mais qui rêve encore d’être aimée sans réserve, comme elle est, tout entière. Indépendante et résolue, je me suffis à moi-même. Mais l’espérance d’un amour qui m’accepte pleinement, sans compromis, reste une douce illusion que je nourris, dans l’ombre de ma solitude choisie.

Je n’ai jamais voulu éteindre cette part de moi, ma capacité à être pleinement expressive, à laisser mes émotions et mes pensées s’épanouir. Je ne gâcherai cela pour rien au monde. C’est ainsi que je me révèle, dans toute ma complexité, et c’est un feu que je préserve, peu importe les remparts que la maturité semble construire autour de moi.

Léa CHIDIAC

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

J’éprouve parfois cette poignante réalité : ma maturité, telle une robe trop ajustée, m’enlace à en étouffer mes élans les plus spontanés. Elle m’a élevée à des sommets de discernement, mais en m’isolant des plaines fertiles de l’insouciance. Dans l’alchimie complexe des relations amoureuses, cette sagesse érigée en rempart semble déjouer la magie des premières impulsions. Je me trouve ainsi, non pas sans désir, mais enfermée dans une citadelle de réflexion.C’est un état d’âme particulier que d’être lucide sur mes propres murs, tout en les trouvant immédiatement rassurants. Mes pensées tournent, circulaires, sur cette idée : peut-être ma maturité est-elle devenue mon protecteur tout autant que mon bourreau. Lorsque quelqu’un s’approche avec ses émotions, une partie de moi scrute...
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