De bouffe et de baffes

Il y a quelque chose d’ubuesque dans la cataracte de réactions ayant suivi le pèlerinage du Derviche tourneur de Moukhtara en Syrie-islamie voisine, devenue brusquement l’alpha et l’oméga du cirque politique libanais en cette fin de 2024.

Une fois de plus, le hobereau druze a décidé d’envoyer paître la libanité réelle ou présumée des torchis de Chebaa. Une vieille soupe réchauffée datant de mai 2000. En ce temps-là, neuf Libanais sur 10 ne savaient même pas qu’il existait, ce caillou. Et ils avaient bien tort, parce qu’ils en auraient appris des trucs. Comme par exemple ces belles années 60 où le racket, la vendetta et le banditisme y opposaient les ploucs du coin, pendant que nos gouvernants de l’époque n’en avaient rien à braire. On pense bien qu’ils n’allaient pas se déranger pour des querelles de culs de vache…

Les Syriens, eux par contre, s’étaient dérangés. Mais ceux-là, on les connaît. Ne se déplaçaient jamais alors sans un minimum de ressources humaines : militaires, miliciens, espions… Et aussi un minimum de matériel : commissariat en préfabriqué, kalaches en kit, potences pliantes… À chacun son larbin, les péquenots des hameaux étaient matés.

Puis voilà que les Hébreux se pointent pour le dessert en juin 1967. Ceux-là aussi, on les connaît et ils ne font pas dans les nuances. Pour eux, Libanais ou Syriens, c’est kif-kif marron-bronzé, alors ils décident de les coordonner avant même que la tutelle n’ait été inventée. Ils reluquent le drapeau syrien flapi au-dessus du commissariat en carton-pâte et décrètent que le secteur est un appendice du Golan. Adieu hameaux, vaches, espions, bouviers…

Résultat : après nous avoir caché tout cela pendant près d’un demi-siècle, nos grincheux maison en sont réduits à chouiner à la face du monde comme quoi ils veulent récupérer leur moignon de terre jadis négligé. Trois fermes et quatre buissons qui avaient permis entre-temps au Parti barbu d’entretenir son opérette milicienne, tout en maintenant sa quincaillerie militaire et le bizness qui allait avec… Sans compter un agenda jadis bien chargé : libérer la Palestine, le Yémen, Bahreïn, le Timor oriental, le Tibet, la Tchétchénie, les îles Galapagos et qui sait, la principauté de Monaco un jour peut-être… Vaste programme aujourd’hui parti en fumée en même temps que son mentor barbu fumigène.

Voilà donc ce qui tarabuste la classe politique. Pour le reste, rien n’a vraiment bougé en 2024 : d’un côté les manants aux poches vides, de l’autre les margoulins à la panse rebondie… et une année de plus à balancer dans le caniveau ! Ne reste plus qu’à attendre les sorcières, voyantes et autres marabouts marchands de visions astro-hallucinées pour prévoir les réjouissances qui vont s’abattre et nous abattre en 2025. Certes, la grande bouffe du réveillon sera un moment divin. Mais la grosse baffe du réveil, c’est pour l’année qui vient !

gabynasr@lorientlejour.com