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Moyen-Orient - Interview express

« Les juridictions syriennes seraient les plus efficaces pour engager des poursuites contre Assad »

« Il appartiendra au peuple syrien de choisir en toute indépendance les contours que prendra la justice pour les crimes du passé », déclare à « L’OLJ » Clémence Bectarte, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit pénal international et humanitaire.

« Les juridictions syriennes seraient les plus efficaces pour engager des poursuites contre Assad  »

Le président syrien déchu Bachar el-Assad. Photo d’archives AFP

Aussitôt après la chute de l’ancien président syrien Bachar el-Assad, les appels à la redevabilité pour les crimes et violations graves que celui-ci est accusé d’avoir commis se sont multipliés. Dès le lendemain de la chute du régime, le chef du groupe islamiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTC) Ahmad el-Chareh (plus connu sous son nom de guerre, Abou Mohammad al-Jolani) a annoncé lundi vouloir « demander des comptes aux criminels (…) impliqués dans la torture du peuple syrien », et il semble avoir trouvé un écho favorable auprès de la scène internationale.

Le président des États-Unis Joe Biden a ainsi estimé, dimanche, qu’il devrait « rendre des comptes » pour les « centaines de milliers de Syriens innocents, maltraités, torturés et tués », tandis que le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), Volker Turk, a réclamé le lendemain que « toute transition politique en Syrie (…) garantisse que les auteurs de violations graves soient tenus pour responsables (…) ». Au-delà de ces discours déclaratifs, Bachar el-Assad peut-il vraiment être inquiété par la justice, syrienne ou internationale ? Clémence Bectarte, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit pénal international et humanitaire, a répondu aux interrogations de L’Orient-Le Jour.

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Existe-t-il des recours possibles contre l’ex-président syrien Bachar el-Assad ?

Il faut rappeler que depuis novembre 2023, Bachar el-Assad fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par la justice française, pour les attaques chimiques meurtrières de 2013, attribuées au régime syrien. Ce mandat avait été confirmé en juin dernier par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, qui avait jugé qu’un chef d’État en exercice ne jouit pas d’immunité personnelle absolue, en cas de soupçons de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Un pourvoi en cassation ayant été formé contre cette décision, il faudra en principe attendre mars prochain pour que la Cour de cassation rende une décision sur la légalité du mandat d’arrêt.

À mon sens, la question est devenue sans objet, puisque Bachar el-Assad a été destitué de ses fonctions présidentielles et ne bénéficie plus de l’immunité liée à son ancien poste.

À l’instar de la France, tout État est-il habilité à poursuivre l’ex-président syrien ?

Chaque État qui dispose d’une législation sanctionnant les crimes de guerre ou contre l’humanité, le génocide et la torture peut entreprendre une telle démarche. Les victimes doivent cependant détenir la nationalité des États dans lesquels elles portent plainte, sauf si l’État en question dispose d’un mécanisme de compétence universelle. Prévu dans certaines conventions internationales, ce mécanisme permet à un magistrat national de juger des crimes commis à l’étranger, sur des victimes étrangères, par des auteurs étrangers. C’est ce qui a permis à l’Allemagne, par exemple, de mener des procès à l’encontre de responsables du régime syrien.

Maintenant que le régime a chuté, les juridictions les plus efficaces pour engager des poursuites seraient celles de l’État syrien. Ainsi, il appartiendra au peuple syrien de choisir en toute indépendance les contours que prendra la justice pour les crimes du passé.

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De quelles options la Syrie dispose-t-elle pour demander des comptes ?

La Syrie pourrait instaurer une justice indépendante, dans le sillage d’un dialogue qui serait établi en vue d’une transition démocratique du pouvoir. Une telle justice pourrait ouvrir des enquêtes et envisager de s’appuyer sur des « commissions de vérité », à l’exemple de celles qui avaient été créées en Tunisie après la chute du régime de Ben Ali. Ces commissions seraient chargées de mener des enquêtes, rassembler des témoignages et autres documents de preuve pour établir des dossiers utiles aux juridictions syriennes.

Bachar el-Assad se trouvant hors de son pays, les jugements de condamnation seront vraisemblablement rendus par contumace. Les tribunaux syriens pourront toutefois réclamer son extradition aux États où il se serait réfugié. S’il s’avère être en Russie, il serait peu probable que cette demande soit satisfaite dans un avenir proche, compte tenu des relations de cet État avec la Syrie. Mais il faut rappeler que les crimes en question sont imprescriptibles et que le temps de la justice est long.

La justice syrienne peut-elle solliciter l’aide de la justice internationale ?

Oui, elle peut demander l’aide des Nations unies pour mettre sur pied des tribunaux composés de magistrats syriens et internationaux, sur le modèle des instances qui avaient été créées en 2003 à la demande du gouvernement cambodgien, après le régime des Khmers rouges.

Bien que la Syrie n’ait pas ratifié le Statut de Rome, fondement de la Cour pénale internationale (CPI), rien ne l’empêche de le faire pour que cette cour soit compétente en la matière.

La CPI aurait pu être saisie dès 2011 par le Conseil de sécurité de l’ONU, mais cette tentative s’était heurtée au veto de la Russie et de la Chine.

Aussitôt après la chute de l’ancien président syrien Bachar el-Assad, les appels à la redevabilité pour les crimes et violations graves que celui-ci est accusé d’avoir commis se sont multipliés. Dès le lendemain de la chute du régime, le chef du groupe islamiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTC) Ahmad el-Chareh (plus connu sous son nom de guerre, Abou Mohammad al-Jolani) a annoncé lundi...
commentaires (2)

Et qui pour juger Israël qui bombarde la Syrie, qui a détruit l’arsenal militaire syrien et qui s’est installé dans la zone démilitarisée de la Syrie en faisant fi des décisions de l’ONU.? Est-ce qu’un tribunal européen accepte t il de juger Satanyahou comme d’autres bourreaux ont été jugés en Europe ?

KERBAJE Eli

17 h 29, le 11 décembre 2024

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Commentaires (2)

  • Et qui pour juger Israël qui bombarde la Syrie, qui a détruit l’arsenal militaire syrien et qui s’est installé dans la zone démilitarisée de la Syrie en faisant fi des décisions de l’ONU.? Est-ce qu’un tribunal européen accepte t il de juger Satanyahou comme d’autres bourreaux ont été jugés en Europe ?

    KERBAJE Eli

    17 h 29, le 11 décembre 2024

  • La Syrie a eu affaire à la CPI dans le passé. La CPI peut reprendre le dossier

    Moi

    16 h 06, le 11 décembre 2024

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