La Banque mondiale (BM) estime à plus de 8,5 milliards de dollars le coût pour le Liban de la guerre entre le Hezbollah et Israël, qui a commencé le 8 octobre 2023 et est longtemps restée limitée au Liban-Sud et à certaines zones de la Békaa avant de dégénérer en guerre totale depuis la fin de l’été.
Dans un nouveau rapport publié par l’institution ce jeudi (le Lebanon Interim Damage and Loss Assessment), l’organisation divise cette facture en dégâts matériels causés aux structures physiques par les bombardements israéliens, s’élevant à eux seuls à 3,413 milliards de dollars, et en pertes économiques, qui atteignent 5,062 milliards.
Le secteur résidentiel est celui qui paye le plus lourd tribut, toutes catégories confondues, avec des destructions qui frôlent les 3 milliards de dollars, selon la même source. Près de 100 000 logements ont été endommagés en un an.
Cette étude doit permettre à la BM d’évaluer de façon plus complète « les besoins en matière de reconstruction et de redressement » qu’elle pourrait mener « en collaboration avec le gouvernement libanais, l’Union européenne (UE), les agences des Nations unies et d’autres partenaires de développement, une fois que la situation le permettra et que le gouvernement aura indiqué qu’il est prêt à aller de l’avant ».
Dans le communiqué diffusé pour annoncer la publication du rapport, la BM indique qu’elle est en train « d’activer des plans d’intervention d’urgence afin de réorienter les ressources existantes pour répondre aux besoins urgents de la population libanaise ».
En plus de 13 mois, la guerre a tué plus de 3 300 personnes, selon les chiffres libanais officiels les plus récents, tandis que le nombre de déplacés serait d’au moins 875 000, estime l’Organisation internationale pour les migrations. Une majorité des victimes et des nouveaux déplacés ont été enregistrés après le début de la violente offensive terrestre israélienne fin septembre. La BM rappelle, dans son rapport, que plus de 440 000 personnes – dont 312 000 Syriens – avaient quitté le pays en date du 25 octobre dernier, en reprenant les chiffres du Haut-Commissariat pour les réfugiés de l’ONU.
Le PIB en baisse de près de 7 %
L’évaluation de la BM couvre une période allant jusqu’au 27 octobre 2024, excluant ainsi les dégâts causés au cours des trois dernières semaines, marquées par une intensification des frappes israéliennes sur le sud du pays, la Békaa et la banlieue sud de Beyrouth, ainsi que par des bombardements plus ponctuels dans d’autres régions (notamment les régions de Aley et du Chouf). Sur le plan géographique, l’étude porte sur « au minimum 80 % des zones affectées par le conflit » dans six des neuf gouvernorats du pays : Baalbeck-Hermel, Beyrouth, Békaa, Mont-Liban, Nabatiyé et Liban-Sud.
Le rapport inclut également « une analyse complémentaire de l’impact du conflit sur la croissance économique du Liban ». La BM souligne ainsi que le PIB libanais devrait se contracter d’au moins 6,6 % en 2024, alors que sa précédente estimation, datant de plusieurs mois, prévoyait une baisse de 1 %.
Les prévisions de la BM rejoignent celles de l’Institut de la finance internationale, qui anticipe une contraction de 7 % en 2024. L’organisation estime une baisse cumulée de 34 % du PIB libanais depuis 2019, année où le pays a plongé dans la pire crise économique et financière de son histoire, dont il n’était pas encore sorti au moment où les hostilités entre le Hezbollah et Israël ont débuté.
En ce qui concerne la facture des dégâts et des pertes, l’évaluation de la BM est assez proche de celle d’Information International dans une étude récemment publiée. Le gouvernement libanais, qui a couvert une période similaire, a estimé le coût de la guerre à près de 10 milliards de dollars. Le bilan de la BM est cependant bien moins élevé que celui de l’Independent Task Force for Lebanon (ITFL), dont les experts ont repris à leur compte le montant de 13 milliards de dollars de pertes directes estimé par le cabinet Lebanese Institute for Market Studies (LIMS). Les mêmes experts avaient pronostiqué que la facture des dégâts de la guerre pourrait atteindre jusqu’à 20 milliards de dollars.
Répartition des dégâts et des pertes
Dans son rapport, la Banque mondiale décompose comme suit le coût des destructions et des pertes économiques subies par le pays. Selon les données, les bâtiments résidentiels sont ceux qui ont été les plus touchés par les bombardements israéliens, avec près de 2,8 milliards de dollars de dégâts, représentant plus de 82 % de la facture totale. En valeur absolue, il s’agit du plus gros montant relevé, toutes sous-catégories confondues. Suivent les dommages à l’environnement (221 millions de dollars ou 6,5 %), les commerces (178 millions, 5,2 %), l’agriculture (124 millions, 3,6 %), le secteur de la santé (74 millions de dollars, 2,2 %) et l’horeca (hôtellerie, restauration et cafés – 18 millions, 0,5 %).
En termes de répartition géographique, Nabatiyé (1,5 milliard, soit 45,3 % de la facture des dégâts) et le Liban-Sud (1,3 milliard, 37,8 %) ont payé le plus lourd tribut (plus de 83 %). La Békaa (415 millions de dollars, 12,1 %) ainsi que l’ensemble formé par Beyrouth et le Mont-Liban (144 millions, 4,2 %) suivent de loin. Baalbeck-Hermel, qui n’est pas la région la plus urbanisée du Liban, arrive en dernier avec 18 millions, soit 0,53 %.
En ce qui concerne les pertes économiques, c’est le secteur commercial qui a le plus souffert « pendant une période de 12 mois » selon la méthodologie présentée, avec 1,67 milliard de dollars, soit 33,1 % du total. L’agriculture suit de près (1,13 milliard, 22,4 %), tout comme le tourisme et l’hospitalité (près de 1,1 milliard, 21,7 %). Ensemble, ces trois secteurs totalisent plus de 77 % des pertes économiques. Le secteur immobilier (389 millions, 7,7 %), le secteur de la santé (338 millions, 6,7 %) et celui de l’éducation (215 millions, 4,2 %) se partagent le reste de l’addition. La Banque mondiale ne fournit pas de données permettant d’avoir une idée de la répartition géographique de ces pertes.
Le rapport fournit enfin une « analyse des principaux schémas de déplacement », avec des flux qui vont majoritairement du sud du pays et de la Békaa vers Beyrouth et les régions qui l’entourent. La BM souligne que ces déplacements ont provoqué une « crise humanitaire qui exacerbe les personnes fragiles et vulnérables », dont « les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les réfugiés et certains travailleurs migrants ».
La Banque mondiale estime que 166 000 personnes ont perdu leur emploi, ce qui correspond à une perte de revenus de 166 millions de dollars, un montant obtenu en se basant sur une méthodologie détaillée dans une des annexes du rapport. Elle constate également que ces déplacements ont considérablement accru les pression sur les infrastructures et les services publics des « communautés d’accueil », et alerte contre le risque de tensions communautaires provoqué par cette situation.
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13 h 38, le 16 novembre 2024