
Le président du conseil exécutif du Hezbollah, Hachem Safieddine, le 12 juin 2024 dans la banlieue sud de Beyrouth. Photo Matthieu Karam
Le roi est mort... vive le roi ? La question n’est pas aussi simple dans le cas du processus de succession attendu de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dont la mort a été confirmée samedi par le parti chiite, dix-huit heures après la frappe monstre de la veille sur la banlieue sud de Beyrouth. Si un remplaçant sera sûrement désigné, surtout dans une phase aussi délicate où se poursuivent des combats acharnés entre Israël et la milice chiite, c’est, paradoxalement, à cause de cette guerre que la désignation ou l’élection d’un nouveau chef est rendue difficile.
Alors que le bruit des canons ne s’est pas encore tu et que l’état-major israélien promet une « guerre longue », jurant d’en découdre avec le Hezb et son infrastructure, la logique suppose que celui-ci ne va probablement pas dévoiler de sitôt le nom de son prochain chef et risquer de le condamner dès le départ à devenir une cible. Un avis que partagent plusieurs experts du Hezbollah, soulignant qu’une annonce publique du nom du successeur potentiel ne serait pas une bonne idée.
« Tout au plus le parti pourra désigner ou élire une personne dont le nom ne sera pas pour autant révélé, qui pourrait assurer l’intérim en attendant que se décante le paysage », indique Ali el-Amine, analyste réputé pour son hostilité au parti chiite.
Officiellement, c’est le conseil de la choura (conseil consultatif), l’organe suprême du parti, qui élit le secrétaire général, dont le mandat de trois ans est théoriquement renouvelable une seule fois. Le conseil – dont les décisions sont assujetties à l’autorité du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei – choisit en principe le premier parmi ses pairs.
Celui-ci est composé de Naïm Kassem, secrétaire général adjoint, Mohammad Yazbeck, président du conseil judiciaire, Ibrahim Amine el-Sayed, qui chapeaute le conseil politique, Hachem Safieddine, à la tête du conseil exécutif, Hussein Khalil, bras droit du secrétaire général, et Mohammad Raad, chef du bloc et président du conseil parlementaire.
C’est par les membres de la choura que fut élu Sobhi Toufayli en 1989, puis Abbas Moussaoui en 1991, assassiné un an plus tard par Israël. Lui succède alors Hassan Nasrallah, élu une première fois en 1992, puis en 1995 pour un second mandat. Depuis, le principe même de l’élection est annulé aux niveaux du secrétaire général et de la choura. Ce qui explique le long mandat (32 ans) de Hassan Nasrallah.
« Le problème, note Mohannad Hage Ali, chercheur à Carnegie, est que le conseil de la choura doit se réunir pour en débattre et décider. Or cela va être très difficile dans un contexte pareil, avec une épée de Damoclès désormais brandie au-dessus de la tête des membres du parti. » La choura peut éventuellement décider de passer outre les élections et désigner tout simplement le candidat, arguant des circonstances exceptionnelles.
Hachem Safieddine ?
Si on ignore qui pourrait succéder à Hassan Nasrallah, le candidat pressenti jusqu’ici serait Hachem Safieddine, très proche de Téhéran. Safieddine, un cousin de Hassan Nasrallah, ressemble à ce dernier. Il est de surcroît doté d’une voix similaire et d’un léger défaut de prononciation du « r ». Des ressemblances de forme qui pourraient jouer en sa faveur. Des incertitudes demeurent toutefois sur son sort après la frappe de vendredi, qui aurait visé le QG du Hezbollah, même si l’ancien député Nawar Sahili, un cadre du parti, affirme qu’il est encore en vie.
Le président du conseil exécutif est né en 1964 dans le caza de Tyr. Il a fait des études de religion en Iran, dans la ville sainte de Qom, dans les années 1980, ce qui lui a permis de développer de bonnes relations avec Téhéran. Son frère, Abdallah Safieddine, est d’ailleurs le responsable du Hezbollah en Iran. Son fils Reda est pour sa part marié à Zeinab Soleimani, la fille de l’influent chef des opérations extérieures des gardiens de la révolution, Kassem Soleimani, assassiné en janvier 2020 à Bagdad. « Un pur produit iranien », disent de lui des opposants chiites.
L’influence de Téhéran
Or c’est précisément l’Iran qui reste le facteur décisif dans l’avènement du nouveau patron du Hezb. Durant cette période transitoire où les équilibres géopolitiques sont sérieusement remis en cause et les cartes redistribuées, il reste à voir quel sera, aux yeux de Téhéran, le profil approprié du futur chef du Hezbollah, son obligé libanais.
« Il est important que le prochain numéro un du parti comprenne les intérêts de l’Iran, notamment son souhait de conclure un marché susceptible de conduire à une levée des sanctions. Une démarche considérée comme vitale pour la stabilisation du régime qui vient de réaliser que ses caisses sont complètement vides », commente Ali Fathollah Nejad, expert iranien et directeur du Center for Middle East and Global Order (CMEG) à Berlin.
Il devra donc prendre en considération la politique d’ouverture que la République islamique vient d’amorcer en direction des États-Unis et son souhait de se tailler de nouveau une place dans le concert des nations.
Le discours prononcé il y a quelques jours par le président iranien, Massoud Pezeshkian, devant l’Assemblée générale de l’ONU, est significatif à cet égard. S’adressant au peuple américain, il a souhaité voir s’ouvrir un nouveau chapitre qui reconnaîtrait la légitimité des préoccupations sécuritaires de l’Iran. « Les sanctions sont inhumaines », a-t-il dit, se disant prêt à conclure des partenariats économiques, sociaux et sécuritaires avec les puissances internationales et les pays voisins.
Un changement d’orientation et de priorités qui « pourrait compliquer la donne ainsi qu’une éventuelle riposte iranienne à l’assassinat de Hassan Nasrallah », décrypte Ali Fathollah Nejad. « Les intérêts stratégiques du régime doivent être pris en compte par le nouveau leadership du Hezbollah. »
Autant d’inconnues auxquelles il est difficile de répondre, alors qu’Israël continue de s’acharner contre le Hezbollah, rendu orphelin de son leader le plus charismatique qui a apposé son sceau sur le parti et réalisé, aux yeux de sa base populaire, des « victoires » (retrait d’Israël en 2000, puis la guerre de 2006). Pour Ali el-Amine, c’est plus le moment de susciter des interrogations que d’y répondre.
« Quelle sera la nature de la mission que le Hezbollah est appelé à remplir dans la phase à venir ? Va-t-il poursuivre sa résistance transnationale ou accorder la priorité à la scène libanaise interne ? Et enfin, que vont devenir les affidés de l’Iran dans une région en voie de transformation radicale ? » s’interroge l’analyste. La réponse à ces questions déterminera le profil du prochain secrétaire général du parti chiite.
Il aurait fallu liquider d’abord safieddine qui semble plus coriace et méchant.
19 h 52, le 29 septembre 2024