
L'intérieur du sarcophage de Spdet-em-ââout exposé à Londres. Photo David Aaron
L’égyptologue écossais Robert Hay (1799-1863 ) avait procédé, avec son collègue Joseph Bonomi (1796-1878), à l'enregistrement des monuments et inscriptions, en faisant un grand nombre de plans d'architecture. Ses manuscrits sont conservés principalement à la British Library, et beaucoup de ses moulages en plâtre au British Museum. Dans ses écrits, il avait noté que « la colonne de texte médiane du couvercle du sarcophage de la princesse héracléopolitaine Sopdet-em-hââout contient l’ensemble de ses titres ainsi que sa prestigieuse ascendance, qui la rattache à deux maisons royales de la fin de l’époque libyenne : d’abord celle d’Héracléopolis où a régné son père Peftjaouâouybastet et ensuite à celle de la Haute-Égypte au travers de son grand-père Roudamon, le dernier représentant connu de la XXIIe dynastie dite thébaine ».
Depuis la note de Robert Hay, aucune information sur ce sarcophage que l’on situe entre la fin de la XXVe et le début de la XXVIe dynastie de l'Égypte ancienne n’a été fournie. En 2013, lors d’une vente aux enchères chez Sotheby's New York, le cercueil apparaît dans une collection privée sétoise. Exposé ces dernières années au musée des Beaux-Arts de Houston (MFAH), il a livré une note manuscrite au crayon, rédigée en français et posée à l’intérieur du couvercle. Le mot indique, en substance, que l’artefact a été découvert à Saqqarah (vaste nécropole égyptienne de la région de Memphis), en 1832, puis rapporté d’Égypte en 1834 par l’archéologue et homme politique français Jules-Xavier Saguez de Breuvery. Celui-ci a profité de certaines étapes de son voyage pour acheter des monuments, qu’il a ensuite transmis à ses descendants. « Le texte permet donc de préciser qu’il a été découvert en 1832. Il cite curieusement « Sakarah » comme lieu d’origine alors que l’objet est manifestement thébain, et été découvert dans la nécropole de Cheikh Abd el-Gournah, sur la rive ouest du Nil, face à Louxor. Ce qui pourrait indiquer que M. de Breuvery l’a acheté au Caire », signale dans un exposé publié par le portail Persée l’historienne Raphaëlle Meffre chargée de recherche au CNRS (UMR 8167, Orient & Méditerranée) et auteure D’Héracléopolis à Hermopolis.
Le magnifique sarcophage répertorié pour la première fois en 1832. Photo David Aaron
Dans l’atelier thébain
Le sarcophage de 1 m 87 cm est en bois polychrome. Pour résumer les détails artistiques signalés par Raphaëlle Meffre, notons que les couleurs employées pour l’extérieur sont le blanc-crème, bleu, rouge, vert, noir et blanc. L’intérieur du cercueil, qui adopte la silhouette de la momie, ne laissant que la tête dégagée de la gaine, est entièrement décoré de textes inscrits sur un fond jaune et blanc.
Quant au couvercle, il est peint d'une représentation idéalisée de la princesse Sopdet-em-hââout, ornée de symboles de royauté et de protection. Son visage rouge brique, aux lèvres charnues, aux yeux en amande écartés et sourcils fins et effilés rehaussés de peinture noire et blanche, est surmonté d'une volumineuse perruque tripartite de boucles rectangulaires d’un bleu foncé, caractéristique des réalisations des dynasties des XXVe-XXVIe. Posée sur la perruque, une coiffe de vautour sans cou ni tête ((qui caractérise les cercueils féminins) se décline en jaune ourlé de rouge.
La décoration représente également un collier ousekh doté de 14 rangs, enserrant totalement les épaules. Il dispose de deux fermoirs en forme de tête de faucon, ainsi qu’une représentation de la déesse protectrice des morts Nephtys, des colonnes d'inscription, les yeux inversés d'Horus sur les pieds, une déesse ailée agenouillée sur le devant du piédestal, un taureau Apis au galop portant la momie du défunt.
Toujours selon l’historienne Raphaëlle Meffre, « le cercueil intérieur de Sopdet-em-hââout relève d’un type de décor bien attesté dans la production thébaine des dynasties des XXVe-XXVIe mais se distingue toutefois par l’originalité de la disposition du décor ». « Cependant, observe-t-elle, ses divers éléments peuvent être rapprochés, du point de vue de la facture, d’autres cercueils thébains contemporains. Le plus proche est certainement celui de Bes-en-mout. Plusieurs motifs décoratifs présents sur les deux cercueils sont traités d’une manière très proche, dans la forme comme dans la juxtaposition des couleurs. La conjonction de ces points communs permet d’envisager leur fabrication quasiment simultanée dans un atelier thébain. »
Cet artéfact rare et bien préservé sera présenté par la galerie David Aaron Ltd à la foire londonienne d’art internationale, Frieze Masters, du 9 au 13 octobre prochain. Fondée en 1910 en Iran, la galerie a pris de l'importance dans les années 1920 lorsque Soleiman Haroon (1890-1976) a ouvert une deuxième salle d'exposition à Alexandrie, en Égypte, avant de déménager en 1980 à Londres où le plus jeune fils de Soleiman, David Aaron, a ouvert sa propre galerie sur Berkeley Square en 1998. Celle-ci est spécialisée dans les œuvres d'art classiques grecques et romaines, égyptiennes, du Proche-Orient et artefacts islamiques, ainsi que dans des objets rares de l'histoire naturelle, tels que les fossiles de dinosaures. Parmi ses clients et pas des moindres, le Metropolitan Museum of Art, le J. Paul Getty Museum, le Louvre Abou Dhabi, le musée Aga Khan, et la glyptothèque de Munich, pour n’en citer que quelques-uns.